Orchestre des Champs-Elysées
saison 2011-2012
Mozart
Symphonies 39,40, 41 (« Jupiter »)
Philippe Herrewghe, direction
Poitiers, TAP Versailles, Opéra Royal
Le 10 avril 2012
Le 11 avril 2012
Composées l’une à la suite de l’autre en l’espace seulement de 3 mois, en une énergie compositionnelle inouïe, de juin à août 1788, les 3 dernières symphoniques de Mozart, portent l’idéal esthétique de leur auteur touché par une grâce déjà préromantique (subtile inflexion préschubertienne des menuets). Le raffinement de l’orchestration, les inflexions mélodiques qui approfondissent son travail sur l’expression juste de l’émotion, en font un testament musical exemplaire. L’Orchestre des Champs Elysées, collectif pionnier parmi les orchestres sur instruments d’époque (20 ans en 2012: voir notre reportage vidéo sur la Missa Solemnis de Beethoven, concert anniversaire au TCE) s’intéresse lors de cette nouvelle tournée à en dévoiler la richesse, la modernité, la complexité visionnaire dont les innovations synthétisent l’apport à Vienne de Haydn dans le format symphonique, et prépare la révolution beethovénienne. Mozart, décidément singulier et génial, fait la synthèse de la période classique, hériter de l’esprit des Lumières tout en amorçant déjà l’avènement du sentiment romantique…
Pour l’Orchestre fondé et dirigé par l’excellent Philippe Herreweghe, il s’agit d’approfondir la sonorité et la motricité instrumentale de l’écriture symphonique d’un Mozart au sommet de ses capacités d’écriture, auteur aussi marqué voire frappé par le destin: difficultés matérielles, ignorance des Viennois vis à vis de son Don Giovanni, décès de sa fille Thérèse… Poète, doué d’une clairvoyance exceptionnelle, Mozart croise l’élégance viennoise (exquis souvenir des ländler d’une tendresse irrésistible dans les mouvements lents) avec le sceau de la gravité et de la vérité du sentiment: le premier mouvement de la 39è (achevée le 26 juin 1788) rappelle le climat de l’ouverture de Don Giovanni; terminée le 25 juillet 1788, la 40è ne comporte ni timbales ni trompettes, totalement portée par la brillance flamboyante et fiévreuse des cordes (avec clarinette dans une version alternative, en plus des hautbois): Mozart s’y montre d’une énergie enivrée, une soif exaltée qui sonne au regard des événements vécus, telle une espérance exacerbée, palpitante, ardente, et là encore d’une tendresse inouïe: c’est une hyperactivité rarement atteinte avant Mozart, l’expression d’une lutte engagée certainement plus autobiographique qu’on le dit.
Trilogie visionnaire
La trilogie mozartienne s’achève avec le sommet lumineux de la K 551, la 41è dite Symphonie « Jupiter »: en ut, le dernier opus symphonique de Mozart marque l’affirmation et le triomphe des valeurs humanistes, en liaison avec ses affinités franc-maçonniques. Le plan est l’un des plus équilibrés qui soient: vaste architecture, solennelle et légère à la fois, qui semble fixer sans l’assécher le plan sonate et aussi récapituler toutes les passions éprouvées et vécues au cours des deux Symphonies précédentes; et leur donner une réponse, comme un prolongement en forme d’apothéose : en particulier si l’on joue dans la continuité la dernière agitation de la 39è puis le premier mouvement de la 40è: un monde surgit alors avec la Jupiter, celui plein de souffle et d’une vitalité régénérée qui annonce immédiatement la vision et l’activité de Beethoven. Jouer dans leur continuité organique les 3 dernières Symphonies de Mozart est un pari risqué pour les interprètes mais une expérience musicalement pertinente: l’auditeur peut rétablir l’enchaînement des parties et prendre conscience de l’œuvre magistralement cohérente de Mozart à la fin des années 1780. Cycle événement.
Toutes les infos, réserver, s’informer sur ce programme sur le site de l’Orchestre des Champs Elysées