jeudi 18 avril 2024

Mozart: Idomeneo, version originelle Bruxelles, La Monnaie. Du 16 mars au 3 avril 2010

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Mozart
Idomeneo
, 1781
version originelle de 1786

Bruxelles, La Monnaie
Du 16 mars au 3 avril 2010
Nouvelle production

Jérémie Rhorer, direction
Ivo Van Hove, metteur en scène

A l’été 1780, Mozart reçoit la commande d’un nouveau seria: Idomeneo, dont le livret s’inspire de l’Idoménée de Campra. C’est le prince électeur Karl Theodor von der Pfalz, qui pour sa cour de Munich souhaite s’assurer les talents du jeune compositeur dans le genre opéra. Au travail, Mozart prend une décision historique en 1781, il claque la porte de son employeur, l’exigeant prince archevêque de Salzbourg, Colloredo. Le plus grand musicien de l’heure est donc le premier artiste indépendant, autoassumé, quand tous les musiciens d’importance sont considérés comme des serviteurs, employés par les princes.
L’abbé Varesco remaquille le livret de Danchet: la tragédie française devient fidèle aux canons seria, une action au dénouement heureux (lieto finale).
En unissant les parties renouvelées par des récitatifs particulièrement articulés (usant précisément des recitativos accompagnatos), Mozart refonde le genre seria non sans assimiler les ferments de l’opéra français: choeurs importants et ballets de liaison. L’orchestre s’y développe de manière exceptionnelle. Hélas, la réalité des répétitions à Munich remodèle ses intentions. Ne disposant pas d’assez de moyens, le compositeur renonce aux 3 trombones accompagnant l’oracle, il doit aussi couper sa partition première (dont tout le 3è acte). La production de 1781 est une version amputée qui ne correspond pas à ce que souhaitait le musicien. D’ailleurs, il remanie en 1786 son opéra et le fait représenter en version de concert à Vienne, avec toute la musique qu’il avait écrit et aussi de nombreux airs de concerts complémentaires.

Le pouvoir en procès

Il avait mis en scène Roman Tragedies d’après Shakespeare en septembre 2007. Le belge Ivo Van Hove revient à La Monnaie pour un nouvel Idomeneo. Au coeur de son travail, la relation du père (Idomeneo) au fils (Idamante) s’éclaire: le premier doit sacrifier le second à la suite d’un voeu irréaliste. La fureur des dieux (Neptune et sa tempête) exige des hommes des actes barbares. L’Antiquité et la mythologie nous offrent ainsi une vision brutale et violente de l’ordre social: un système fondé sur le respect de lois iniques et sur la terreur. Dieu terroriste, siège d’une ville envahie soumise au diktat d’une clique politique, décors contemporains… l’Idomeneo bruxellois s’inscrit dans la vérité de notre époque elle aussi passablement barbare. Or Mozart en intitulant son opéra Idomeneo, prend le parti d’une situation extrême destinée à dévoiler les identités et les tempéraments: Idomeneo doit-il se soumettre au dieux quitte à sacrifier son propre fils?
A travers Idomeneo, Mozart aborde la soumission aveugle, inhumaine. A travers Idamante, il évoque aussi un nouvel ordre qui doit désormais s’imposer. Y aurait-il incidemment une référence à sa récente émancipation, hors de toute tutelle autoritaire, autant celle de son ex employeur Colloredo que de son père?
Créature de cet ancien monde, lié au passé, la princesse Elettra qui se fait chant de violence et de haine. Elle vit dans le ressentiment et les traumatismes anciens, régressifs (perte de son père, de son frère, de sa mère). Elle n’a pas coupé le cordon. Avec Idomeneo, Mozart s’affirme doublement, comme individu récemment libéré de ses tuteurs; comme compositeur, dans un genre ambitieux et salué par toute l’Europe éduquée, l’opéra italien.

Tempis « wagnériens »

Le chef français Jérémie Rhorer n’en est pas à son premier Mozart à la Monnaie: après Les Noces de Figaro, voici Idomeneo, oeuvre phare et déterminante dans l’évolution lyrique du musicien. Forte couleur française (grâce à la présence des ballets), imprégnation égale d’Amadis de Gaule, opéra de Jean-Chrétien Bach si vénéré par Mozart (et qu’il rencontra à Paris en 1778)… tout indique dans Idomeneo, une oeuvre clé à laquelle Mozart apporte une unité et une cohérence dramatique inégalée grâce à la musique et aux choeurs (totalité nouvelle pour les scènes du choeur de la tempête par exemple). L’idée de la continuité et de l’enchaînement est un concept nouveau, totalement génial qui vient donner une fluidité organique à un genre musical qui en était privé. Pour renouer avec la vitalité organique mozartienne, Jérémie Rhorer précise qu’il utilise la noire plutôt que la croche pour le rythme harmonique: il en déduit des tempi beaucoup plus rapides et allant qui oxygènent la tension dramatique des opéras de Mozart. La tradition de diriger Mozart lentement vient de Strauss qui reprochait à Wagner ses tempis trop rapides dans Mozart. Avec Rhorer, nous assistons à un renversement de cette tendance: Mozart retrouve ainsi ses tempos « wagnériens »!
Jérémie Rhorer opte pour une version dramatique, c’est à dire sans les ajouts et déformations imposées à Mozart pendant les répétitions munichoises de 1781. Exit donc l’air redondant d’Arbace au II (qui alourdit la tension de l’acte), exit aussi le ballet célèbre de la fin de l’opéra: où devait-il être précisément? telle est la question encore débattue de la partition… Retour à la voix de l’oracle avec ses 3 trombones. Mozart aurait probablement été satisfait de ses options.

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