2007 marque les 70 ans de la disparition du compositeur Maurice Ravel. Né à Cibourne, dans les Pyrénées-Atlantiques, le 7 mars 1875, mort à Paris, le 28 décembre 1937, avant la deuxième guerre mondiale, l’auteur du célébrissime boléro, illustre un style marqué par la concision et la subtilité dont l’écriture orfévrée, en particulier sur le plan de l’orchestration, révolutionne la musique orchestrale. Quelques mois après la naissance de Maurice, la famille Ravel déménage pour s’installer à Paris.
Les parents, en particulier son père, encouragent les talents musicaux de leur fils qui dès l’âge de 6 ans, suit des cours de piano. Il entre à 13 ans au Conservatoire de Paris, se lie avec le pianiste espagnol Ricardo Vines dont il joue les oeuvres au piano. Très vite, l’apprenti devient compositeur, façonnant son propre univers autour des maîtres admirés, Mozart et Saint-Saëns, Debussy et Satie, tissant d’indicibles et délicates correspondances entre poésie et musique car il est lecteur de Baudelaire et Poe, Villiers de l’Isle-Adam et Mallarmé.
En 1897, il suit les leçons de Fauré qui prend sous son aile, l’avenir du jeune compositeur. Il est l’auteur de Pavane Pour une Infante défunte, de l’Ouverture de Shéhérazade (créée en mai 1899 sous les sifflets, oeuvre à ne pas confondre avec le cycle des poèmes d’après Klingsor de 1904). Son engagement auprès des « modernes », Chabrier et Satie, lui vaut dès le début de sa carrière, de profondes inimitiés.
Ravel se présenta sans succès quatre fois au Prix de Rome, en 1901, 1902, 1903 puis 1905. Ses échecs suscitèrent une affaire retentissante, opposant partisans de la modernité et conservateurs. Le piano lui offre ses premiers triomphes : Jeux d’eau (1901) affirment l’éclat exceptionnel d’un compositeur délicat et secret, envoûtant et conteur qui fut immédiatement étiqueté comme un « Debussyste ». Jusqu’en 1908, Ravel produit d’incomparable chefs-d’oeuvre : Quatuor à cordes (1902), Shéhérazade (1904), Introduction et allegro pour harpe (1906), puis comme un feu d’artifice, rien qu’en 1908 : Rhapsodie espagnole, Ma mère l’Oye, Gaspard de la nuit.
En avril 1909, Ravel est à Londres pour une tournée de concerts. Son activité pour diffuser la musique contemporaine se concrétise davantage quand il crée avec Charles Koechlin et Florent Schmitt, en 1910, le Société musicale indépendante, clairement opposée la Société nationale de musique, foyer du conservatisme présidé par Vincent d’Indy.
Le style ravélien que l’on trouve aujourd’hui si ciselé et raffiné, suscita de beaux scandales. L’heure espagnole, à l’humour savoureux, créée en 1911 sur un livret de Franc-Nohain, fut taxé de « pornographie ». Sa symphonie chorégraphique, Daphnis et Chloé, conçue avec Michel Fokine, dans l’esprit d’une évocation de la Grèce antique, suscita un accueil mitigé en juin 1912. Le compositeur vivait alors dans un vaste appartement famillial de l’avenue Carnot, près de la place de l’Etoile. Il souhaitait manifester dans la partition, son indéfectible vénération pour les maîtres classiques, Couperin et Rameau. L’indifférence ainsi exprimée vis à vis d’une oeuvre parmi les plus longues et les plus ambitieuses du musicien, affecta profondément son auteur.
Le modernisme du compositeur trouva une nouvelle occasion de se manifester en 1913, quand la création du Sacre du Printemps déclencha le scandale que l’on sait : Ravel assuma un indéfectible soutien à son ami Stravinski.
A l’époque de la guerre, Ravel compose son trio (créé en 1915). Le défenseur de l’art moderne entend s’engager aussi dans les combats mais il est réformé pour raison de poids. Il s’entêtera et finira par devenir conducteur de camion (mars 1916), puis atteint d’une péritonite, il est démobilisé. La mort de sa mère qui survient en janvier 1917, le plonge dans une mélancolie tenace. Il regroupe six pièces pour piano afin de concevoir le cycle du Tombeau de Couperin, suite pour piano, dans le goût du classicisme français, déjà pratiqué dans Daphnis et Chloé. Au souvenir à peine suggéré des anciens, Ravel dessine comme une épure, favorise la lente et progressive décantation de son style.
Après la guerre, le dandy tombe le masque des mondanités. Ravel approfondit son écriture, compose une oeuvre par an avec un génie intact, marqué par l’effroi et le traumatisme de la guerre. Après la mort de Debussy (1918), Ravel devient le plus grand compositeur français vivant. Celui qui fut calomnié pour ses oeuvres et ses engagements modernistes, est à présent honoré mais il n’oublie pas les faux-semblants et la vanité des honneurs. Il refuse la légion d’honneur que l’Etat souhaite lui remettre en 1920. La même année, il compose la Valse pour Serge de Diaghilev (avril 1920). Suit sa sonate pour violon et violoncelle à la mémoire de Debussy.
Retiré à Montfort l’Amaury, dans la maison qu’il appelle « le belvédère », à partir de 1921, Ravel se concentre davantage sur son oeuvre, parmi ses collections de porcelaines et d’automates. Paraissent ainsi les trois chansons Madécasses (1923), Tzigane (1924). Célibataire non parisien, le compositeur reste une personnalité en vue. Un milieu musical l’entoure dont Arthur Honegger, Florent Schmitt, Marguerite Long ; surtout ses deux élèves, Roland-Manuel et Manuel Rosenthal).
Ravel semble éclairer ses jours solitaires par les feux colorés des Tableaux d’une exposition de Moussorsgki dont il réécrit l’orchestration, à sa façon en 1922. A 50 ans, en 1925, le compositeur produit une oeuvre atypique, L’enfant et les sortilèges, sur un livret de Colette : la fantaisie lyrique suscite lors de sa création en mars 1925 à Monte-Carlo, un accueil glacé. Il y mêle les thèmes qui l’ont toujours fasciné : le rêve et l’enfance, l’enchantement et l’insouciance, le mystère et le fantastique.
La notoriété de Ravel ne cesse de croître. En 1928, il part en tournée aux Etats-Unis et au Canada, partout applaudi sans hésitation. Il se lie avec Gershwin dont il admire immédiatement le talent.
A son retour, Ravel se met au travail. Il achève la composition du Boléro, commande de la chorégraphe et danseuse, Ida Rubinstein, qui avait manifesté ce désir dès 1927. Là aussi la création le 22 décembre 1928 stupéfia l’auditoire. La partition qu’il déclarait « vide de musique », ne tarde cependant pas à être reprise dans le monde entier, pour devenir au XX ème siècle, l’une des pages les plus jouées.
1932 voit l’aboutissement de ses deux concertos pour piano, dont la genèse simultanée n’empêche pas des climats totalement opposés : le concerto pour la main gauche est méditatif et sombre ; le concerto en sol, rayonnant, et d’une incomparable splendeur sereine dans son adagio. Ravel écrit enfin les chansons de Don Quichote à Dulcinée, d’après les poèmes de Paul Morand.
Les dernières années de la vie du musicien sont graves et douloureuses. Affecté depuis 1933, par une maladie neurologique, il est dans l’incapacité de composer ou d’écrire, tout en conservant intacte sa vive intelligence. Son projet pour un opéra consacré à Jeanne d’Arc restera lettre morte. Ravel subit une intervention chirurgicale en décembre 1936, et devait s’éteindre un an plus tard, le 28 décembre 1937, à l’âge de 62 ans.