La mise en scène d’Olivier Desbordes, simple et évocatrice, fait de nécessité vertu. Deux panneaux tournants, des gradins, quelques accessoires, voilà tout. Parfaitement conçue pour s’adapter à tous les lieux, cette scénographie s’inspire pleinement du théâtre de tréteaux, dans une tradition qui démontre qu’une telle œuvre n’a guère besoin de plus pour emporter avec elle ses interprètes et son public. Plus encore, ce cadre resserré et intime rapproche les personnages des spectateurs et les rends d’autant plus émouvants.
A la sobriété des protagonistes répondent les couleurs bigarrées du chœur, incarnant les fantasmes du Quartier latin, rappelant les Enfants du Paradis autant que l’univers ambigu de Tim Burton.
La Bohème dans sa simplicité
Presque entièrement française, la distribution réunie dans cette aventure s’avère remarquable, autant que les chœurs, excellents et très investis.
Aux côtés du Benoît et de l’Alcindoro finement croqués par Eric Perez, passe comme un songe le Parpignol sonore et percutant – délicieusement fantasque, tenant presque du Marchand de sable – de Samuel Oddos.
Le trio des barytons est d’une excellente homogénéité et d’une complicité palpable, du Schaunard très présent de Sergei Stilmachenko au Marcello puissant et poignant de Christophe Lacassage, en passant par le Colline tout en nuances de Jean-Claude Sarragosse, toujours aussi somptueux de timbre, délivrant un « Vecchia zimarra » d’une belle intensité.
En Musette pétillante, coquette mais sensible et au fond très amoureuse, Cécile Limal fait forte impression, avec une très belle voix, une jolie technique et un jeu scénique très réussi.
Rodolfo passionné et incandescent, Andrea Giovannini se donne tout entier à son rôle, et, malgré des aigus tendus, sa musicalité et sa générosité finissent par emporter l’adhésion.
Triomphatrice de la soirée, Isabelle Philippe incarne une Mimi d’une délicatesse infinie, toute de féminité et de sensibilité. Malicieuse, rieuse et heureuse de vivre, elle illumine le personnage de son timbre rayonnant, ses aigus solaires, sa science du souffle et du phrasé, son art des couleurs, ses piani adamantins et flottants. Plus encore, c’est la vibration, la palpitation de sa voix, ce frémissement perceptible dès la première phrase, qui touche et émeut. Cette Mimi-là garde son sourire, sa force et sa joie d’exister jusqu’au dernier instant, et c’est ce qui la différencie des autres titulaires du rôle. Une Mimi d’essence plus légère, une nouvelle Mimi, une grande Mimi.
A la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Massy toujours convaincant, Dominique Rouits, fidèle à lui-même, suit et soutient les chanteurs avec le talent qu’on lui connaît, en vrai chef d’opéra. Une superbe Bohème, pleine d’émotion et d’humanité.
Massy. Opéra, 3 mars 2011. Giacomo Puccini : La Bohème. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica. Avec Mimi : Isabelle Philippe ; Rodolfo : Andrea Giovannini ; Musetta : Cécile Limal ; Marcello : Christophe Lacassagne ; Colline : Jean-Claude Sarragosse ; Schaunard : Sergei Stilmachenko ; Benoît / Alcindoro : Eric Perez ; Parpignol : Samuel Oddos. Maîtrise des Hauts-de-Seine. Chœurs Opéra Eclaté. Orchestre de l’Opéra de Massy. Dominique Rouits, direction musicale ; Mise en scène : Olivier Desbordes. Décors, costumes et lumières : Patrice Gouron ; Chef de chant : Corine Durous