samedi 14 juin 2025

Massenet, Werther. Opéra de Lille, le 13 mai. Opéra de Bordeaux, le 21 mai

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En Werther, il faut reconnaître la figure du jeune héros romantique, capable de donner tout à l’objet de son amour, dût-il mourir s’il n’obtient pas la faveur de l’aimée. Tant de passion radicale peut paraître aujourd’hui bien idéaliste mais elle a fondé dès la parution de l’ouvrage de Goethe, en 1772, un courant artistique, une sensibilité irrépressible fécondant peintres, écrivant, musiciens. Mozart n’échappe pas à la règle et après un Mithridate solaire (1770), compose son Lucio Silla (1772) en recevant les ombres nouvelles de Goethe, y déposant le sentiment nouveau d’une gravité inédite. Ce dernier d’ailleurs, lui rendra un hommage éloquent à propos de son Enlèvement au Sérail (1782), premier ouvrage d’importance dans le genre de l’opéra allemand, ou singspiel, faisant du jeune compositeur (Mozart n’avait que 26 ans), un modèle absolu : «Tous les efforts que nous faisions pour exprimer le fonds des choses devinrent vains dès l’apparition de Mozart, l’enlèvement au Sérail nous dominait tous » (Goethe, 1787).
On peut à juste titre poser la question : qu’aurait dit l’écrivain germanique à propos du Werther de Massenet ?
Evidemment, le goût du XIXème finissant, plaque sur le chef-d’œuvre littéraire de la fin du XVIIIème siècle son propre regard. Mais il est d’autant plus intéressant de constater que le Werther de Massenet n’atténue en rien l’intensité tragique du drame sentimental, le souffle des images, l’impossibilité des deux âmes amoureuses à se déclarer et vivre, l’un pour l’autre, leur attirance…
En 1892, date de la création de son Werther à l’Opéra de Vienne, Massenet est un compositeur reconnu, célèbre et riche. A 51 ans, il incarne un sommet de l’opéra français, grâce à ses ouvrages précédents : Hérodiade (1881), Manon (1884), Le Cid (1885), et bientôt Thaïs (1894). Une image abusivement réductrice, fige le compositeur comme un peintre exclusif de la femme. Or Werther indique des perspectives tout aussi abouties lorsqu’il aborde le caractère de ses héros masculins ; maîrise davantage explicite dans le Jongleur de Notre-Dame (1902), qui a, du reste, une distribution totalement masculine.
Werther donne l’exemple d’une œuvre littéraire dont l’esprit et les climats romantiques et même tragiques, ont gardé densité et poésie dans leur transcription pour la scène lyrique. Les quatre actes suivent les épisodes goethéens avec une rare efficacité : à la clarté rayonnante des voix qui dit la hauteur morale des protagonistes, Charlotte et Werther, correspond la concentration expressive de l’orchestre qui se souvient de Wagner. Les instruments distille un parfum de mal être, de malédiction profonde qui d’ailleurs fut la cause du retard de la création parisienne de l’œuvre. Le directeur de l’Opéra-Comique Carvalho rechignait à monter l’ouvrage tant sa « noirceur » semblait être inconvenante dans un Paris où l’on fêtait l’Exposition Universelle.

Jules Massenet (1842-1912), Werther (1892).
Opéra en quatre actes, livret de Blau et Milliet d’après « les souffrances du jeune Werther » (1774) de Goethe. Créé en France à l’Opéra-Comique en 1893.

Agenda

En mai, Werther de Massenet occupe en force les planches lyriques. L’opéra de Lille et le Grand Théâtre de Bordeaux présentent, chacun, une production de l’ouvrage.

Virgin classics (Emi) annonce l’enregistrement dvd de la version écrite du vivant de l’auteur, en 1902, pour baryton (précisément pour le chanteur Battistini qui l’interpréta ainsi à Saint-Pétersbourg). Thomas Hampson chantera Werther aux côtés de Susan Graham, Stéphane Degout, Sandrine Piau, sous la baguette de Michel Plasson, qui a gravé « la » version de référence, avec Alfredo Kraus (déjà chez Emi).

Werther à Lille et à Bordeaux

Opéra de Lille. Du 13 au 23 mai à 20h. Le 21 à 16h. Nouvelle production.
Brandon Jovanovich (Werther), Nora Gubisch (Charlotte), René Schirrer, Hélène Guilmette, Pierre Doyen, Jacques Calatayud. Orchestre national de Lille, Maîtrise Boréale, direction : Alain Altinoglu. Mise en scène : Yves Beaunesne. 2h40 avec entracte.

Opéra national de Bordeaux. Du 21 au 29 mai à 20h. Le 21 à 15h.
Gilles Ragon (Werther), Lola Casariego (Charlotte), David Grousset, Treguiet, Matiakh, Ségani, Casariego, Jacob. Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Chœurs d’enfants du C.N.R. de Bordeaux, direction : Pascal Verrot. Mise en scène : Jean-Louis Pichon.

Infos pratiques

Consultez les infos pratiques des deux productions de Lille et de Bordeaux en cliquant sur le lien :
http://www.classiquenews.com/applaudir/agenda_des_concerts.aspx

Discographie

Michel Plasson. London Philharmonic Orchestra. Alfredo Kraus (Werther), Tatiana Troyanos (Charlotte). 2 cds, Emi 7695732.

Illustration : Portrait de jeune homme par Ingres.

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