Le poème en prose du versificateur Louis Gallet suit la volonté réaliste de Massenet: plus qu’une évocation orientaliste, cet opéra religieux et hautement moral, est d’abord une comédie lyrique; c’est du théâtre avant d’être du chant, et le parti d’actualisation développé par Nadine Duffaut (la scène se passe à notre époque) souligne la modernité de l’action, le réalisme expressif si intelligemment architecturé qui brosse le portrait de deux âmes radicales foncièrement opposées : quand la courtisane Thaïs, repue de luxe, de plaisirs, et déjà usée … renonce, le moine cénobite qui devait la convertir et sauver Alexandrie de la luxure, est dévoré par l’amour subi qui le lie à la Pécheresse magnifique. En définitive, le vrai protagoniste de la partition est Athanaël: esprit prisonnier et déchiré par un amour qui le frappe et le submerge. Massenet offre au baryton, un rôle exceptionnel: Didier Henry relève le défi à Tours.
A Tours, sur la scène du Grand Théâtre, le chef et directeur de l’Opéra poursuit son cycle Massenet. Après Werther, Thaïs souligne le génie dramatique et musical du compositeur ; programmer Massenet n’est pas anodin: il s’agit déjà de rendre hommage au musicien célèbre de son vivant dont 2012 marque le centenaire de la disparition.
Cette Thaïs 2011, seul opéra de Massenet joué en France à la rentrée 2011, est certes un très bon moment de théâtre, c’est surtout l’occasion d’écouter les apports du travail du maestro avec les musiciens de son orchestre maison. Depuis plusieurs années, l’OSRCT (Orchestre Symphonique Région Centre Tours) défend avec passion les auteurs français, de l’opéra au genre symphonique. Le nouveau disque du chef et de l’Orchestre dédié à Ropartz (Symphonie n°3 avec chœur) en témoigne (1 cd Timpani annoncé d’ici la fin octobre 2011).
Jean-Yves Ossonce joue toute la partition de Thaïs, offrant un véritable festin musical et symphonique : les deux Thébaïdes, surtout l’intégralité du fameux ballet obligatoire, déplacé non sans raison et vraisemblance dramatique à la fin du tableau Alexandrin (avant la fameuse Méditation pour violon solo)… Les spectateurs tourangeaux peuvent réécouter le numéro de la cocotte charmeuse, délirante intervention vocale qui incarne le sommet des débauches égyptiennes dont Thaïs est alors l’indépassable souveraine.
Pour relever les défis d’un rôle féminin vertigineux, entre séduction et mysticisme, la soprano Sophie Marin-Degor (subtile Mélisande, qui a participé au premier enregistrement discographique de l’Orchestre dirigé par Jean-Yves Ossonce: Le Cœur du moulin de Déodat de Severac), propose un portrait ciselé du personnage, soignant en particulier les couleurs psychologiques, surtout l’expression de la pénitente qui a choisi l’abandon, le dénuement, l’accomplissement spirituel. Nouvelle production événement.
Opéra de Tours, les 14, 16 et 18 octobre 2011. Jean-Yves Ossonce, direction. Nadine Duffaut, mise en scène.
livret de Louis Gallet d’après Anatole France
Jean-Yves Ossonce, direction
Nadine Duffaut, mise en scène
Thaïs: Sophie Marin-Degor
Athanaël: Didier Henry
Niclas: Christophe Berry
Orchestre symphonique
Région Centre, Choeurs de l’Opéra de Tours
Vendredi 14 octobre 2011 à 20h
Dimanche 16 octobre 2011 à 15h
Mardi 18 octobre 2011 à 20h
Conférence gratuite le 8 octobre à 14h30 (Bibliothèque municipale)