(1643-1704)
Grands compositeurs
France Musique
Du 10 au 13 novembre 2009 à 13h
Pieux, italianisant, simple et direct, Marc-Antoine Charpentier incarne une sensibilité personnelle sans emphase ni grandiloquence, a contrario d’un Lully fastueux et en cour.
Lui-même confessait sa modestie quasi maladive: une volonté de se dissoudre sans laisser de traces: « Je suis celui, qui né naguère, fut connu dans le siècle ; me voici, mort, nu et nul au sépulcre, poussière, cendres et nourriture pour les vers. J’ai assez vécu mais trop peu en regard de l’éternité […]. J’étais musicien, considéré comme bon parmi les bons et ignare parmi les ignares. Et comme le nombre de ceux qui me méprisaient était beaucoup plus grand que le nombre de ceux qui me louaient, la musique me fut de peu d’honneur mais de grande charge ; et, de même qu’en naissant, je n’ai rien apporté en ce monde, en mourant, je n’ai rien emporté… ». ainsi se présente-t-il, humble et presque amer, dans le texte en latin intitulé Epitaphium Carpentarii.
A Rome, l’élève de Carissimi
Né probablement parisien en 1643, Marc-Antoine a grandi dans la quartier de Saint-Séverin. Sa soeur Marie devenue religieuse de Port-Royal facilite son rapprochement avec la doctrine janséniste si honnie de Louis XIV. Vers 1663, à 20 ans, Charpentier gagne Rome et se forme auprès de Carissimi, jusqu’en 1670. 3 ans de formation romaine, comme plus tard les académicens de la Villa Médecis se perfectionnent sous la soleil de Méditerranée. De Carissimi, Charpentier apprend le genre de l’oratorio ou histoire sacrée: drame religieux, le genre est particulièrement prisé à l’oratoire de l’Archiconfraternità del San Crocifisso, dans l’église San Marcello. Outre Carissimi, le jeune français assimile la mnnière de Bonifazio Graziani, Francesco Foggia, Francesco Beretta. IL écrit une Messe à 4 choeurs, exemple de polychoralité unique en France.
A la cour des Guise
De retour en France, à Paris, Charpentier qui chante comme haute-contre et compose à présent, entre au service de Marie de Lorraine, duchesse de Guise (petite-fille du Balafré) qu’il sert pendant 20 années. Il réside dans l’hôtel de sa patronne, rue des Archives. Ecartée de la Cour, Marie n’en aime pas moins la musique. Charpentier travaille aussi pour Elisabeth d’Orléans dite Madame de Guise, dernière fille de Gaston d’Orléans, qui avait épousé en 1667, le neveu de Marie de Lorraine, Louis-Joseph de Guise. Pour ses deux protectrices à Paris, Charpentier compose oeuvres religieuses (Litanies à la Vierge, Pastorales…) et ouvrages profanes d’essence théâtrale comme Les Arts Florissants, Actéon, La Couronne de Fleurs, La Descente d’Orphée…).
Musiques pour le théâtre…
En 1672, Molière qui vient de rompre avec Lully, demande à Charpentier de composer de la musique, en particulier pour ses comédies-ballets. En juillet, Charpentier compose la nouvelle musique des reprises telles que La Comtesse d’Escarbagnas et Le Mariage forcé.
Le 30 août, même opération pour la reprise des Fâcheux et de Psyché, tragédie-ballet, reprise encore en 1684 et qui le véritable manifeste lyrique qui annonce la future tragédie en musique « inventée » en 1673 par Lully dans Cadmus et Hermione. Le duo récidive encore le 10 février 1673 avec la nouvelle comédie de Molière, Le Malade imginaire. Mais le dramaturge et comédien meurt pendant la 4è représentation. Le musicien dévoile un réel talent pour le comique des situations comme l’exaltation tendre et piquante des rythmes de danses.
Malgré le monopole drastique que Lully impose sur les scènes autres que celle de l’Académie royale de musique, Charpentier continue sa collaboration avec la troupe des comédiens du roi devenue Comédie Française en 1682: Il signe ainsi les musiques des pièces à machines de Circé de Thomas Corneille, L’Inconnu de de Visé.
Il réécrit même les musiques de scène de la pièce de Pierre Corneille, Andromède en 1682, quand les musiques originales de 1650 étaient de d’Assoucy. Mais ici, la musique s’intercale entre les actes récités: il n’y a pas de réel fusion des genres comme c’est le cas des comédies ballets de Molière.
Apprécié de Louis XIV
Même s’il n’occupe aucun poste à la Cour de Louis XIV, Charpentier compose néanmoins les Motets pour le Dauphin, au début des années 1680. Louis XIV, en avril 1681, ne souhaite même n’écouter que sa musique tant il la goûte avec délectation.
Motivé par cette reconnaissance imprévue, le compositeur se présente au Concours pour les Sous-maîtres de la Chapelle Royale en avril 1683. Mais sa santé chancelante ne lui permettra pas de se présenter à toutes les épreuves.
Pour les funérailles de la Reine, Marie-Thérèse, il compose 3 pièces d’envergure, dignes des meilleurs compositeurs de Versailles: In obitum augustissimæ nec non piissimæ Gallorum reginæ lamentum, De profundis, enfin un petit motet : Luctus de morte augustissimæ Mariæ Theresiæ reginæ Galliæ. Charpentier écrit à nouveau un Te Deum (complété par un Exaudiat à deux choeurs) pour le Roi, à la demande de l’Académie de Peinture et de sculpture, pour le rétablissement du Souverain après sa guérison de la fistule (février 1687).
Quand meurt Melle de Guise, en 1688, Charpentier devient compositeur pour les jésuites en leurs couvents de Paris. Nommé maître de musique du Collège Louis-Le-Grand, de l’Eglise Saint-Louis (rue Saint-Antoine), Charpentier écrit un nombre impressionnant de pièces religieuses, variant les formes et les styles. Il y renoue aussi avec ses précédentes expériences pour le théâtre: David et Jonathas, écrit en février 1688 avec le Père François Bretonneaux en témoigne: c’est une véritable tragédie sacrée (1 prologue et 5 actes) qui par l’absence des récitatifs, favorise les monologues et s’intéresse principalement à la psychologie des caractères.
Musicien du futur Régent
Charpentier croise le chemin de Philippe de Chartres, futur Régent à lamort de Louis XIV. Il donne quelques leçons de musique vers 1693, écrivant même un recueil théorique sur le caractère des tonalités (Règles de composition). Le 4 décembre 1693, Charpentier quinquagénaire, fait représenter à l’Académie Royale de musique, Médée (livrt de Thomas Corneille) dont le déroulement formel respecte cette fois, a contrario de David et Jonathas, le modèle lullyste: prologue dithyrambique pour le Roi, amples récitatifs, nombreux divertissements dansés. En fin dramaturge, Charpentier soigne les couleurs de l’orchestre et le portrait émotionnel des protagonistes comme l’air tragique de Médée au III ainsi que la mort de Créuse.
Trop moderne, l’ouvrage fut enterré par les ignorants. Seul Brossard sut y reconnaître la main d’un véritable compositeur capable de toucher l’âme autant que séduire les sens.
10 ans après avoir été nommé maître de musique pour les Jésuites, Charpentier devient le 28 juin 1698, maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle à Paris, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort le 24 février 1704. C’est une période d’accomplissement qui voit entre autres, la réalisation de la superbe Messe Assumpta est Maria, chef-d’oeuvre dévotionnel du Grand Siècle.