dimanche 27 avril 2025

Maastricht (Pays-Bas). 28 è Festival Musica Sacra. Le 18 septembre 2010. Dévotion (Devotie).

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Festival Musica Sacra

Maastricht 2010
En septembre 2010 (16-19 septembre), Maastricht la hollandaise se met au diapason des chants enivrants et souvent orientaux de la dévotion (« devotie« ). Vénération et idolâtrie, piété fervente ou liturgies musicales… les clés d’entrée et la réalisation artistique qui en découle, titillent l’esprit du spectateur: toujours captivé, le public sait qu’il vivra à Maastricht, le temps de son festival sacré, un voyage unique et singulier dont les maîtres mots sont découvertes, surprises, partage.
En 2010, le thème fédérateur permet d’unir et de structurer comme chaque année, l’une des programmations sacrées les plus originales en Europe dont l’arc tendu élargit toujours ses champs d’exploration: musique de chambre et créations, concerts de musique ancienne, baroque et romantique mais aussi danse et musique contemporaine. Même les arts visuels (exposition de photographies, installations critiques) et le cinéma ne sont pas omis. Le Theater aan het Vrijthauf et les multiples églises dans la ville, partenaires de l’événement, offrent une multitude de facettes captivantes qui font de Maastricht, à l’heure de Musica Sacra, une étape clé dans la vie des festivaliers européens.
KRO-Radio 4, la chaîne musique classique en Hollande, dans le cadre d’un partenariat historique, assure la diffusion la plus large du festival sur les ondes radiophoniques: bon nombre de concerts sont diffusés en septembre et octobre 2010.

Chants des dévotions

Maastricht accueille chaque mois de septembre son festival de Musique sacrée: Musica Sacra Maastricht. L’événement qui connaît en 2010 sa déjà 28è édition (fondé en 1983), se déroule en 3 jours, riche d’une programmation éclectique et dont l’un des atouts est cette implantation idéale dans la ville: l’intérêt du festival vient assurément des horizons musicaux développés et fédérés autour d’une thématique forte (cette année, « dévotion »). Mais il vient aussi du choix des lieux dont la configuration inspire directement la nature des programmes qui y sont présentés. Récitals de clavecin dans la petit nef voûtée de la Cellebroederskapel, grands concerts polyphoniques à la Basilique Notre-Dame (et sa chapelle de la Vierge Ave Maris stella, sujet d’une dévotion toujours très vivante), intimité des chants orientaux dans la salle haute de Saint-Servais… Musique de chambre et musique contemporaine au Théâtre aan het Vrijthof…
La situation géographique de Maastricht permet à l’événement de rayonner au delà des frontières; c’est même un événement qui pourrait servir de modèle par sa conception transculturelle et pluridisciplinaire, s’attachant surtout à impliquer dans son dynamisme centripète les institutions et initiatives aux alentours et que son orbite croise irrésistiblement: située très au sud de la Hollande dans le Limbourg, Maastricht diffuse sa vitalité musicale partout dans sa périphérie, vers les pôles dont elle est distante de moins de 30 kms: Liège en Belgique, Aachen en Allemagne. Et de France, Maastricht s’offre en moins de 3h, par le Thalys, en passant escale obligé par Liège.
L’horizon 2018 devrait encore accentuer cette vocation panrégionale car Maastricht ambitionne d’être nommée capitale européenne de la culture.

A Maastricht, tous les déplacements d’églises en églises se font à pieds ou en vélo, préservant la ville de la pollution automobile à laquelle on doit s’acclimater dans les autres villes européennes. Autour du thème fédérateur « dévotion », la programmation déroule sa diversité féconde; elle permet en formats courts (d’autant plus digestes et délectables), pas plus d’1 heure pour chaque concert, de parcourir nombre de sensibilités et de gestes musicaux en l’espace d’une journée.

De Buxtehude à Finnissy

Maastricht. Festival Musica Sacra. Samedi 18 septembre 2010. Un appétissant programme s’offre à nous, autant par la diversité de ses facettes composées, que dans la cohérence artistique qui sait les relier de l’une à l’autre. Comme à Cuenca (Semana de musica religiosa à Pâques), les oeuvres d’un concert à l’autre dialoguent: au cycle Membra Jesu Nostri de Dietrich Buxtehude (Collegium Ad Mosam, dirigé par Huub Ehlen à 15h, Kapel Zusters onder de Bogen), modèle de dévotion baroque sur le thème de la Passion du Christ, répond la création mondiale passée au compositeur Michael Finnissy (commande du Festival 2010) : première mondiale jouée quelques heures après Buxtehude de « De allerheiligste ledematen des lijdenden Verlossers » pour quatuor avec clavier (à 16h30, Sint Janskerk). Né en 1946, Michael Finnissy poursuit une féconde activité au sein du festival, il part de la partition baroque inspirée par la Souffrance du sauveur (7 parties dédiées chacune à l’une des parties du corps douloureux du Christ de souffrance) pour développer une méditation ouverte sur la mort, le supplice, et la vénération que le martyre suscite chez les fidèles et les adorateurs. C’est une réflexion contemporaine qui dépasse le propos liturgique originel. L’arc tendu entre Buxtehude et Finnissy dresse d’éloquentes perspectives musicales.

Le soir, à 20h, après 4 autres propositions artistiques dont la projection du film consacré aux visions de Hildegard Von Bingen, le Théâtre Aan het Vrijthof, coeur de l’événement, accueille dans la salle Papyrus, celle des grandes formations, un concert de musique contemporaine dont l’oeuvre phare de Jonathan Harvey (né en 1939), Bhakti : il s’agit de l’une des pièces pionnières en matière de musique électronique préenregistrée, créée en 1982, jouée ici par le très convaincant Ensemble Ictus. Selon le compositeur Bhakti est l’aboutissement d’une longue retraite personnelle qui aura duré deux semaines, préservée, entretenue dans une profonde méditation. Inspiré par les enseignements du Rig Veda, Bhakti alterne déflagrations, altérations multiples et variations, résonances mêlées entre les sons enregistrés et le chant des instruments sur scène, musiques de l’infime et prières du ténu, tout un cycle pénétrant et envoûtant qui se fait expression libérée d’un mysticisme de plus en plus mystérieux. L’oeuvre de Harvey comme la création mondiale de Finnissy répondent idéalement au projet artistique de cette année.

De Jonathan Harvey à Ghada Shbeir

A peine 30 minutes plus tard, découverte de la danse indienne à 21h30 – en prolongement naturel du concert Harvey!- dans une salle plus petite du théâtre aan het Vrijthof (Bovenzaal): la danseuse indienne Durga Arya offre un spectacle éblouissant de Kathak, discipline originaire de l’Inde septentrionale: la maîtrise des codes gestuels, la précision des enchaînements de regards et d’expressions, chacun porteur d’un sentiment spécifique qui s’inscrit dans la narration du conte religieux, construisent une chorégraphie enivrante, dont l’intensité croissante s’émancipe jusqu’à la transe. En dialogue permanent avec les musiciens qui la soutiennent, deux instrumentistes et une chanteuse, la danseuse indienne saisit par son expressivité et son élégance poétique.

Enfin, apothéose jusqu’au coeur de la nuit, avec à partir de 23h, le récital de la chanteuse libanaise Ghada Shbeir, ambassadrice d’un chant sincère et dépouillé qui exprime la ferveur des premiers chrétiens. « Oud Syrische gezangen »: le titre du concert est éloquent: chants syriens anciens. La cantatrice convoque la plainte déchirante et toujours si pudique des croyants d’un Proche-Orient souvent malmené. Ghada Shbeir, accompagnée par un seul instrument à cordes pincés (Imane Homsy jouant le kanun) ressuscite entre autres la voix des mélodies orthodoxes catholiques et syriaques de Saint-Ephraïm (306-373). Le style tend à la pureté vocale, celle qui ouvre les portes d’un paradis promis, attendu, espéré. Jamais programme n’a semblé mieux adapté à l’écrin architectural qui l’accueille: la salle haute de la Basilique Saint Servais (Keizerzaal, Sint Servaasbasiliek), logée dans l’une de ses deux tours carrées prend des allures d’ancien sanctuaire oriental: sa coupole sur pendentifs, d’un plan centré néobyzantin, n’évoque-t-elle pas justement cette Jérusalem céleste à laquelle toutes les dévotions devraient aspirer? Acoustique hypnotique, beauté patrimoniale de cet ensemble minéral, heure nocturne avancée, presque aux prémices du petit matin… tout concourt aux béatitudes musicales du festivalier.

Maastricht (Pays-Bas).
Festival Musica Sacra Maastricht. Le 18 septembre 2010. Dévotion (Devotie). A venir: reportage vidéo exclusif Musica sacra Maastricht 2010

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