vendredi 25 avril 2025

Lyon, Festival de musique baroque Du 23 novembre au 20 décembre 2008

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Lyon, Festival de musique baroque
Du 23 novembre au 20 décembre 2008


26e édition, 11 concerts, Chapelle de la Trinité. Un peu au-delà du cap « quart de siècle », ce Festival d’hiver au cœur de l’architecture baroque lyonnaise et en espace toujours mieux restauré, présente des grands classiques, notamment de J.S.Bach. Et aussi, selon la thématique de Noël proche ou autrement, des œuvres anglaises, italiennes, françaises, brésiliennes ou russes…

Il vit que la lumière était bonne…
« Dieu dit : que la lumière soit ! (fiat lux ! ), et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne et il sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière Jour et les ténèbres Nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin : c’était le Premier jour. ». Au début de la Genèse figure ce récit capital qui inaugure la Création…et ouvre un espace de poésie, même si en lisant Le Livre, on s’abstient de croire selon l’ordre de la foi. Côté symbolique, et pour la restauration complète de la Chapelle lyonnaise de la Trinité, sans doute manquait-il encore une lumière à la fois traditionnelle et moderne : depuis septembre la voici « en place », telle que la découvriront les spectateurs des concerts au Festival 2008. Ce sont « 12 lustres de style baroque, à 6 branches, en bronze argenté, qui s’inspirent d’un modèle datant de la fin XVIIIe, et d’esprit flamand. Ils ont une forme épurée rehaussée par décors ciselés de têtes d’anges entourant des nuages. Des réflecteurs au dessus des branches permettront de diffuser la lumière en direction de l’assistance. Ces pièces sont surmontées d’un lion qui vient, fort à propos dans notre ville, ajouter sa majesté à l’ensemble. »


Que l’œil écoute !

Ajoutons que « dans la campagne exemplaire de restauration menée par la Ville, le Grand Lyon et l’Etat, il faut remercier la Fondation Nationale du Patrimoine et son mécène » (une Très Très Grande Entreprise qui en fournissant du carburant pour la lumière réussit en ces temps de crise universelle à dégager d’imposants bénéfices boursiers, devinez qui, la déontologie personnelle ne m’autorise qu’allusion). Puis levons les yeux vers la voûte baroque et saluons avec Paul Claudel la présence ici 12 fois manifestée de ce que l’écrivain disait dans « L’œil écoute » : « Immergé au plus profond de cette caverne obscure qu’est la salle pendant le jour d’un grand théâtre, j’aperçois peu à peu au dessus de moi et je réalise avec une admiration croissante dans le jour avare que dispense un oculus quelque chose de merveilleux : le lustre. »


La Parole et la Communauté


Donc, voici la 26e édition de ce Festival qui donne à Lyon en automne-hiver onze occasions d’entrer en Baroquie. La Chapelle ne cède guère à la tentation pourtant fort honorable et…éclairante des thématiques. Son public, fidèle et bien ancré dans ses habitudes, semble d’ailleurs davantage s’y déterminer selon des critères de chefs-d’œuvre reconnus et de gotha des interprètes : aux concepteurs musicaux d’y inclure quelques grandes lignes qui ne se proclament pas, et de le guider aussi vers des ensembles et des solistes plus « nouveaux ». En tout cas, la proximité de Noël introduit, du moins en fin du parcours, des partitions qui exultent de ce moment privilégié de la liturgie chrétienne. A cinq jours de la Fête même, ce sera l’Oratorio de Noël, constitué en 1735 par J.S.Bach avec un ensemble de 6 cantates. Les spécialistes soulignent qu’il s’agit en fait de 6 pièces réunies par l’intention spirituelle mais qu’on peut disjoindre, ce qui sera le cas en la Chapelle, avec les parties I, II, V et VI. Selon les principes de Bach et de son époque, ces œuvres puisent au profane (des cantates à thème mythologique ou d’hommage au Souverain régnant), le lien étant assuré par de nombreux airs avec récitatifs qui reprennent le récit biblique de la Nativité et par des chœurs d’église. « Ainsi la Parole atteint la Communauté entière », et s’entrelace avec des parties instrumentales comme la Sinfonia qui ouvre la IIe cantate, « Pastorale divine ». Un ensemble venu pour la première fois en France joue l’Oratorio, la Camerata Vocale de Freiburg, fondée en 1977 par un groupe d’étudiants et dirigé depuis 1988 par Winfried Toll : depuis, nombreux prix et distinctions, 6 disques, un travail avec des orchestres sous les directions de Sylvain Cambreling, Hans Zender et Michael Gielen. A côté de l’illustre spécialiste de Bach et du romantisme, Christophe Prégardien, la basse Markus Flaig ( au répertoire très étendu, de Bach – qu’il vient d’enregistrer pour des cantates – à l’opéra du XVIIe au XXe, et à des cycles de lieder en création, telle une partition de Franz Kaern sur des textes de Thomas Bernhard…), les sopranos Marijana Mijanovic, et Heike Heilman (qui a été à la scène lyrique Blondine dans l’Enlèvement au Sérail, mais aussi la jeune résistante Sophie Scholl, exécutée cruellement par la barbarie nazie pendant la guerre).


Exultation de J.S.Bach


Une autre exultation au ciel de J.S.Bach, c’est évidemment le Magnificat, qui en suivant le récit latin, écarte l’aria da capo ou les « transitions en paraphrases » pour aller à la joie éclatante du texte, culminant dans le choral fugué du « fecit potentiam » et un triple « Gloria ». La cantate BWV 78 est bien plus emplie d’ombre : la foi du chrétien y est exaltée, mais on y insiste sur la méditation douloureuse qui doit suivre le péché ; en 2e temps, pourtant, une merveilleuse aria-duo où les voix et le continuo cheminent en écho d’allégresse vers le Christ Sauveur. Le Chœur et l’Orchestre Akademia, l’un des ensembles français les plus impliqués dans l’interprétation baroque, sont dirigés, en même temps que les solistes, par Françoise Lasserre. Quant au 3e temps fort de Bach, c’est une cathédrale majeure de la littérature musicale sacrée et de l’histoire musicale, la Messe en si. Dans cette œuvre de synthèse, Bach utilise le texte catholique pour illustrer son génie du théâtre d’opéra religieux, du dogmatique, de l’adoration mystique, de l’organisation contrapuntique à ses sommets. L’Ensemble Vocal et Instrumental de Lausanne et 5 solistes y sont soulevés par la foi musicienne – et toujours si proche du texte en sa Parole manifestée – d’un invité permanent de la Trinité, Michel Corboz.


Simon Hantaï et ses trois fils


Encore du Bach dans le concert en cadre évidemment plus adapté à « la chambre », la Salle Molière, que donne le Trio Hantaï. Les Trois Frères – comme dans l’imaginaire il y eut les Trois Sœurs – constituent un ensemble dont le nom est familier à tous ceux qui écoutent la musique baroque d’une oreille « moderne ». C’est Pierre, le claveciniste, né en 1964, qui a fondé 21 ans plus tard ce Trio (Concert Français) avec ses frères Jérôme, gambiste, et Marc, flûtiste. En les écoutant dans des Sonates – J.S.Bach, et en regard, Rameau, Marin Marais, Leclair -, on pourra aussi songer à leur père, le plasticien Simon Hantaï, disparu il y a 3 mois à l’âge de 86 ans, et dont le nom s’inscrit à la voûte de l’art européen du XXe. Ce peintre d’origine hongroise avait inventé, sous l’aile du surréalisme, une technique de « pliage » de la toile – sortie de la tension sur le chassis, imprégnée de peinture ou ligaturée, en se dépliant elle fait apparaître des formes-couleurs-éclats , qu’à première vue de l’équivalence on pourrait assimiler à des jonchaies de feuilles ou des envols d’oiseaux – : entre abstraction lyrique et hasard si peu dirigé, Hantaï a beaucoup influencé l’art français, se joignant un temps aux groupes de BMPT puis de Supports-Surfaces, avant de rejoindre très volontairement solitude et silence, à l’écart de toute « récupération », surtout celle qui est liée à la trop fameuse dépendance du « marché de l’art ». C’était au moment où ses fils musiciens entraient en baroquie, avec l’exigence que leurs auditeurs connaissent et admirent. Alors sachons, par mémoire de toutes les créations d’art, regarder vers le plafond de la Trinité pour y scruter les virtuels pliages d’une peinture de grande liberté, entre le scintillement des lustres, pendant que les Fils se soumettront – sans rien abdiquer de leur imagination sonore – à la rigueur temporelle des contrepoints et même des chants du XVIIIe…


De Lyon à Saint-Pétersbourg


Jean-Marie Leclair – le Lyonnais du violon enchanté, qui s’en vint mourir assassiné à Paris de si mystérieuse façon, en 1764 – est aussi à l’honneur dans le concert sous-titré « de Lyon à Venise », où ses concertos viennent en face de ceux qu’écrivait Vivaldi : le Venice Baroque s’y enchante avec Giulano Carmignola, son chef-soliste. Vivaldi est également au centre d’une triple référence sacrée – Stabat Mater, Nisi Dominus, Crucifixus – par les si aimés « Matheus » de Jean-Christophe Spinosi, auxquels s’attache immédiatement le nom du contre-ténor Philippe Jaroussky. Un autre Spinosi (Philippe, guitariste) dirige Una Stella, et parcourt l’Italie, toujours vivaldienne et aussi monteverdienne et « porporienne », mais rejoint l’Amérique du Sud (Piazzola, Villa-Lobos) grâce aux agilités vocales de la soprano argentine Veronica Cangemi. Il ne faut pas oublier Noël anglais, cette fois à Westminster Abbey et de la Renaissance à nos jours, par le King’s College de David Trendell. Pour la Messe dominicale à la cathédrale Saint-Jean, le bon compagnon du Festival, Jean-François Duchamp, a choisi cette année la Messe Brève K.140 du jeune Mozart-baroquissime. Et – heureuse tradition Trinitaire oblige – les voix profondes de l’orthodoxie russe (Chœur de Saint-Pétersbourg, Mikhaïl Golikov) nous rappellent que la capitale sortie des bras de la Neva au début du XVIIIe fut et demeure un haut-lieu du baroque universel. Lignes rigoureuses de J.S.Bach, courbes très lumineuses et tendres des Noëls, éclats italiens : allez, que votre œil écoute, aux jours les plus courts de l’année, la lumière extérieure et intérieure !

Festival de musique baroque, Chapelle de la Trinité, du 23 novembre au 20 décembre 2008
Jean-Sébastien Bach (1785-1750), Messe en si, Magnificat, Oratorio de Noël… ; J.M.Leclair ( 1697-1764), sonates, concertos ; A.Vivaldi (1678-1741), concertos, Stabat Mater… ; J.P.Rameau (1683-1764), Pièces de clavecin en concert ; W.A.Mozart (‘1756-1791), Messe K.140…
Dimanche 23 novembre, 17h ; mercredi 26, 20h30- Salle Molière) ; dimanche 30, 17h ; mercredi 3 décembre, jeudi 4, vendredi 12, samedi 13, 20h30 ; dimanche 14 (Cathédrale), 10h30 ; jeudi 18 et vendredi 19h, 20h30 ; samedi 20, 20h30.
Information et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.lachapelle-lyon.org

Illustrations: La Chapelle de la Trinité © S.Bocos. Françoise Lasserre (DR). Philippe Jaroussky © S.Fowler

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