Livres, Compte rendu critique. Le Concerto pour piano français à l’épreuve des modernités. Ouvrage collectif (Editions Actes Sud, PBZ, septembre 2015). Prolongement d’un colloque dédié qui s’est tenu en 2010, soit il y a déjà 5 ans, le présent corpus collectif (soit 11 articles présentés et contextualisés) interroge le genre du concerto pour piano français (romantique essentiellement), son estimation par les publics français et surtout parisien. L’idée d’une virtuosité séduisante et attractive est loin d’être partagée en France car la seule exposition des performances d’un seul instrument (fut-il le piano capable grâce au jeu des deux mains de s’accompagner lui-même sans avoir recours continument à l’orchestre) finit par lasser voire ennuyer. Dans un contexte concurrentiel accru, où c’est toujours la réception des Germaniques (principalement Mozart, Beethoven, Mendelsshon, Schumann) qui posent problème dans le contexte des conflits franco-germaniques, certains cependant savent affirmer leur indiscutable verve expressive, réalisant enfin un saine rivalité avec les genres souverains au concert : l’ouverture, la symphonie et aussi les extraits d’opéras. D’autant plus que des jugements convergent pour trouver la seule Symphonie, bientôt trop austère et d’un plan trop prévisible, même si elle est signée David, Onslow, Reber, surtout le Mendelssonien Gouvy. A part Beethoven, aucun symphoniste français ne parvient à s’imposer, ce jusque vers 1840. Le courant romantique de 1830 profite ainsi au genre concerto : la France l’accepte plus naturellement contrairement au reste de l’Europe qui se passionne déjà grâce à Mozart, Hummel, Field… Depuis 1790, une forme entre concert et symphonie fait dialoguer l’élément soliste avec un autre instrument sorti du rang (souvent le violon… comme l’atteste les concertos pour clavier de Stamitz, Hérold ou de Viotti, avant le violoncelle chez Brahms). Il est clair alors que le Concert pour piano reprend les composantes qui font le succès contemporain de la Symphonie concertante, genre adulé à Paris, cultivant ce goût pour la pure virtuosité partagée. C’est une virtuosité divertissante (proche en cela de la Sonate brillante) en rien nourrie de conflits ou de tensions (Beethoven), opposant dans une dialectique féconde et inspirante pour les compositeurs (Liszt), piano et orchestre. Ainsi sont posées les caractéristiques du Concerto brillant (virtuose et démonstratif, toujours tripartites : vif / lent / vif) et du Concerto romantique (plus trouble, résolument symphonique, riche en contrastes et opposition : clavier / orchestre). Dans cette cartographie complexe où les goûts s’affrontent, seul les Concertos de Chopin s’imposent à Paris sans résistance : une exception propre aux années 1830 là encore. Et l’évolution féconde du genre se réalise surtout de l’autre côté du Rhin grâce à Schumann et Liszt, avant Brahms. Une seule exception française se distingue à la lecture des nombreuses clés de compréhension : la figure rassurante et moderne pourtant, mozartien convaincu et actif : Camille Saint-Saëns dont les Concertos pour piano sont indiscutablement les plus originaux, puissants, sensibles, réussissant une éblouissante synthèse entre Beethoven, Liszt, Schumann. La mise à jour de sources d’informations nouvelles comme l’étude des programmes de concerts en France entre 1828 et 1914 ; le choix thématisé des questionnements (réception des Concertos de Beethoven, Weber, Mendelssohn, Schumann à Paris ; accueil des Concertos français en Belgique avant 1914 ; particularités des derniers Concertos au carrefour des deux siècles XIXè et XXè, où règne un savant éclectisme : « académisme de Massenet, exotisme de Saint-Saëns, modernité de Fauré »… tout cela témoigne d’une constellation encore nébuleuse que le temps et l’approfondissement sauront prolonger de nouvelles découvertes et de clarifications décisives. L’ensemble des contributions n’ambitionne pas une synthèse exhaustive sur le Concerto romantique tant la diversité des thématiques, et la profusion des données (étendue de la période analysée oblige) tendent à diluer la première collecte de tendances. Au regard de la richesse des informations ainsi présentées, le corpus esquissent un certains nombre de pistes à explorer, de relations à identifier, rendant plus passionnant encore le champ à investir. Lecture incontournable pour qui veut comprendre la forme et les enjeux du Concert pour piano au XIXème.
Livres, Compte rendu critique. Le Concerto pour piano français à l’épreuve des modernités. Ouvrage collectif (Editions Actes Sud, PBZ, septembre 2015). Septembre, 2015 / 16,5 x 24,0 / 432 pages. ISBN 978-2-330-05336-9. Prix indicatif : 45€.