LIVRE événement, critique. CLAIRE FRÈCHES-THORY, JOSÉ FRÈCHES : Toulouse-Lautrec. Les lumières de la nuit (Gallimard Découvertes). Lorsque Toulouse-Lautrec découvrit Montmartre (fin des années 1880), Aristide Bruant chantait au Mirliton ; le Moulin Rouge, après le Moulin de la Galette, ouvrait ses portes aux danseurs, la Goulue et Valentin le Désossé y tenaient la vedette : ce sont les « années Lumière », 1900. Spectateur passionné, Lautrec devint l’ami des vedettes du Paris du spectacle et, par ses affiches, l’artisan de leur gloire. Le texte met l’accent sur le peintre, observateur et « photographe » du milieu parisien qu’il a cotoyé et connu régulièrement : demi monde, et déjà industrie du divertissement et des plaisirs que la morale des bons bourgeois réprouve mais tolère pour s’y encanailler.
Comme Degas qui interroge le cas des jeunes danseuses à l’Opéra à la fois sous le filtre sociologique (elles ne sont que des esclaves aux corps éreintés, proies des abonnés…qui peuvent les approcher avec le consentement de leurs mères maquerelles) et sous l’angle artistique (dans la danseuse, Degas voit clairement des lignes et l’essence du mouvement), Lautrec s’intéresse aux « cas sociaux », marginaux, décalés, les méprisés, ceux qui sont d’emblée étiquetés et humiliés.
Le créateur qui souffre depuis la naissance d’une difformité visible qui le rend particulier, partage cette condition qu’il représente directement ou indirectement dans son oeuvre. Ainsi ce portrait ou cette allégorie de la trivialité épinglée, Messaline de 1900 qui est le visuel de cette remarquable publication. Fardée, obscène, la figure annonce les expressionniste et les fauves (de Derain à Van Dongen).
Claire et José Frèches suivent en enquêteurs zélés, les pas de ce jeune aristocrate d’Albi que la maladie avait rendu différent. « À la nature et au paysage du Sud-Ouest, aux subtiles nuances des ciels, il préféra vite Paris et les cabarets, les feux de la rampe et les lumières de la nuit qui font les femmes plus belles. »
Pourtant sous le masque, le maquillage et les bijoux, Lautrec sonde le désarroi et la solitude ; les dépressifs et les mélancoliques : la chair est triste. Ses prostituées sont à l’image de la société : divertie mais terrassée. Lautrec meurt à 37 ans, en 1901.
LIVRE événement, critique. CLAIRE FRÈCHES-THORY, JOSÉ FRÈCHES : Toulouse-Lautrec. Les lumières de la nuit (Gallimard Découvertes). Collection Découvertes Gallimard (n° 132), Série Arts, Gallimard – Première parution en 1991- Nouvelle édition en sept 2019 – 176 pages, ill., sous couverture illustrée, 125 x 178 mm – ISBN : 9782072866166 – Gencode : 9782072866166 – Code distributeur : G03510 – réédition à l’occasion de l’exposition « HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC, résolument moderne », PARIS, Grand-Palais, du 9 octobre 2019 au 27 janvier 2020.