Serge de Diaghilev, Vaslav Nijinsky
Aucune aventure ne fut aussi décisive dans l’histoire de la danse et
des arts de la scène que celle des Ballets Russes. France 3 diffuse
pour le Centenaire de la Compagnie fondée par Diaghilev, le spectacle à
l’affiche de l’Opéra Garnier en décembre 2009.
France 3
Vendredi 1er janvier 2010 à 13h45
Production de l’Opéra Garnier à Paris
Si l’aventure s’achève avec la mort de Diaghilev le 19 août 1929, (il est inhumé dans l’île de San Michele à Venise, comme Stravinsky), son apport continue de nous fasciner tant la réussite esthétique des ballets créés alors, est l’aboutissement d’une conjonction miraculeuse entre le travail de différents métiers: danseurs, chorégraphes, décorateurs… Toutes les disciplines sont mises en orbite autour de la personnalité centrale de Diaghilev qui sait discerner les génies autour de lui et favoriser l’essor de chaque tempérament.
Au moment au Diaghilev originaire de Novgorod, arrive dans le cercle de l’élite artistique à Saint-Pétersbourg, celle des Benois, père et fils (Alexandre), au service des Tsars, le chorégraphe du ballet classique et romantique, Petitpa, prend sa retraite. Il s’agit donc avec Diaghilev d’une nouvelle ère pour la danse, art majeur en Russie. Diaghilev a le choc de la danse et de la production des spectacles quand il assiste au Pavillon d’Armide, une chorégraphie créée le 25 novembre 1907 au Théâtre Mariinsky. Il y repère le jeune danseur virtuose et novateur Vaslav Nijinsky qui quittera la scène impériale pour rejoindre les Ballets de Diaghilev en 1911, entre temps les deux hommes étaient devenus amants.
C’est pourtant en France que la greffe du nouvel art va se développer. Après le refus de l’Opéra de Paris qui n’entend rien à la sauvagerie des « barbares slaves », Alexandre Astruc, impresario et directeur du Châtelet ouvre ses portes à Diaghilev: l’homme de théâtre français a remarqué l’excellente tenue des danseurs russes pendant l’acte polonais de Boris Godounov donné par Diaghilev… Peu de temps après, le saut légendaire de Nijinsky, véritable athlète danseur, marque les esprits (dans le Spectre de la Rose où le fantôme d’une rose envoûte jusqu’à l’hypnose une jeune femme qui songe, après avoir quitter un bal). Il s’agit pour les danseurs d’exprimer la diffusion du parfum de la rose qui de l’un à l’autre permet l’essor d’un envoûtement à deux, avant que le spectre de la rose, -l’intrigue est inspirée de Théophile Gautier-, ne quitte la jeune femme par une fenêtre ouverte à l’extrémité de la scène…
Petrouchka est comme Casse Noisette (de Tchaïkovski) fortement inspiré par le folklore russe: les danses traditionnelles y sont très nombreuses et l’action met en scène 3 marionnettes « manipulées » par un mage flûtiste. Théâtre dans le théâtre, les 3 figurines « singent » une comédie emblématique du genre humain et de la scène théâtrale: un pauvre arlequin rêveur et artiste, Petrouchka, aime sans espoir ni retour une ballerine subjuguée par le maure richissime et violent… Celui-ci tue Petrouchka, et le mage rassure la foule venue fêter Mardi Gras: ces trois personnages ne sont que des marionnettes et la mort de Petrouchka n’engage à rien. Or à la fin du ballet, le fantôme de Petrouchka apparaît au Mage qui reste stupéfait: Petrouchka était bien un être de sang et de sueur qui a souffert le temps de sa courte vie…
Le ballet suit le sujet de Casse Noisette et annonce déjà Le Boulon de Chostakovitch: de sorte que l’action de Petrouchka récapitule toute l’histoire russe où le peuple se retrouve manipulé et humilié, démuni et solitaire, tel un pantin sans pouvoir ni avenir…
L’Après-midi d’un faune est la première chorégraphie de Nijinski qui est aussi l’interprète du ballet. La danse révolutionne tout le vocabulaire chorégraphique du XXè: gestes droits, répétitifs et statiques (difficiles à tenir car le Faune est toujours en demi pointes), danse expressionniste aussi qui s’appuie sur la vivacité du masque et des expressions du visage. Nijinsky qui ne parlait pas, y signe l’une de ses chorégraphies les plus personnelles voire les plus intimes et autobiographiques: l’amant de Diaghilev souhaitait-il dévoiler son attirance pour les femmes ? Le Faune danse autour d’une nymphe et respire son écharpe… en se cabrant de plaisir. Les poses primitives, alanguies, sauvages et animales du faune marquent toujours les esprits grâce à leur intensité inédites, leur érotisme trouble et direct. Le Ballet fit scandale par son étrangeté, inspiré des bas reliefs de l’art grec antique et assyriens (que Nijinsky alla observer au Louvre).
L’écriture de Nijinsky, portée par la musique martiale et violente de Stravinsky, se déchaîne avec une franchise inouïe dans Le Sacre du Printemps, créé à Paris, au Théâtre des Champs Elysées le 29 mai 1913: convulsions, syncopes, bruits de la guerre à venir, et encore gestes outrés, nombreux sauts, attitudes droites et répétitives, le ballet est l’un des scandales les plus célèbres de l’histoire de la scène, et une révolution qui renouvelle le genre. Avec Le Sacre, Stravinsky a créé la danse moderne. Pas d’action véritable mais une succession de tableaux extrêmes où après l’adoration de la terre, où l’assemblée des hommes et des femmes entrent peu à peu en transe, une vierge qui doit être sacrifiée, danse en résistance jusqu’à mourir d’épuisement…
Le Spectre de la Rose, Petrouchka, L’Après Midi d’une Faune, Le Sacre du printemps... demeurent les joyaux chorégraphiques des Ballets Russes qui soulignent la modernité visionnaire de l’équipe regroupée autour de Serge de Diaghilev.
France 3. Vendredi 1 er janvier 2010 à 13h45. Les Ballets Russes, spectacle enregistré en décembre 2009 au Palais Garnier à Paris.