Le groupe des 6
Milhaud, Poulenc, Tailleferre, Auric, Honegger, Louis Doré…
Histoire
Le 15 janvier 2008 à 21h20
Les heures chaudes de Montparnasse. Série documentaire (1992, France. N)12/14) Réalisation: Jean-Marie Drot
Heures chaudes, 1916
Rue Huygens à Montparnasse, sous une voûte de cave surchauffée, dans une ambiance enfumée, sur des bancs inconfortables, la bourgeoisie et les princes mélomanes du tout Paris, en particulier ceux de l’élégant faubourg Saint-Germain, cosmopolite et branché, viennent s’encanailler pour y écouter les chantres de l’art nouveau, pour reprendre le bon mot du poète Guillaume Apollinaire. Le groupe des 6, ainsi autoproclamé, à partir de 1916 s’y produit. Plus réunion de bons amis que nouvelle vague esthétique homogène, portée par une écriture proche, le collectif de la même génération, se retrouve en sa diversité même, aux côtés de la première exposition d’Art Nègre exposant Picasso et Modigliani: Germaine Tailleferre, plutôt admirative de Ravel; Milhaud (à l’inspiration méditerranéenne et Brésilienne); Auric et Louis Durey, et aussi Poulenc, génial autodidacte, et Honegger qui d’origine suisse (de Zürich), se montre sous l’influence des musiciens germaniques… Cocteau, mondain de l’avant-garde, poète et décorateur, est leur meneur, celui qui infuse le piment de la curiosité, affirme l’arc tendu de l’audace; Satie, presque sexagénaire, plus proche de Ravel que de Debussy (chez lequel il va dîner tous les dimanches), les rejoint bientôt.
Le bric à brac de Satie
En noir et blanc, s’appuyant sur des archives de l’Ina, le documentaire convoque tous les compositeurs cités. Cocteau évoque l’émulation des nuits chaudes; Auric portraiture Satie; surtout Poulenc joue au piano l’auteur des Gymnopédies et des Gnosiennes…
D’ailleurs, le portrait d’Erick Satie fait toute la saveur de ce film qui suit le foisonnement des personnalités éclectiques composant ce groupe aux profils divers. Les plus novateurs s’avèrent être Milhaud et Satie. Ce dernier, toujours d’une impeccable mise, qui aima passionnément les parapluies au point de les collectionner par centaine chez lui, se montre aussi insaisissable que facétieux, selon l’image commune. L’évocation de la découverte de sa maison misérable d’Arcueil, après sa mort relève d’une carte postale surréaliste: une pauvre masure dans laquelle il ne reçut aucun de ses chers amis, où l’on retrouva quantité de colis et lettres adressés par ses connaissances, demeurés intacts et non ouverts (!), gisant sous la poussière, en un bric à brac digne du brocanteur; ainsi gisent deux carcasses de pianos sans cordes, déposées l’une sur l’autre, surtout des centaines de partitions de sa main, dont l’opéra Genneviève de Brabant, que l’auteur avait fini par oublier comme le reste de ses affaires, composant un innommable capharnaüm… Curieux personnage que ce Satie, fervent acteur de la modernité, dont la silhouette, élégante et singulière cachait une personnalité à part…
Illustration: Erik Satie, figure paternelle mais expérimentale au sein du groupe des Six (DR)