Lang Lang
en Chine
Arte, Musica
Le 28 avril 2007 à 22h30
Documentaire.
Réalisation: Benedict Mirow.
2006, 52mn
Retour aux sources
Portrait d’un prodige chinois du piano, né le 14 juin 1982. Artiste Deutsche Grammophon, (comme Yundi Li, autre étoile du piano chinois, lauréat du Concours Chopin de Varsovie en 2000), Lang Lang incarne l’émergence d’une personnalité déterminée, au look branché, dont le visage lunaire s’électrise, pour lequel classique rime avec énergique.
A seulement 23 ans, en 2005, Lang Lang est déjà une vedette internationale, applaudie aux USA (depuis un concert désormais originel et légendaire, à Carnegie Hall, en avril 2001 à 19 ans), en Europe, et à présent en Chine, en décembre 2005, au moment où le film de Benedict Mirow fut réalisé. Le jeune virtuose du clavier revenait dans sa ville natale de Shenyang (Nord Est de l’Empire du milieu), mais aussi donnait dans le cadre d’une tournée (décembre 2005), plusieurs concerts et master classes dans les plus grandes villes chinoises: Pékin, Shangai, Guanju, Chenzen…
Malgré son âge, l’interprète se donne sans compter à son public, encore plus enthousiaste et avide que lui (la Chine compterait 20 millions d’apprentis pianistes…). Partout, il est nommé « professeur honoraire », étant le plus jeune pédagogue à recevoir cette distinction. Il a conscience de ce qu’il représente pour toutes ces âmes, jeunes et ardentes dont certains adulant leur idole vont jusqu’à plagier leur modèle… Pourtant, face à l’engouement inouï dont il est le sujet, lang Lang déplore souvent de la part de ses « élèves » pianistes, un manque d’engagement, des lacunes sur le plan de l’intériorité, de l’imagination, de l’implication personnelle. Du travail certes et de la technique, mais pas assez d’âme; il y manque cette passion viscérale de la musique qui font les grands interprètes. Pas si surprenant au pays où la révolution culturelle a laissé de profondes blessures en dictant des modes de pensée, où le collectivisme était plus cultivé que l’individualisme.
Le pianiste qui a fait ses classes au Conservatoire de Shenyang, mais surtout au sein du Conservatoire central de Pékin, avant de s’envoler de l’autre côté du monde, toujours accompagné de son père, revient non sans émotion dans le foyer familial où l’attend sa mère, ses amis…
De la musique chinoise
Le film ne s’attarde pas sur les concerts. Quelques plans rapides des master classes. Surtout, de nombreuses séquences où Lang Lang interprète, seul ou en duo, (avec de jeunes interprètes d’instruments chinois: flûte piccolo capable de jouer des demi voire des quart de ton; pipa; gusheng…) des pièces de musique chinoise. Car il est temps pour lui, tout en jouant les maîtres occidentaux, de faire connaître les « perles » des maîtres classiques chinois. Les titres sont souvent printaniers et paraissent à l’oreille inaccoutumée, un brin suaves voire alanguis ou maniéristes: autre culture, autres valeurs, autre idéal. « Danse du chapeau de roseau », « Danse printanière », « Danse du Quici », « Fleur de printemps sur le ruisseau au clair de lune », « Nuit au lac près du pont d’érable » diffusent leurs parfums d’un autre temps comme autant de cartes postales d’un monde qui nous paraît décidément bien étranger… Aucune mention n’est faite ni aucune précision n’est apportée concernant leur genèse ou le nom de leur auteur… on redoute qu’il s’agisse comme c’est le cas du Concerto du fleuve jaune (que Lang Lang interprète au cours de la tournée filmée) d’oeuvres de propagande, composées selon l’esthétisme sucrée souvent anecdotique de la révolution culturelle.
Qu’on aime ou non le jeu et ici, la personnalité entière, passionnée, exaltée (le jeune professeur manque de faire tomber l’un de ses élèves pendant une master class!) du pianiste, force est de constater sa furieuse énergie digitale, sa technique insolente, son feu communicatif. Au moment où la Chine prend une part de plus en plus prépondérante dans le monde, quand Pékin prépare avec des moyens pharaoniques les J.O. de 2008, quand la plupart des villes chinoises offrent conservatoires et salles de concerts pour les jeunes musiciens et les publics de plus en plus nombreux, le retour d’une jeune star du piano, adulée de surcroît à l’Ouest, fait figure de modèle absolu. C’est le signe d’une « revanche » prise après des années de pénuries et de sacrifices (en particulier vécues par ses parents), c’est l’emblème d’un visage renouvelé de la culture à la chinoise. La Chine en marche a besoin d’icones. Le visage mi poupon mi démiurge de Lang Lang tombe à pic. Le mérite du documentaire est de révéler cette attraction irrépressible, la force du symbole Lang Lang en Chine: un jeune dragon qui incarne l’éveil d’une nation conquérante.
Agenda
Lang Lang jouera le Concerto pour piano n°1 de Beethoven avec l’Orchestre de Paris, dirigé par Christophe Eschenbach, les 12 et 13 septembre 2007 à 20h (Paris, salle Pleyel).
Cd
« Dragon songs »(photo ci-contre). L’album comprend aussi le dvd du Film « Lang Lang in China, 2005 ». 1 cd + 1 dvd Deutsche Grammophon
A paraître: l’album des Concertos n°1 et 4 sortira en septembre 2007 chez Deutsche Grammophon. Lang Lang, piano. Orchestre de Paris, direction: Christoph Eschenbach.
Crédits photographiques
Lang Lang © Kasskara pour Deutsche Grammophon