ARTE, dim 26 août 2018, 00h55. L’affaire Tchaïkovski : Confessions d’un compositeur. On sait à présent que le plus grand génie de la musique russe romantique était homosexuel et sous couvert d’une vie bourgeoise et tranquille, vivait une existence infernale et douloureuse, placée sous le signe permanent du silence, du mensonge, de la dissimulation. Ce tiraillement et cette souffrance confèrent à son oeuvre une tension et une violence, une profondeur et une âpreté singulières que des oeuvres irrésistibles comme son ultime symphonie (n°6 dite « Pathétique ») entre autres expriment directement.
Une évocation des aspects les plus intimes de la biographie de Tchaïkovski, sous la forme d’un étonnant journal vidéo qui dit s’appuyer sur les déclarations et les extraits de son journal intime. Figure majeure du romantisme russe du XIXe siècle, le compositeur Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) a mené une vie sentimentale dissimulée, interdite, aux antipodes de l’image de héros national que la Russie a donnée de lui des décennies durant.
1877, l’année de rupture (37 ans)… Ne pouvant assumer son homosexualité, il s’engage dans un mariage de convenance (avec Antonina Miliukova, une de ses anciennes élèves qui lui avait écrit une longue lettre enflammée), et vit, tout comme sa jeune épouse (à l’esprit un rien dérangé), un enfer. Leur séjour à Florence témoigne d’un erreur fatale qui tourne au cauchemar. A 37 ans, en 1877, le compositeur qui pensait se sauver de lui-même, doit reconnaître son erreur et la malédiction dont il est la victime perpétuelle… le mariage avait eut lieu le 30 juillet 1877. En septembre, il tente même de se suicider en plongeant dans la Moskova pour essayer de contracter une pneumonie. La séparation des époux est déclarée peu après. Pourtant, l’inspiration ne tarit pas malgré les turbulences traversées et Tchaikovski écrit pour le Théâtre Bolchoï son premier ballet, Le Lac des cygnes, (d’abord un échac à sa création en raison de conditions peu favorables) et surtout son chef d’oeuvre lyrique d’aprèsAlexandre Pouchkine : Eugène Onéguine. Clair ouvrage en résonance avec sa tragédie intime.
Dans le film diffusé sur Arte, ne se satisfaisant guère de ses brèves liaisons avec des hommes, Tchaikovsky a pu laisser libre cours à ses émotions dans sa musique, avec une vigueur toute particulière, signature de son oeuvre.
Le réalisateur Rolf Pleger aime les cas « désespérés » ou romanesques et tragique ; il a précédemment signé un docu sur Wagner (« la folie Wagner »), s’intéressant à démêler les fils d’une pensée chaotique et passionnée voire radicale et exacerbée, attestant d’une bisexualité plus ou moins assumée.
Le parti de tout filmer à Berlin et à Florence (le cadre du mariage raté), caméra à l’épaule, finit souvent par agacer ; la forme dénaturant le propos ; quand le texte et la vision préférant les « révélations scandaleuses » voire les visions exhibitionnistes, réécrivant parfois l’histoire véritable. Le témoignage des spécialistes tels Philip Ross Bullock, Kadja Grönke, David Garcia, la participation du jeune organiste Cameron Carpenter au look rock, ajoutent aux commentaires souvent fantaisistes. Pas sûr que Tchaikovski y gagne réellement quelque chose sinon l’étoffe d’un musicien à la sexualité certes maudite mais épineuse et destructrice. Qui peut savoir qui était réellement Piotr Illytch ? Et comment vivait son identité sexuelle ?
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Réalisé en 2015, le film docu de 52 mn a déjà été diffusé sur ARTE en juin 2015.