Poursuivant
leur tour de l’île de Ré dans le cadre du festival Ré Majeure, les
musiciens du Louvre s’arrêtent en l’église de La Flotte en Ré le 19 mai
2012 pour y donner la Passion selon Saint Matthieu de Johann Sebastian
Bach (1685-1750). Composée vers 1727, elle n’a été créée que deux ans
plus tard en 1729 à Leipzig dont Bach était kantor et malgré deux
remaniements, dont le dernier date de 1736, l’oeuvre a reçu un mauvais
accueil qui l’a fait tomber très vite dans l’oubli… entre autres du
fait de sa durée.
La Saint Matthieu en Ré majeur
C’est seulement cent ans après sa première
création, en 1829, que Félix Mendelssonh-Bartoldy remonte la Saint
Matthieu permettant, au passage, une redécouverte de Bach et de son
oeuvre. Si au cours du siècle dernier les plus grands chefs ont apposé
leur griffe, Marc Minkowski, qui revient à ses premières amours
baroques, en donne une vision assez surprenante; si l’on peut s’étonner
de voir le chef français lancer un pari aussi audacieux on peut aussi
s’en inquiéter tant il est difficile de tenir l’oeuvre sur la longueur.
C’est
une Passion en effectif réduit tout d’abord; douze chanteurs et un
ensemble orchestral réduit paraissent ici quand habituellement elle
nécessite un double choeur et un double orchestre… Cependant
Minkowski qui, en 2010, a déjà tenté le pari avec la messe en si du même
Bach, reprend le même principe pour la passion selon saint Matthieu.
Le
résultat ne manque pas de saveurs tant chacun, chef, chanteurs,
instrumentistes, s’implique avec une force de caractère et une volonté
peu communs.
Parmi les chanteurs, Markus
Brutscher (l’évangéliste) et Christian Immler (Jésus) se distinguent;
Brutscher n’a quasiment que des récitatifs, mais il sait en articuler
la parole vivante et narrative. Les deux hommes s’affirment aussi
dans des arie autres que ceux de leurs rôles respectifs ce qui est
d’autant plus appréciable dans le cas du ténor, qu’il peut ainsi
s’exprimer pleinement et sans complexes en dehors des récitatifs de
l’évangéliste. Les autres chanteurs sont également d’un très haut niveau
même si nous regrettons que la diction ne soit pas toujours
irréprochable.
Cette Saint Matthieu, avant d’arriver sur l’île
de Ré, a tourné en France et à l’étranger. En ce qui concerne les
musiciens du Louvre-Grenoble, dont l’effectif a été allégé pour
l’occasion, ils se montrent tout autant convaincants;
Sous la
direction ferme et attentive de Minkowski, qui ne tremble pas face aux
pics redoutables de la partition, l’orchestre se dépasse et accompagne
les chanteurs sans jamais les couvrir. En en collectif réduit, la
lecture ne trahit pas l’œuvre. Le pari est donc réussi.
La
Flotte en Ré. Eglise, le 19 mai 2012. Johann Sebastian Bach (1685-1750) :
Passion selon Saint Matthieu. Avec Ditte Anderson, Jolanta Kowalska,
Anne-Emmanuelle Davy (sopranos); Delphine Galou, Owen Willetts, Mélodie
Ruvio (alti); Markus Brutscher, ténor (l’évangéliste); Magnus Staveland,
Svetli Chaumien (ténors); Christian Immler, basse (Jésus); Benoit
Arnould, Charles Dekeyser (basses). Les musiciens du Louvre-Grenoble;
Marc Minkowski, direction. Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale, Hélène Biard.