Kathleen Ferrier: le miracle vocal
Intégral des enregistrements Decca en 14 cd
Voix sombre et cuivrée, d’une blessure secrète, l’alto britannique Kathleen Ferrier (décédée à 41 ans en 1953), dont 2012 marque le centenaire (née le 22 avril 1912), se dévoile ici au travers des 14 cd, regroupant tous les enregistrements (mono) édités par Decca, de 1946 (Elijah de Mendelssohn, air Woe unto Them…) sans omettre l’année faste 1947 (Orfeo de Gluck) jusqu’à 1953 (Three Psalms de Rubbra avec Ernest Lush, piano); parmi les repères et les accomplissements de cette offrande discographique inouïe, soulignons l’apport évident des cycles de mélodies et lieder de Schumann (Frauenliebe opus 42, 1950; également présent avec Bruno Walter au piano en 1949), de Brahms et de Schubert (inédit avec Benjamin Britten, 1952), le si wagnérien et transcendé par le timbre halluciné de la diva, Poème de l’amour et de la mer de Chausson (Hallé orchestra, Barbirolli, 1951); mais tout autant ses Bach et ses Haendel; les perles sont aussi du côté de la Rhapsodie pour contralto de Brahms (Clemens Krauss, 1947); les Kindertotenlieder d’après Rückert avec Klemperer (1951); la Symphonie Printemps opus 44 de Britten (aux côtés de Peter Pears, sous la direction de Eduard van Beinum, 1949: prise live de la première du 14 juillet 1949); les bandes soulignent combien la diva fut une mahlérienne bouleversante dans la Symphonie n°2 Résurrection (Klemperer, Concertgebouw d’Amsterdam, live de 1952), Das lied von der Erde (avec Julius Patzak, sous la direction de Bruno Walter (Vienne, mai 1952)… tension palpitante, émotivité partagée par les solistes et les instrumentistes du Wiener Philharmoniker: une version légendaire à juste titre (couplé avec les 3 Rückert lieder… d’une sincérité irrésistible.
La puissance émue du timbre, ce legato grave et mielé ne laisse pas de nous interroger car la voix, presque 60 ans après la disparition de la diva anglaise, conserve toujours sa très forte étrangeté, son indicible vérité, sa vibration lunaire et incandescente. On comprend dès lors que son contemporain Britten lui ait destiné le rôle de Lucrezia pour son opéra âpre et sauvage, violent et désespéré The Rape of Lucrezia; que Bruno Walter ait affirmé qu’il y avait deux rencontres décisives dans sa vie, Kathleen Ferrier et Gustav Mahler « dans cet ordre »…
Outre le dvd offrant un portrait de la cantatrice, les auditeurs du coffret entendent la voix parlée de Kathleen Ferrier sur le cd 9 dans un document enregistré où l’artiste précise sa participation au festival d’Edinburgh avec Bruno Walter ou Wilhelm Furtwängler…
Coffret majeur. Kathleen Ferrier: Centenary edition, The complete Decca recordings,14 cd + 1 dvd Decca