Joseph Haydn
Orlando Paladino
Arte
Lundi 25 mai 2009 à 22h45
Facéties opératiques
Jérémie Rhorer nous avait dévoilé la truculence pétillante et subtile de l’Infedelta Delusa : une farce comique et sentimentale portée par l’ingéniosité d’une maîtresse femme (Festival d’Aix 2008 avec l’excellente et truculente Claire Debono percutante à souhait dans le rôle axial de Vespina!). Création proche du Cosi mozartien, tant Vespina fait penser à Despina). Au début de cette année, autre révélation qui en fait était une reprise mais d’autant mieux comprise en cette année commémorative : Jean-Claude Malgoire remontait à Tourcoing en mars 2009, avec son atelier Lyrique, le dernier opus du maître d’Eisenstadt, jamais représenté pour des raisons de censure probablement, Orfeo ed Euridice (L’Anima del Filosofo), relecture personnelle, très originale et surtout désespérément sombre du mythe orphique. Haydn semble y signer une manière de testament artistique, philosophique, musical, poétique, humaniste d’une rare singularité de ton, étonnante de la part de celui qui aima toute sa vie servir et flatter le goût des princes. En fait pas tant que cela, du moins en s’autorisant une liberté de ton propre et indépendante.
Orlando déjanté
Autre découverte que celle de l’opéra Orlando Paladino, en vérité déjà relu et porté à la scène avec entre autres, Patricia Petibon et Christian Gerhaher, par Nikolaus Harnoncourt (Festival de Graz 2005, DHM). Voici une autre perle du compositeur, sa vision personnelle et bouffone, tout aussi raffinée, du mythe chevaleresque inspiré de L’Arioste : Roland. Ici Haydn redouble de facétie succulente. Le compositeur aime mêler les genres comique et bouffon (Pasquale),
tragique et délirant (Orlando), incantatoire (Alcina), tendre et
palpitant (Angélique), amoureux et contemplatif (Medoro),
héroïco-comique (Le Roi de Barbarie): chacun y trouvera son compte.
Mais tant de jubilante santé poétique fait penser bien souvent la
liberté de l’opéra vénitien du 17è (Cavalli).
Au I, acte d’exposition plus que d’action – Orlando n’apparaît qu’après 48 minutes-, il s’agit de montrer le couple amoureux Angelica/Medoro, fragilisé et apeuré même, à l’idée de retrouver leur ancien compagnon, ce Roland devenu fou après qu’il ait perdu son aimée Angelica, laquelle lui a préféré Medoro. Amants mais coupables, fou en délire, auxquels Haydn ajoute une galerie de personnages loufoques et parodiques : la suivante d’Angélique qui se transforme en… fée Alcina (laquelle est sensée protéger les deux amoureux), Pasquale, véritable basse bouffonne et double du héros déconstruit, comme le sont Pancha pour Don Quichotte et aussi, Leporello pour Don Giovanni…) On pense aussi au Don Juam de Mozart face à l’écriture des airs de Medoro, ténor languissant, passif et contemplatif, qui prélude au Don Ottavio du chef d’œuvre de Mozart. La mise en scène d’Amir Hosseinpour fait danser les sapins sous les murailles du château de la Reine Angélique, et le pauvre Orlando, proie de ses vertiges délirants, fou solitaire finalement impuissant, peine à retrouver la raison: c’est pourquoi par exemple dans cette mise en sècne assez déjantée et quelques peu anecdotique, le final du I s’achève dans un bazar d’asile psychiatrique où chacun palpite au diapason de la folie qui diffuse… Nonobstant, voici une production qui rend justice à l’oeuvre trop écartée de Haydn: la direction engagée, rythmiquement affûtée (comme toujours) de Jacobs, la distribution homogène, le spectacle vif sans rupture de mouvement réalise une lecture enjouée et séduisante.
Joseph Haydn: Orlando Paladino
Opéra en 3 actes de Joseph Haydn
Direction musicale : René Jacobs
Mise en scène Nigel Lowery, Amir Hosseinpour. Avec : Marlis Petersen. (Angelica), Pietro Spagnoli (Rodomonte), Tom
Randle (Orlando), Magnus Staveland (Medoro), Sunhae Im (Eurilla),
Victor Torres (Pasquale), Alexandrina Pendatchanska. (Alcina), Arttu Kataja (Caronte / Licone). Réalisation : Andreas
Morell. Coproduction : ARTE, Opéra de Berlin Unter den Linden, Festival
de musique ancienne d’Innsbruck. Opéra enregistré le 8 mai 2009 à l’Opéra de Berlin
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Le « Roland paladin » de Joseph Haydn doit son
existence à un événement qui n’a pas eu lieu : le grand-duc Paul de
Russie et son épouse avaient annoncé leur venue au château Esterháza où
travaillait Haydn comme maître de musique. On attendait même la visite
de Joseph II pour l’occasion. Souhaitant accueillir avec un faste
inégalé ces illustres hôtes, le prince Esterházy demanda à Joseph Haydn
de composer un opéra. Le couple princier changea de route. Mais Haydn
avait achevé son « Orlando ». L’opéra, créé en décembre 1782 au
château, allait bientôt être joué sur toutes les scènes d’Europe, et
fut à l’époque déjà, accueilli comme le meilleur ouvrage lyrique du
compositeur.
Orlando Paladino est un drame à la fois tragique, héroïque et comique,
où se mêlent l’aventure et les sentiments sur une scène où les machines
métamorphosent les décors.
Le compositeur a su mettre en perspective des univers qui s’opposent,
illustrant avec brio le contraste entre les aspects héroïque, comique
et sentimental de l’action.
En mai 2009, le monde musical commémore le 200 ème anniversaire de la
disparition de Joseph Haydn. Arte lui rend hommage avec une
programmation exceptionnelle. Au programme, deux documentaires, un
concert dirigé par Mariss Jansons et Orlando Paladino dirigé par René Jacobs.