Johannes Brahms (1833-1897)
Les Symphonies n°2 et n°4
L’écriture symphonique remonte dans la carrière de Brahms au milieu des années 1850, quand le jeune compositeur (17 ans), esquisse déjà ce qui sera sa Première Symphonie, (achevée en 1876, après l’écriture de ses Variations sur un thème de Haydn). La deuxième Symphonie est conçue en 1877, le compositeur est alors âgé de 44 ans. La partition est contemporaine de son Concerto pour violon. Avant de commencer l’écriture de ses deux dernières Symphonies, Brahms, fixé à Vienne depuis 1862, dirige la Société des Amis de la musique de Vienne jusqu’en 1875. Il rencontre Dvorak en 1878 et l’encourage à poursuivre sa carrière de compositeur, enfin écrit son chef-d’oeuvre, le Deuxième Concerto pour piano et orchestre en 1881. Les Troisième puis Quatrième Symphonies suivent le sillon tracé par son Concerto pour piano: ses derniers opus symphoniques l’occupent de 1883 à 1885. Brahms opère une synthèse entre les grands romantiques qui l’ont immédiatement précédé, de Beethoven à Schubert et Schumann, mais il revisite aussi les anciens dont Haydn. Artisan de la musique pure, intensément romantique, le compositeur a su puiser au carrefour de caractères, traditions, sensibilités aussi distincts que nécessaires au renouvellement de l’écriture symphonique: héroïsme confictuel de Beethoven, mélodie chantante et populaire héritées de Schubert, emportement dynamique de Schumann. Comme ce dernier dont il fut un admirateur assidu (il restera après la mort du compositeur, très proche de Clara Schumann, sa vie durant), Brahms compose quatre Symphonies quand Beethoven puis Mahler illustrent un cycle de neuf. Le compositeur attend d’atteindre la quarantaine, pour disposer avant de se lancer dans la première série symphonique, d’une expérience sûre, éprouvée pendant la composition de son Premier Concerto pour piano, de ses deux Sérénades et des Variations sur un thème de Haydn. L’inspiration se réalise par couples d’oeuvres: Brahms écrivant ses deux premières symphonies dans la tranche 1876-1877, puis ses deux ultimes, entre 1883 et 1885. Après la Première Symphonie, la deuxième confirme une autonomie vis à vis du modèle betthovénien. Le Scherzo est remplacé par un mouvement de caractère, à l’inspiration puissante et personnelle qui se souvient de Schubert. Souvent, Brahms situe son mouvement lent en deuxième position alors qu’il occupe la troisièm place chez ses confrères.
Symphonie n°2 en ré majeur opus 73
Hans Richter dirige la création à Vienne, le 30 décembre 1877. Amorcée dès la fin de la Première Symphonie, la partition est dans sa majorité écrite pendant l’été 1877 que Brahms passe en Carinthie (à Portschach sur le Wörtersee). L’engouement pour l’oeuvre est immédiat et supérieur à sa Symphonie précédente. La séduction du premier mouvement d’un entendement plus facile a favorisé son succès.
Plan. Allegro non troppo: Les cors imposent la coloration d’ensemble: noblesse, majesté, sérénité. Même si le caractère de valse du second thème souligne l’allant et l’énergie lyrique, l’écriture de Brahms n’en demeure pas moins liée à un sentiment sombre et grave en rapport avec sa filiation nordique (Brahms est né sur la façade septentrionale de l’Allemagne: à Hambourg, port ouvert sur la Baltique). Adagio ma non troppo: voilà, le mouvement lent le plus réussi de l’univers brahmsien. L’orchestration préserve le dialogue entre les pupitres: cordes et bois. Allegretto grazioso, quasi andantino: ici, s’impose simplement l’esprit de la danse (de nature populaire comme un ländler) dont le souci de la variation, énoncée de façon dynamique, rappelle Beethoven. Allegro con spirito: l’ample développement du finale atteste ce désir et ce sentiment d’équilibre qui ont inauguré le premier mouvement de la Symphonie. Proche pour certains analystes, de la Symphonie Jupiter, l’oeuvre exhalerait un souffle éminemment classique, voire « un sang mozartien ».
Symphonie n°4 en mi mineur opus 98
Brahms dirige la création à Meiningen, le 25 octobre 1885. La chronologie est simple: Brahms compose en 1884, les deux premiers mouvements, en 1885, les deux derniers. Le climat en est contrasté, même si l’on parle à son égard de teintes automnales, chaleureuses, crépusculaires. Sous un lyrisme engagé, Brahms exprime aussi le sentiment de profonde solitude, voire d’aspérité et de rudesse. C’est pourtant sur le plan de la forme, l’une des partitions les plus explicitement classiques, en particulier pour son mouvement final en forme de Chaconne (comme les opéras français baroques). Les premier et deuxièmes mouvements sont nettement inspirés par Dvorak, rencontré en 1878. En maints endroits, la Quatrième de Brahms annonce les accents de la Symphonie Nouveau Monde du musicien Tchèque.
Plan. Allegro non troppo. Les cordes portent la houle d’une vague haletante, entre héroïsme et intériorité. Le final très développé confirme le climat de grandeur libre mais sombre. Andante Moderato: son début distribué aux cors et aux bois annoncent directement le Concerto pour violoncelle de Dvorak. Marche, cantilène (violoncelles puis violons), la richesse des épisodes créée un surenchère poétique captivante. Allegro giocoso: exception dans toute l’oeuvre symphonique de Brahms, voici un troisième mouvement qui s’apparente au scherzo traditionnel, légué par Beethoven. Joie, frénésie marquée, entêtement même mais aussi indication dynamique oblige, lyrisme gracieux (violons). Les racines populaires du compositeur y paraissent sans masque avec une franche énergie. Amoureux des développements et des variations, Brahms dévoile une maîtrise formelle absolue dans l’Allegro energico e passionato. Le compositeur reprend le thème d’une cantate de Bach (huit mesures légèrement modifiées de la Bwv150), afin d’édifier une construction encore supérieure à ses Variations sur un thème de Haydn (1873). Pas moins de 35 variations qui en découlent s’enchaînent sans impression artificielle. Du grand art. L’arche ainsi élaborée a fondé durablement l’estime et le succès réservée à la Quatrième Symphonie. C’est aussi une reconnaissance légitime de son immense génie sympho