Johann Strauss fils,
La Chauve Souris
Mezzo, du 22 décembre 2007 au 11 janvier 2008
Le 22 décembre 2007 à 20h45
Le 23 décembre 2007 à 13h45
Le 1er janvier 2008 à 16h25
Le 11 janvier 2008 à 15h05
Production de l’Opéra national de Paris, Opéra Bastille, 2001. Mise en scène: Coline Serreau. Direction musicale: Armin Jordan.
Opéra champagne
Cela pétille comme du champagne; d’autant mieux que le Roi Champagne 1er est nommément cité et même honoré à l’acte II, celui du bal chez le prince Orlowsky, d’autant mieux de surcroît qu’à la fin de ce vaudeville hilarant et délirant, Gabriel Eisenstein reconnaissant qu’il est bien le dindon de cette farce collective, implore son épouse Rosalinde de lui pardonner parce qu’il fut plus que tout autre, la proie de l’ivresse vénéneuse produite par le divin nectar à bulles!
Menée par l’élégance expressive du maestro Armin Jordan, dans la mise en scène très efficace de Coline Serreau, cette production parisienne de la Chauve Souris ne souffre d’aucune faute de goût. Au sein du plateau vocal plutôt homogène, en rien déséquilibré, citons l’épatante et piquante Adèle/Olga de Malis Petersen, le prince Orlowsky de Marina Domaschenko (chauve, et sa perche à transfusion)… La vision de Serreau explicite parfaitement la cause du délire central: l’humiliation de Falke contrait de traverser toute la ville, au petit matin, déguisé en chauve-souris, subissant les diatribes puis l’agressivité d’une foule hostile (action préliminaire pendant l’ouverture).
Ici, le spectateur voit une armée volante de chauve-souris, quand d’habitude, le volatile n’est présenté que de façon très anecdotique. Dans le décor Belle-Epoque du I, « chez Eisenstein », où Rosalinde se plaint du contre-la hardi d’Alfred, puis sous les voûtes palatiales du bal chez Orlowsky au II, quand chacun paraît déguisé, en acteurs d’une fête de l’insouciance, véritable appel à l’oubli (Eisentein devient le marquis Renard, son épouse, une comtesse hongroise nostalgique de son pays, et Adèle, leur servante, une actrice, Olga, à l’ambition victorieuse et mordante…, l’action se déroule avec finesse et aussi sens critique. La danse en forme de croix gammée au moment où chacun chante cet hymne fraternel, « petit frère, petite soeur », n’échappera pas aux plus avisés, comme la satire sociale qui dénonce l’habitude licencieuse des spectateurs les plus fortunés de l’Opéra de Paris, qui vont fricoter avec les coryphées du Ballet, après la représentation… Voir en cela, les dessins de Degas sur ce sujet crousitllant.
Prédateurs de belles jeunettes, avatars conjugaux du couple Eisenstein, ambition d’une servante Adèle, vengeance de Falke contre Eisentein…, le duo Armin Jordan/Coline Serreau emporte l’intrigue avec tact et style sans en gommer les détails piquants ni atténuer aucun des niveaux de lecture. Voilà qui fait pétiller notre esprit et stimule la réflexion au coeur de la fête. Alliance jubilatoire: du divertissement intelligent (notez l’enchaînement des groupes de danseurs urbains et rap au moment du quadrille du II, comme la voracité des invités se ruant sur le buffet qui leur est servi, quitte à dépenailler un pauvre serviteur…). Superbe spectacle.
Illustration: portrait de Johann Strauss II (DR)