mardi 6 mai 2025

Jean Tubéry, chef. Actualités discographiques.Dietrich Buxtehude (Alpha), Johann Pachelbel (Ricercar)

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Jean Tubéry,
cornetiste et chef

Pour l’apprenti flûtiste au Conservatoire de Toulouse et d’Amsterdam, la passion de la musique italienne du XVII ème siècle (Seicento) allait bientôt s’exprimer au travers d’un seul instrument apte à en saisir l’essence à la fois expressive et mordante, mais aussi langureuse et suave: le cornet à bouquin. Sa ligne courbe est souvent représentée dans les toiles des Vénitiens (Titien et Véronèse), soulignant l’ancienneté d’un instrument qui a résonné dès la seconde moitié du XVI ème siècle.
Cornetiste virtuose, Jean Tubéry s’est vite imposé comme instrumentiste dans les ensembles de musique ancienne et baroque tels Les Arts Florissants, Hespérion XXI, Huelgas, Elyma, La Petite Bande… En 1990, il fonde son propre ensemble, La Fenice… nouvel hommage à la culture vénitienne. C’est d’ailleurs pour Ricercar, que Jean Tubéry enregistre plusieurs volets de la collection : « L’héritage de Monteverdi », considérée à juste titre comme une référence discographique pour la musique vénitienne du XVIIème siècle.

Actualités discographiques de septembre 2007
En septembre 2007, deux nouvelles gravures (éditées par les labels Ricercar et Alpha) viennent confirmer une même affinité rayonnante, dans un autre répertoire, celui de la musique sacrée germanique du XVII ème siècle.
A voce sola, dans un disque consacré à quelques Concerts Spirituels de Dietrich Buxtehude, avec le concours du soliste, le ténor Hans Jörg Mammel. L’exercice souple et dramatique de la voix rivalise de virtuosité langoureuse et fervente avec les instruments, pour projeter l’éclat articulé des textes bibliques. C’est une messe délectable où s’associent timbres, effectifs, registres variés de l’expression recueillie ou narrative. En plus d’instrumentistes habiles à ciseler et ornementer sans maniérisme, le chef dispose d’un soliste de premier plan, ambassadeur d’un verbe souple et intelligible. D’autant que l’album s’inscrit en 2007 comme une nouvelle offrande à la célébration du tricentenaire de la mort du compositeur.
Egalement passionnante la seconde nouveauté discographique qui dévoile le génie d’un précurseur de Bach, qui fut l’ami de son père et même le parrain de sa soeur aînée, Johann Pachelbel. Elève à Vienne de Kerll, Pachelbel qui fut donc à Eisenach, l’intime de la tribu Bach, apporte pour la maturation du jeune prodige, la connaissance fusionnée de la musique luthérienne et des figuralismes italiens, dans le style romain de Carissimi et Frescobaldi. Outre l’opulence du traitement instrumental, Jean Tubéry qui dirige ici le Choeur de chambre de Namur (dont il est le directeur artistique depuis 2005) et Les Agrémens, saisit la diversité des climats, en leur conférant ce en quoi il excelle: suavité, langueur, intensité et articulation. Là aussi, son sens prodigieux d’un dramatisme fondu mais caractérisé, s’avère des plus convaincants.

Concerts Spirituels a voce sola
Organiste de la Marienkirche de Lübeck à partir de 1668, Dietrich Buxtehude (né en 1637), est donc un musicien trentenaire comblé. Compositeur, virtuose du clavier, Buxtehude est surtout l’administrateur des fameux Abendmusiken, concerts du dimanche dans l’église dont il est titulaire, dont les sujets peuvent ne pas être sacrés. La réputation et le prestige des Abendmusiken va croissante: toute la population et les riches patriciens de Lübeck dépensent sans compter pour maintenir le niveau, faire venir les meilleurs instrumentistes et chanteurs de la région, sous les divins auspices de Buxtehude qui compose évidemment de nombreuses pièces à cette occasion. A l’imaginaire poétique des textes souvent sacrés (prose biblique tels que Psaumes…), répond la fine incise de la ligne autant vocale qu’instrumentale qui se livrent une série de joutes dialoguées dont l’objectif recherche l’articulation aussi vivante qui possible, à la fois expressive et suave, des textes. Dans un cadre ainsi réglé, les interprètes peuvent à loisir souligner les correspondances alternées, le « jeu » des combinaisons et des réponses, entre voix et instruments, entre les instruments eux-mêmes (Dietrich Buxtehude: O Fröliche Stunden. Concerts Spirituels. Hans Jörg Mammel, ténor. La Fenice, direction: Jean Tubéry. Enregistré en 2006. 1 cd Alpha 113).

Johann Pachelbel, précurseur de Bach
L’album révèle l’influence de Johann Pachelbel dans la maturation du jeune Jean-Sébastien Bach. A Nuremberg où il est né, Pachelbel reçoit son apprentissage musical au sein du Gymnasium poeticum de Regensburg. Disciple de Krentz, il ne tarde pas se rendre à Vienne pour y rencontrer le « maître » d’alors, Caspar Kerll, organiste de la Cathédrale Saint-Etienne. Kerll a suivi le style romain, appris auprès de Carissimi et de Frescobaldi. Pachelbel revient dans Thuringe natale en 1676, occupant plusieurs postes d’organiste dont en 1695, celui de la tribune de Saint-Sébald de Nuremberg. Mais avant Nuremberg, Pachelbel se fixe à Eisenach où il se lie d’amitié avec le père de Jean-Sébastien, Ambrosius Bach. D’ailleurs, Pachelbel devint le parrain de la soeur aînée de J.-S., Johanna Juditha. Ainsi pouvons-nous déduire en toute vraisemblance que le jeune Jean-Sébastien reçoit les rudiments d’une solide formation musicale dans le giron paternel où la place de Pachelbel qui lui apporte via Vienne et son apprentissage auprès de Kerll, la transmission de la musique romaine, dont en particulier, la connaissance des Fiori musicali de Frescobaldi, se précise. Organiste, Pachelbel fusionne style luthérien et suavité romaine. Le choix de Jean Tubéry s’est resserré sur la musique vocale sacrée, au travers de deux motets et de trois cantates. Voilà ce bain musical dans lequel le jeune Jean-Sébastien trouvera des repères, structurant toute sa pensée à venir. Avec un soin des résonances, de la couleur, des associations de timbres, Tubéry et ses effectifs visiblement galvanisés emportent l’énergie exclamative et fervente des motets et des cantates. Le fait d’y avoir associé, toccata et partita à l’orgue (David van Bouwel), intensifie la vitalité du témoignage d’église. C’est un Pachelbel capable d’une grande diversité d’effets et d’accents recueillis qui est ainsi dévoilé. Le document est splendide. (Johann Pachelbel: Motets et Cantates. Solistes, Choeur de chambre de Namur, Les Agréments, direction: Jean Tubéry. Enregistré en octobre 2006. 1 cd Ricercar RIC 255)

Crédit photographique
Jean Tubéry © Philippe Matsas

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