POITIERS, TAP – BACH & fils par Jean Rondeau, le 21 mars 2017, 20h30. Toujours la coiffe hirsute et le jean dĂ©contractĂ©, le claveciniste Jean Rondeau sâentoure dâune phalange de musiciens complices dans une Ă©vocation de la dynastie Bach, – programme familial et collectif, musicalement trĂšs unitaire et stylistiquement cohĂ©rent, dĂ©jĂ sujet dâune parution discographique. Le claveciniste rĂ©alise le relief expressif de plusieurs Concertos pour clavecin et cordes, avec la connivence de certains instrumentistes dĂ©jĂ familiers, dont le violoniste Louis Creacâh, – dĂ©jĂ repĂ©rĂ© par classiquenews comme ex apprenti acadĂ©micien du JOA Jeune Orchestre de lâAbbaye, ou participant aussi Ă certains projets dâAmarillis (Stabat Mater de Pergolesi avec Sandra Yoncheva).
Ainsi paraissent les fils Bach (Wilhelm Friedemann, Carl Philipp Emanuel et Johann Christian) aux cĂŽtĂ©s du pĂšre Jean-SĂ©bastien. Le claveciniste barbu (christique ?) du Baroque actuel cultive une posture dĂ©calĂ©e qui sâentend Ă rĂ©gĂ©nĂ©rer (dynamiser ?) lâinterprĂ©tation contemporaine du Baroque, ici germanique. Depuis son clavecin axial, dĂ©fricheur, relecteur, porteur dâune vision dĂ©sormais dĂ©poussiĂ©rante des oeuvres choisies.
Classiquenews avait suivi la rĂ©sidence de Jean Rondeau, – entourĂ© dâun autre collectif (Nevermind) Ă Saintes (Abbaye aux dames, la citĂ© musicale / VOIR notre reportage vidĂ©o Jean Rondeau et Nevermind Ă Saintes / fĂ©vrier 2016), dans Telemann et Bach (entre autres). Ici, le style direct, franc, expressif, « rock », revisite le genre du Concerto instrumental, entendu comme un drame sans paroles, vĂ©ritable conversation Ă plusieurs protagonistes ; il sied Ă la vivacitĂ© des Bach fils, en particulier Wilhelm F. et CPE – illustres reprĂ©sentants du style galant Empfindsamkeit, nĂ©o classique – collectionneurs inspirĂ©s en contrastes et acuitĂ© rythmique ; mĂȘme aspĂ©ritĂ© mordante, vivaces dans les Bach pĂšre, comme juvĂ©nilisĂ©s avec une ardeur verte et trĂšs prĂ©sente : Concertos pour clavecin BWV 1052 et 1056. Du creuset paternel, antre magicien dâune invention jamais Ă©puisĂ©e, les fils, en apprentis sorciers inspirĂ©s, dignes hĂ©ritiers du modĂšle-mentor, osent toutes les audaces⊠Ils poursuivent le geste libre, inventif, neuf, moderne du modĂšle paternel. Dont se saisit comme un flambeau Ă©lectrisant, les jeunes interprĂštes de ce concert; Et si la dynastie Bach Ă©tait surtout une gĂ©nĂ©alogie de tempĂ©raments expĂ©rimentateurs ?
Le concert prĂ©sentĂ© Ă Poitiers fait suite au premier volet Bach, dĂ©diĂ© prĂ©cĂ©demment aux ancĂȘtres de Bach (dĂ©cidĂ©ment la dynastie Bach est une colonie impressionnante de talents dont la gĂ©nĂ©alogie explique le plus grand dâentre tous, Jean-SĂ©bastien).
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Les Concertos de Bach pĂšre et fils
TAP, POITIERS, mardi 21 mars 2017, 20h30
Johann Sebastian Bach
Concerto pour clavecin n°1 en ré mineur BWV 1052,
Concerto pour clavecin n°5 en fa mineur BWV 1056
Wilhelm Friedemann Bach
Concerto pour clavecin en fa mineur
Carl Philipp Emanuel Bach
Concerto pour clavecin en ré mineur
Jean Rondeau, clavecin
Sophie Gent, Louis Creac’h violons
Antoine Touche, violoncelle
EvolĂšne Kiener, basson
Thomas de Pierrefeu, contrebasse
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INFOS et RESERVATIONS
sur le site du TAP Théùtre Auditorium de POitiers, page dĂ©diĂ©e au Concert Jean RONDEAU + ensemble instrumental : Concertos de Bach et ses filsâŠ
http://www.tap-poitiers.com/jean-rondeau-1799
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CD à écouter :
CD, compte rendu critique. Vertigo. Rameau, Royer. Jean Rondeau, clavecin (1 cd Erato, mai 2015). Clavecin opĂ©ratique…. En fĂ©vrier 2016, ERATO publiait l’un des meilleurs disques rĂ©cents pour clavecin. Peut-ĂȘtre le premier indiscutable du jeune musicien français, ici particuliĂšrement serviteur de la musique qui l’inspire. Le texte du livret notice accompagnant ce produit conçu comme une pĂ©rĂ©grination intĂ©rieure et surtout personnelle donne la clĂ© du drame qui sây joue. Quelque part en zones dâillusions, câest Ă dire baroques, vers 1746⊠Jean Rondeau le claveciniste nous dit sâĂ©garer dans un fond de dĂ©cors dâopĂ©ra dont son clavecin (historique du ChĂąteau dâAssas) ressuscite le charme jamais terni de la danse, âacte des mĂ©tamorphosesâ (comme le prĂ©cise Paul ValĂ©ry, citĂ© dans la dite notice). Entre cauchemar (surgissement spectaculaire de Royer dans Vertigo justement) et rĂȘve (lâalanguissement si sensuel de Rameau ou le dernier renoncement du dernier morceau : LâAimable de Royer), lâinstrumentiste cisĂšle une sĂ©rie dâĂ©vocations, au relief dramatique multiple, contrastĂ©, parfois violent, parfois murmurĂ© qui sâefface. Rondeau ressuscite dans les textures rĂ©tablies et les accents sublimes des musiques dansantes ici sĂ©lectionnĂ©es, le profil des deux gĂ©nies nĂ©s pour lâopĂ©ra : Rameau (mort en 1764) et son âchallengerâ Pancrace Royer (1705-1755), Ă la carriĂšre fulgurante, et qui au moment du Dardanus de Rameau, livre son ZaĂŻde en 1739. Deux monstres absolus de la scĂšne dont il concentre et synthĂšse lâesprit du drame dans lâambitus de leur clavier ; car ils sont aussi excellents clavecinistes. Ainsi la boucle est refermĂ©e et le prĂ©texte lĂ©gitimĂ©. Comment se comporte le clavier Ă©prouvĂ© lorsquâil doit exprimer le souffle et lâampleur, la profondeur et le pathĂ©tique Ă lâopĂ©ra ? Comme il y aura grĂące Ă Liszt (tapageur), le piano orchestre, il y eut bien (mais oui), le clavecin opĂ©ra (contrastĂ© et toujours allusif). Les matelots et Tambourins de Royer valent bien Les Sauvages de Rameau, nĂ©s avant lâOpĂ©ra ballet que lâon connaĂźt, dĂšs les Nouvelles Suites de PiĂšces de Clavecin de 1728. DĂ©jĂ Rameau lyrique perçait sous le Rameau claveciniste. Une fusion des sensibilitĂ©s que le programme exprime avec justesse. EN LIRE +