lundi 28 avril 2025

Jean-Philippe Rameau, Zoroastre (1749/1756)

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Jean-Philippe Rameau
Zoroastre


1749-1756

Tragédie novatrice

Zoroastre est la cinquième des sept tragédies lyriques que Jean-Philippe Rameau (1683-1764) composa, après Samson (~ca1732, musique perdue),Hippolyte et Aricie (1733),Castor et Pollux (1737) et Dardanus (1739) et avant Linus (~ca1750) dont il ne nous reste de la musique qu’une partie de premier violon) et les Boréades (1763).

Créée le 5 décembre 1749, à l’Académie Royale de Musique à Paris, théâtre du Palais-Royal, l’ouvrage est conçu par un compositeur mûr, âgé de 66 ans. Rameau y renoue avec un genre laissé pendant dix ans au profit de remaniements d’œuvres précédentes (ballets et divertissements destinés à la Cour de Versailles, celle de Louis XV) dont Platée (1745) est l’oeuvre majeure.
Pierre Jélyotte, ténor haute-contre, chante Zoroastre, et sa partenaire Marie Fel, y était Amélite, aux côtés de Claude Chassé (Abramane), Marie-Jeanne Chevalier (Erenice). Les témoins louent le luxe de la mise en scène, des décors et des machineries, célébrés pour leur magnificence et leur éclat « qui surpassaient tout ce qu’on avait jamais vu de plus beau sur ce théâtre depuis son établissement. L’architecture du cinquième acte représentait un temple superbe, dont les colonnes cannelées étaient d’or, et ornées d’une quantité d’escarboucles et de rubis, qui jetaient un éclat pareil à celui du feu le plus brillant et le plus vif  » déclare l’abbé Joseph de La Porte dans ses « anecdotes dramatiques », éditées à Paris, en 1775.
Rameau ose renouveler le cadre sacro-saint de la tragédie lullyste: pas de prologue mais une vaste ouverture, déconcertante par son expressivité et l’économie des moyens employés.

Economie et contrastes

L’auteur, en génie du théâtre alterne des tableaux très contrastés: gémissements des peuples soumis par Abramane au premier tableau, bonheur des peuples libérés par Zoroastre, ensuite. La force et la violence de l’agencement ont déconcerté les spectateurs. Le sujet est également sans équivalent avant lui: Rameau écarte la mythologie et le roman amoureux transmis par Le Tasse ou L’Arioste, comme le sujet contemporain que Campra sait inventer alors dans son Carnaval de Venise.
Pareil à l’Acte des Fleurs des Indes Galantes, Cahusac fournit à Rameau le sujet d’une Perse fantaisiste, un cadre exotique et orientalisant, propice à la divagation libre de son opéra philosophique. Combat des forces du Bien contre celles du Mal, Zoroastre pose d’emblée le contexte de deux systèmes politiques opposés. D’un côté, la loi d’Ariman, appliquée par son prètre Abramane; de l’autre, lumineuse, celle d’Oromases, défendue par Zoroastre. Les ténèbres/la lumière: Cahusac, secrétaire de la Grande Loge de France, imprima-t-il au sujet de Rameau, une coloration maçonnique?
Comment ne pas être frappés par une série de correspondances symboliques: telles les trois tierces ascendantes qui introduisent l’Acte II, (acte de Zoroastre), ne sont-elles pas les trois coups maçonniques à l’instar du début de l’ouverture qui déploie trois gammes par tierces descendantes ? Maçonniques ou non, les gammes saisissent l’auditeur: dans l’Ouverture, elles suscitent la terreur des ténèbres; dans le début de l’acte de Zoroastre, elles dévoilent la violence de la lumière.
Après ses 25 représentations, Zoroastre fut vite balayé par Le Carnaval du Parnasse de Mondonville présenté dans la même saison de l’Académie Royale, suscitant 42 représentations.

Temps forts

L’ouverture et le quatrième acte, acte de « magie noire » dont la musique est d’une force étrange, sont les moments clés de la partition. Dans l’acte IV, où danse et musique, action et chant sont magistralement fusionnés, Rameau conçoit avec Cahusac, le personnage troublant de la vengeance, attribué à une voix de taille (tessiture intermédiaire entre baryton et basse). Le compositeur se souvient-il de la Haine paraissant de Armide de Lully (III), ou du personnage d’Hécate dans Scylla et Glaucus (IV)?
Pour colorer ses choeurs, Rameau précise qu’il n’utilise que des voix masculines: haute-contres, tailles, basses).
Le chant déclamé et parlé reste le modèle de la prosodie ramélienne: «il faut que le chant imite la parole, de sorte qu’il semble qu’on parle au lieu de chanter » indique le compositeur.
Génie dramatique, Rameau soigne l’éclat instrumental de ses personnages: flûtes pour Amélite, bassons pour Abramane. Souvent les airs suivent le plan italien da capo ABA: Rameau subirait-il les effets de la Querelle des Bouffons de 1752? En particulier pour la reprise de l’opéra en 1756.
Les ballets sont particulièrement ouvragés: ils donnent une dimension complémentaire au drame, aux côtés du chant et de la musique. Ceux de Zoroastre confirme la règle explicités dans son Traité de l’harmonie: « la mélodie provient de l’harmonie et non l’inverse ».

Version de 1756

Rameau modifie, améliore son plan esthétique lors des reprises (huit représentations) de 1756. Il avait fait de même pour Hippolyte, Castor et Dardanus. Ainsi le 19 janvier 1756, Zoroastre II connaît un triomphe.
Les actes II, III et V sont fortement réécrits. Erenice prend plus d’importance. L’intrigue sentimentale égale le combat du Bien et du Mal. Assimilateur des courants du goût de son époque, témoin en particulier des succès de l’heure, tels le Carnaval de Venise ou le Tancrède de Campra, Rameau humanise voire anecdotise son sujet. L’oeuvre sera reprise à nouveau en janvier 1770.
La version de 1756, validée par l’auteur, semble aujourd’hui la meilleure, d’autant qu’elle est connue grâce à deux manuscrits complets.

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