mercredi 7 mai 2025

Janacek: Katia Kabanova (Mattila, Belohlavek, 2008)

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Madrid, Teatro Real, décembre 2008. Robet Carsen met en scène Karita Mattila dans l’un des rôles de sa carrière: l’identification de la soprano au personnage d’une héroïne, rurale déchirante par sa force morale, de plus en plus en décalage avec son milieu dont sa liberté dénonce l’archaïsme destructeur, s’avère exemplaire.Le metteur en scène canadien signe quant à lui l’une de ses réalisations les plus saisissantes: il crée des images puissantes comme l’image démultipliée au début de l’action, d’une Katia au bord du suicide, à la fois Ophélie au bord de l’eau et figure tendre et bouleversante d’une femme qui se bat (et de débat) jusqu’au bout du possible. D’ailleurs toute la mise en scène se développe sur l’eau (la Volga), les personnages se déplaçant sur des radeaux de fortune, à l’équilibre instable, miroir d’une société destinée à sombrer.
Ces jeunes femmes qui se jettent dans l’eau, tout en déplaçant les éléments de bois où courent et se déplacent ensuite les personnages, reviennent de façon cyclique: elles rythment ainsi ce qui pourraient être aussi le cauchemar de Katia: l’espace de la scène est à la fois fermé et onirique. Juste vision qui exprime l’enfermement et l’horizon bouchée qui étouffent la pauvre Katia.


Déchirante Mattila

On comprend comment les rêves romantiques de Katia n’ont aucune place dans cette maisonnée écrasée par le pouvoir abusif de sa belle mère, la Kabanicha, vieille veuve, sèche et aride, jalouse et sadique vis à vis de la femme qui l’a détournée de son fils… trop faible et alcoolique Tichon.
De son côté, dans la fosse, Jiri Belohlavek nous conduit jusqu’aux rives de l’inconscient, exprimant tout ce qu’à de tendre et d’éperdue, de désespérée et de grandiose la partition d’un Janacek, épris et comme saisi par l’humanité de son héroïne.
Le spectacle est prenant, haletant, souvent subjuguant par la magie visuelle, épurée et poétique des tableaux. C’est un cri déchirant qui s’élève peu à peu, celui de la solitude de Katia: martyrisée, humilié par sa belle mère, abandonnée tout autant par un mari trop faible, amoureuse de Boris qui l’abandonne lui aussi… Karita Mattila éclaire avec une sensibilité lumineuse tout ce que la partition porte d’ivresse exaltée, de rêves cultivés, de désirs frustrés. Son jeu est juste et son chant d’une vérité à tirer des larmes. Les aigus sont colorés et couverts, l’intonation ciselée, d’une intensité radicale, irrésistible. Quelle chanteuse!
En parfaite accord avec l’orchestre, la cantatrice signe ici une prise de rôle historique: offrant la sincérité de son timbre angélique et charnel à la fois, au personnage si attachant de Katia. Soliste et orchestre composent un hymne passionnée à la nature et au cosmos, cette vision hors des hommes qui creuse à chaque mesure le décalage de la jeune femme et qui en fait un être cassé, inadapté au monde terrestre. Une soeur (aînée) de Lady Macbeth de Chostakovitch. Aucun des « seconds » rôles ne déméritent; et le geste du maestro vibre jusqu’à la conclusion tragique au diapason de cette sirène palpitante, déchirante d’humanité, si souveraine par son chant mesuré et naturel. Splendide production. Saluons particulièrement l’édition de ce dvd édité par Fra Musica, qui outre l’excellente réalisation de François Roussillon, accompagne le document vidéo d’un livret soigné et parfaitement documenté. Voici le dvd événement de novembre 2010.

Leos Janacek: Katia Kabanova, 1921. Karita Mattila (Katia), Oleg Bryjak (Dikoi), Miroslav Dvorsky (Boris), Dalia Schaechter (Kabanicha), Guy de Mey (Tikhon), Gordon Gietz (Koudriash), Natascha Petrinsky (Varvara), Marco Moncloa (Kouliguine), Itxaro Mentxaka (Glacha) & Maria José Suerez (Flekloucha). Coro y Orquesta del Teatro Real de Madrid. Jiří Bělohlávek, direction. Edition critique de Sir Charles Mackerras. Robert Carsen, mise en scène. Parution: 18 novembre 2010. 1 dvd Fra Musica.

1h48mn. Madrid, Teatro Real. Réalisation: François Roussillon. ISBN: 3 770002 00 3046

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