samedi 20 avril 2024

Jacques Fromental Halévy: Clari, 1828. Cecilia Bartoli Arte. Lundi 5 janvier 2009 à 22h30

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Jacques Fromental Halévy

Clari
, 1828

Arte

Lundi 5 janvier 2009 à 22h30

Opéra filmé à Zurich, Opernhaus, en mai 2008. Jacques Fromental Halévy (1799-1862) : Clari, opera semiseria en 3 actes sur un livret de Pietro Giannone. Mise en scène : Moshe Leiser & Patrice Caurier. Décors : Christian Fenouillat. Costumes : Agostino Cavalca. Lumières : Christophe Forey. Chorégraphie : Beate Vollack. Avec Cecilia Bartoli, Clari ; John Osborn, Il Duca ; Eva Liebau, Bettina/Adina ; Oliver Widmer, Germano/Il Conte ; Giuseppe Scorsin, Luca/Il Padre di Adina ; Carlos Chausson, Alberto ; Stefania Kaluza, Simonetta. Chœur de l’Opéra de Zurich (chef de chœur : Jurg Hämmerli), Orchestre « La Scintilla » de l’Opéra de Zurich, direction : Adam Fischer

Hommage à Malibran
Simultanément à une tournée de récitals (dont un concert à Paris, en mars 2008, pour commémorer le bicentenaire de la naissance de la diva romantique, née dans la Capitale française, le 24 mars 1808), un disque mémorable « Maria », et plus récemment, une nouvelle version (bien qu’originelle et historique) de La Sonnambula de Bellini (absolument éblouissante), Cecilia Bartoli a défendu une véritable vague de « recréations » en hommage à la diva qui l’a précédé, Maria Malibran, icône du beau chant romantique, et qui possédait comme elle, une tessiture de mezzo soprano étendue. Fidèle à son oeuvre défricheuse, Cecilia Bartoli porte à la scène une oeuvre oubliée, méconnue, où le Halévy d’avant La Juive (qui reste en 1835, son oeuvre maîtresse, composée pour l’Opéra de Paris), se prête avec maestrià au genre de la comédie vocale, avec cette Clari, créée sur la scène du Théâtre-Italien sur les grands boulevards à Paris, en décembre 1828. Chanteuse exceptionnelle grâce à un chant intense et expressif, la Malibran était aussi actrice et tragédienne.
Sur les traces de son modèle, Cecilia Bartoli, dans un décor propre aux années 1950, incarne la belle et jeune paysanne qui a quitté sa famille pour épouser un duc. Mais celui-ci prend des gants pour mieux intégrer sa promise au sein de la cour ducale: il organise une fête où une comédie rappelle à la jeune femme qu’elle a trahi ses proches pour fuir la misère. Elle s’enfuit. Le Duc comprenant qu’il tient plus que tout à Clari, la retrouve dans la maison de ses parents et l’épouse sans attente ni ménagements: il apporte richesse et fortune à sa belle famille et sauve définitivement Clari de la misère, délivrant la jeune femme des remords et de la culpabilité qui la faisaient souffrir.

Semi seria sentimental
Si l’histoire reste légère, voire un peu mince, les metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier dont nous avons pu voir une superbe Tosca pour Angers Nantes Opéra, tendue, électrique, terrifiante dans ses climats glaçants, et qui retrouvent Cecilia Bartoli à Zürich (après avori travaillé avec elle pour sa Cenerentola à Londres), s’amusent sur la scène suisse en accumulant les idées gags, aptes à transposer l’action de Clari dans notre quotidien (Clari aurait ainsi rencontré le Duc sur internet, lequel voyage en 4×4…)…
En 2008, Cecilia Bartoli, diva jusqu’aux bouts des ongles, nous offre donc 2 superbes projets musicaux iéndits: La Sonnambula version mezzo (au disque) et pour la scène, cette Clari, oubliée (donnée en moins de 10 représentations en 1828 et jamais plus reprise). La cantatrice se donne totalement à son rôle: se mettant en difficulté même sur le plan scénique. Vocalement, la mezzo soprano distille un bel canto riche en nuances et pianissimos ciselés, en acrobaties vocales qui fort heureusement demeurent toujours proche du texte. Subtile, juste, toujours expressive, ne servant le personnage que si cela sert à sa profondeur, Cecilia Bartoli est Clari: ardente amoureuse, palpitante et attendrie. En parfaite admiratrice de Maria Malibran, La Bartoli fait comme le fit le diva romantique adulée de Bellini et de Rossini: ajouter des airs suplémentaires comme la chanson du saule de l’Otello de Rossini, et aussi une cavatine extraite de La Tempête, autre ouvrage méconnu de Halévy (1799-1862).

Sur le plan musical, le compositeur élève de Cherubini, se montre redevable à l’opéra italien, en particulier aux comédies napolitaines (sinfonia d’ouverture, ensembles vocaux pour les fins d’actes, orage, coloratures époustouflantes pour le rôle-titre…). Rien ne manque à un ouvrage équilibré que n’aurait pas désavoué Rossini… D’ailleurs, la vision bariolée et délirante des metteurs en scène belges souligne le comique des situations, quitte à lisser les rôles plus dramatiques ou ambivalents. Les contrastes colorés s’enchaînent, forçant les traits d’une fable sociale tissés de chocs et de confrontations savoureuses: les appartements tic et toc, style kitsch et parvenu du Duc, l’hôpital qui recueille la pauvre héroïne défaite, la masion des parentes de Clari avec le cochon téléphage tenant compagnie à sa pauvre mère, le diaporama façon roman photo qui récapitule la vie et la carrière de cette Lolita romanticolanguissante…

Autour de la divina, tous les personnages préservent le même équilibre, entre justesse du jeu et expressivité. John Osborn (le Duc), Eva Liebau (Bettina), Carlos Chausson (Alberto impeccable et vivant) défendent avec coeur cette exhumation souvent drôle. Que Cecilia Bartoli hisse vers son meilleur grâce à la beauté investie de son chant souverain. Dans la fosse, le fidèle partenaire de la diva romaine, Adam Fischer sait obtenir le meilleur de l’orchestre de l’Opéra zurichois sur instruments anciens, la Scintilla: ce nom lui sied idéalement: couleurs mordantes, sens de l’action, profondeur et climats… rien ne manque à cette résurrection majeure.
Suite à sa diffusion sur Arte, l’opéra devrait être édité en dvd. Prochaine critique dans le mag dvd de classiquenews.com

Illustrations: Clari sur la scène de l’Opéra de Zürich en mai 2008 (DR)

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