Hindemith: Mathis der Maler, 1938. Olivier Py Paris, Opéra Bastille. Du 16 novembre au 6 décembre 2010

A ne pas rater
Paul Hindemith
1895-1963

Mathis der Maler, 1938
Mathis le Peintre

Opéra en 7 tableaux
Livret du compositeur


Paris, Opéra Bastille


Du 16 novembre au 6 décembre 2010

Christoph Eschenbach, direction
Olivier Py, mise en scène
Matthias Goerne, Mathis

Diffusion France Musique, le 11 décembre 2010 à 19h

Paul Hindemith revient à Bastille. Après Cardillac, l’Opéra parisien présente la « grandiose évocation par Hindemith de Matthias Grünewald (1475-1528), l’auteur du spectaculaire Retable d’Issenheim »: Mathis der maler, nouvelle production mise en scène par Olivier Py, dirigée par Christoph Eschenbach, chanté par le baryton Matthias Goerne (rôle-titre). Le nouveau spectacle de l’OPéra Bastille ne manque pas d’atouts. La présence du metteur en scène Olivier Py, perfectionniste et esthétique, étant certainement l’argument le plus convaincant.
Mathis der Mahler achevé dès 1935, est créé le 28 mai 1938 à l’Opéra de Zürich.

Pour Hindemith, Mathis est un peintre touchant par son humanité et sa loyauté: il défend la comtesse malmenée par les paysans, tente de défendre la fragile équilibre entre les hommes, contre l’esprit de la guerre. Pris dans les tourmentes de son époque et témoin des grandes avancées se développant avec la Renaissance, Mathis le peintre détecte les ferments de la modernité en marche tout en résistant à son éclosion trop brutale: confronté à la barbarie et les guerres de religions, le peintre peut-il resté aveugle et sourd dans son art? Evidemment le parallèle entre les spasmes de l’Europe des années 1930 et la révolution de la Renaissance, entre Mathis le peintre et Hindemith le compositeur (qui sera d’ailleurs inquiété puis interdit par les nazis) est palpable. L’oeuvre picturale, de Grünewald profondément imprégnée de dévotion médiévale, explore sur le mode fantastique un nouveau monde expressif, à la fois poétique et mystique dont l’originalité frappe l’esprit. Partisan de la Réforme luthérienne, le peintre abandonnera toute activité artistique et mourra à Halle en bâtisseur de moulin! Passionnante évolution d’une vie pourtant dédiée à la création que la pression des événements contraint et conditionne.

Peindre Dieu, quitter le monde

Hindemith admire cet artiste happé par le destin et l’histoire qui cependant par son renoncement et malgré son désespoir, trouve un accomplissement serein, en toute conscience, en quittant ce monde dont il a su démasquer dérives et erreurs. L’opéra traite du rapport de l’artiste à son oeuvre, et bien sûr de l’artiste au monde. Seul, silencieux mais acteur de sa vie, Mathis incarne la résistance et la force de l’esprit face à la terreur et à la barbarie: le tableau 6 recueille tous les enjeux de son parcours: Hindemith y met en musique les différents volets du retable d’Issenheim peint par Matthias Grünwald. Inspiré par le concert des anges, le héros est ensuite la proie des forces du mal et des 7 tentateurs. C’est une traversée mystique et personnelle qui aboutit à l’accomplissement de son oeuvre comme peintre sacré, puis à son ultime renoncement au monde.
Pour imprimer à la partition sa vérité historique, Hindemith s’inspire des peintres de la Renaissance, tels Dürer ou Cranach pour le portrait du jeune mais trop fragile cardinal.. qui néanmoins se convertit la foi de Luther; même Ursula Riedinger, qui devient la compagne de Mathis pendant sa fuite et ses visions/épreuves du tableau 6, a toujours sa sépulture à l’Abbaye d’Aschaffenburg. La musique reprend les éléments de ce terreau nourricier profondément germanique: vieilles chansons populaires, chorals, chants grégoriens… En choisissant Mathis Gothart Grünewald comme l’emblème de ses propres difficultés, et du combat de l’artiste, Hindemith rend hommage au peintre de la Renaissance allemande, l’un des plus grands créateurs de la période. L’oeuvre est conçue comme un retable musical, en 7 tableaux:


Synopsis

1. Mathis travaille à une grande fresque au monastère des Antonins de Mayence: il accueille deux fugitifs engagés pour la cause des Paysans: Regina et son père, vindicatif et nerveux, Schwalb. Survient le cavalier Sylvester von Schaumberg qui dénonce la complicité du peintre: il devra justifier ses actes et la protection apportée aux fuyards devant le tribunal de Mayence présidé par le cardinal

2. Château de Martinsburg: à la cour où parait le jeune cardinal Albrecht, manipulé par le doyen du chapitre, Pommersfelden, Mathis retrouve Ursula, troublante beauté qui est la fille du riche bourgeois de Mayence, Riedinger. Les esprits s’échauffent: étudiants contre bourgeois, papistes contre luthériens. Le cardinal signe malgré lui un ordre d’autodafé ordonné par le légat de Rome, mais quand Sylvester dénonce le peintre et ordonne son arrestation, le cardinal prend la défense de son peintre

3. Chez le bourgeois Riedinger: proche de la cause luthérienne, Riedinger sensibilise sa fille Ursula sur les vertus du martyr et du don de soi: offrir âme et corps pour la foi… d’autant que Mathis qu’elle aime, lui annonce renoncer à leur amour pour le triomphe de la cause la plus juste…

4. A Königshofen, Mathis découvre la barbarie humaine en tentant de s’interposer entre les paysans et la comtesse Regina Helfesnstein (fugitive au I qu’il avait déjà aidée). L’artiste milite pour la paix et la réconciliation. Schwalb détourne les paysans des deux aristocrates en dirigeant les paysans contre l’armée du Sénéchal: les paysans sont mâtés et Schwalb, tué.

5. Mayence. Le jeune cardinal qui aime secrètement Ursula, se convertit au luthéranisme car la jeune fille qu’il croyait promise à son peintre, se montre ouverte à ses avances. Il renonce lui aussi au luxe de son état et épouse la cause de Luther.

6. Mathis et Regina sont en fuite: ils imaginent le concert des anges. Paul Hindemith convoquent pour nourrir leur vision, plusieurs évocations du retable d’Issenheim. Mathis devenu Antoine subit l’assaut des 7 tentations: luxure (la comtesse), le marchant (Pommersfelden), la mendiante, la séductrice, la martyre (Ursula), le savant (Capito), le chef de guerre (Schwalb) qu’accompagne le choeur des démons. Paul paraît (le cardinal) et met fin au supplice: il indique la voie de son salut: peindre pour la gloire de Dieu et de la nouvelle religion.

7. Mayence, dans l’atelier de Mathis. Ursula veille Regina mourante. Albrecht veut offrir une meilleure demeure à l’artiste qu’il admire. Mais Mathis ayant achevé son oeuvre, se destine au repli et à l’anéantissement: il s’efface du monde en partant seul après avoir renoncé à ce monde.


à lire
Livret intégral mais aussi analyse en profondeur et thématisée de l’opéra en 7 tableaux de Paul Hindemith (1895-1963), le nouveau numéro d’Avant Scène Opéra (n°258) profite de la création de Mathis le Peintre à Paris (Opéra Bastille à partir du 16 novembre 2010)
pour faire le point sur l’un des ouvrages du XXè les plus intéressants,
mettant en avant le rôle de l’artiste dans la société, la relation
difficile du créateur et de son art. Paul Hindemith: Mathis le Peintre. 144 pages. ISBN: 978 2 84385 277 0. 25 euros. Parution: octobre 2010. Editions Premières Loges, Avant Scène Opéra n°258. En lire +

Illustrations: Paul Hindemith, Retable d’Issenheim de Mathias Grünewald (DR)

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