Henry Purcell 1
2009 marque les 350 ans de la naissance du plus grand compositeur britannique de l’âge baroque, survenue à Westminster en 1659. Retour sur quelques aspects de son oeuvre et de sa vie. Voici le premier feuilleton de notre cycle Purcell 2009.
Des puritains aux derniers Stuart
Au sommet de sa carrière, en 1688, Purcell qui a 29 ans, vit dans un pays qui a choisi de revenir à une monarchie protestante de type constitutionnel. Ce retour à l’ordre royal fait suite à deux périodes , l’une tyrannique, l’autre abusive. Celle de la rigueur puritaine de 1649 à 1659, dominée par l’intraitable Olivier Cromwell; puis celle des 2 rois (derniers) Stuart, Charles II (couronné en avril 1661, élevé dans le raffinement français auprès de Louis XIV, puis auprès de son autre cousin, Guillaume d’Orange, aux Provinces-Unies) puis Jacques II en 1685, dont les excès ont fini par user la patience de la nation. Purcell naît dans un milieu familial déjà hautement musical, son père Henry I ainsi que son oncle, Thomas, choristes à la Chapelle Royale, sont estimés et reconnus à Westminster. Samuel Pepys, célèbre pour la rédaction de son journal à partir de 1650, qui renseigne sur la vie musicale à son époque, témoigne des talents des Purcell.
Avec l’avènement des Stuart sur le trône, les plaisirs du théâtre et de la musique peuvent enfin refaire surface. Les puritains avaient aboli toute représentation si elle n’était pas morale. La salle des masques de Whitehall est même détruite en 1645. Pourtant l’activité musicale des anglais, pendant la tyrannie puritaine n’avait pas cessé: elle s’était seulement déplacée de la sphère publique et urbaine, vers le foyer privé où règne le broken consort, ensemble de violes, avec luth et clavecin, à géométrie variable, selon le nombre de musiciens de la maisonnée.
Retour du théâtre et de la musique
Avec Charles II, souverain dans son palais de Whitehall, hédoniste et fastueux, qui aime le violon (création des 24 Violons du Roi à l’identique de ceux de son cousin Louis de France) et apprécie la danse à la française, William Davenant, inventeur de l’opéra anglais, peut embaucher des femmes sur la scène théâtrale. Purcell profite de ce retour en grâce du style lyrique et de l’avènement libre des cantatrices. C’est pour les deux théâtres de la Restauration, Frury Lane (fondé par Thomas Killigrew), et Lincoln’ Inn Fields (William Davenant) que le musicien destine ses futures oeuvres lyriques (semi opéras et musiques scéniques pour près de 40 pièces de théâtre!).
Choriste à la Chapelle Royale
Henry I et Thomas Purcell occupent des postes officiels à la Cour de Charles II. Henry I devient même maître des choeurs de la Chapelle de Westminster et gentleman de la Chapelle Royale en février 1661. Il faut recomposer les effectifs et recruter les 32 jeunes garçons de la Chapelle du Roi. Les enfants, sopranistes qui n’ont pas mué, sont au nombre de 12. De la nouvelle fournée de vocalistes de la monarchie anglaise, quand est couronné Charles II, devaient sortir du rang par leur talent, John Blow et Pelham Humfray, les futurs professeurs de Henry Purcell. D’ailleurs notre musicien, est lui aussi comme son père, un choriste de la Chapelle Royale. Leur parcours est lié au prestige de la couronne anglaise, celle des Stuart. En 1668, Blow devenait organiste à Westminster. Puis, 11 ans plus tard, en 1679, il laissa cette fonction à son élève immensément doué, Henry Purcell junior, pour occuper la fonction de maître du choeur des Enfants de la Chapelle Royale.
Poète des vanités et de la mort
Malgré les espoirs d’une vie florissante que souleva l’esprit du règne de Charles II, épris d’art et de fastes, la maisonnée des Purcell à Westminster (Great Almonry) vit en 1664, une perte terrible: la mort du père. Henry I s’éteint quand son fils n’a que 6 ans.
Londres subit ensuite la peste de 1665 (près de 100 000 victimes) puis le grand incendie de 1666 qui dévasta pendant 5 jours la Londres (de bois) construite par les Plantagenêt et les Tudor, mais éradiqua définitivement la peste. Le jeune adolescent fut marqué par ces épreuves. Est ce l’expérience de la perte et des souffrances (l’existence de Purcell est jalonnée de deuils et de morts) qui détermine chez lui, une sensibilité lacrymale ciselée qui culmine dans les épisodes de douleur angoissée et de renoncement déconcertant, démuni, obligé comme le lamento de Didon (chant d’une souveraine suicidaire) dans son opéra Didon & Enée (1684) en témoigne entre autres? Même à l’agonie, sur son lit de malade à l’automne 1695, le musicien saisit par la force poétique d’un texte qui devait s’inscrire dans une pièce légère (Don Quixote, mis en musique par Thomas Durfey), compose une déchirante prière (que devait chanter une adolescente de 14 ans dans la pièce): « Ah! Ah! ‘its in vain, ‘its in vain, Death and despair must end the fatal pain… » la justesse et la vérité de la musique composée par Purcell expriment très exactement sa fascination et son effroi de la mort. Le compositeur nous laisse ce testament artistique composé juste avant sa mort, survenu à 36 ans, le 21 novembre 1695.
Il appartient à Purcell d’avoir su comme aucun autre expliciter et articuler dans le respect des inflexions naturelles de la langue de Shakespeare, toutes les facettes de la passion humaine, faite de déchirements et de brûlures, de blessures et de larmes amères indicibles.
Illustrations: Henry Purcell © Alexandre Pham 2008 pour classiquenews.com, portrait (DR)