samedi 26 avril 2025

Hector Berlioz, Requiem (1835-1837)Mezzo, jusqu’au 25 août.

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Le Requiem porte la mémoire des célébrations collectives de
l’époque révolutionnaire et napoléonienne, ces grandes messes
populaires où le symbole côtoie la dévotion, réalisées par exemple par
Lesueur.
D’ailleurs, l’orchestre de Berlioz n’est pas différent par
son ampleur ni par le choix des intruments de celui de son
prédécesseur. Berlioz citait aussi pour indication de l’exécution de
son œuvre, le decorum des funérailles du Maréchal Lannes sous l’Empire.
Lorsqu’il entend le Requiem de Cherubini pour les funérailles
du Général Mortier, en 1835, il songe à ce qu’il pourrait écrire sur le
même thème… Sa partition ira « frapper à toutes les tombres illustres ». La commande officielle qu’il reçoit le plonge dans un état d’excitation intense : « cette
poésie de la Prose des morts m’avait enivré et exalté à tel point que
rien de lucide ne se présentait à mon esprit, ma tête bouillait,
j’avais des vertiges
», écrit-il encore.

Images terrifiantes
des croyants confrontés au spectacle de la faucheuse, le thème stimule
la pensée des compositeurs au tempérament dramatique, tel Berlioz,
comme Verdi plus tard. Aux murmures apeurés des hommes, correspond
l’appel terrifiant des cuivres et des percussions dont le fracas, donne
la mesure de ce qui est en jeu : le salut des âmes, la gloire des élus,
le paradis promis aux êtres méritants. Fidèle à la tradition musicale
sur un tel sujet, Berlioz insiste sur l’omnipotence d’un Dieu juste et
la misère des hommes qui implore sa miséricorde.
Or ici les flots apocalyptiques se déversent pour mieux poser l’ample déploration finale, qui fait du Requiem, un œuvre poignante par son appel au pardon, à la sérénité, à la résolution ultime de tout conflit.
Héritier des compositeurs qui l’ont précédé, Gossec, Méhul, Lesueur, Berlioz sait cependant se distinguer par « l’élévation constante et inouïe du style » selon le commentaire de Saint-Saëns.

Le Requiem, une célébration mondaine
Sur le simple plan visuel, la Grande messe des morts
est un spectacle impressionnant. Les effectifs de la création sont
vertigineux et donneront matière à l’image déformée d’un Berlioz
tonitruant, préférant le bruit au murmure. Pas moins de trois cents
exécutants, choristes et instrumentistes, avec à chaque extrémité de
l’espace où campent les exécutants, un groupe de cuivres. Si l’on
reconstitue aux côtés du massif des musiciens, les cierges placés par
centaines autour du catafalque, la fumée des encensoirs, la présence
des gardes nationaux scrupuleusement alignés, l’oeuvre était surtout
l’objet d’un spectacle grandiloquent et d’un ample déploiement
tragique. Car il s’agisait en définitive, moins d’une commémoration que
d’obsèques.
La renommée de Berlioz gagna beaucoup grâce à cet étalage visuel et humain qui était aussi un événement mondain : « Le
Paris de l’Opéra, des Italiens, des premières représentations, des
courses de chevaux, des bals de M. Dupin, des raouts de M. de
Rothschild
» s’était pressé là, comme le précise les rapporteurs de l’événement… pour voir et être vu, peut-être moins pour écouter, .
Quoiqu’il
en soit les mélomanes touchés par la grandeur de la musique sont
nombreux, de l’abbé Ancelin, curé des Invalides, au Duc d’Orléans, déjà
mécène du compositeur et qui le sera davantage. Berlioz put avoir la
fierté d’écrire à son père l’importance du succès remporté, « le plus grand et le plus difficile que j’ai encore jamais obtenu ».
Et l’on sait que Paris, son public gavé de spectacles et de concerts,
fut à l’endroit de Berlioz, d’une persistante dureté (que l’on pense
justement à l’accueil glacial et déconcerté réservé à la Damnation de Faust ou encore à Benvenuto Cellini).

Mezzo, Requiem de Berlioz à partir du 22 juin à 20h50
Rediffusions : les 24 à 13h45, puis le 29 juin à 2h50.
En juillet : les 5 juillet à 10h, puis le 12 à 15h45
En août : les 18 à 20h50, 19 à 13h45, le 25 août à 4h05.
(en août, le Requiem est suivi d’
Harold en Italie
par l’orchestre de Paris, dirigé par Christoph Eschenbach)

Notre avis : Le programme diffusé par Mezzo tient et du documentaire et de la captation continue. La caméra d’Andy Sommer ne laisse aucun temps mort, elle tourne autour des exécutants, capte les regards concentrés, se focalise sur un chanteur… Elle suit le cri des croyants, n’hésite pas, en plans rapprochés, à exprimer l’effort physique des interprètes, choristes et intrumentistes. L’intérêt du montage est de mêler commentaires du chef, Christophe Eschenbach, avant chaque partie, puis d’entendre un large extrait de la section présentée. Tumultes, déflagrations, stupeurs et imploration (le Sanctus interprété par le ténor Vinson Cole est plus que convaincant) expriment au plus proche de la volonté de Berlioz, l’angoisse face à la mort et le désir de paix. L’intérêt du documentaire est d’autant plus percutant que l’interprétation est des plus honnêtes.
(Grande Messe des Morts, H 75, 1837. Vinson Cole, ténor. Choeur de l’Armée Française, choeur de l’orchestre de Paris, Orchestre de Paris, direction : Christophe Eschenbach). 2002.

Illustration
Michel-Ange, le jugement dernier (Rome, Chapelle Sixtine)
A l’exclamation terrifiée des fidèles au moment du Jugement dernier correspond le déluge pictural qu’a peint Michel-Ange sur le mur de l’autel de la Chapelle Sixtine.

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