vendredi 19 avril 2024

Haendel, Hercules (1745)Mezzo, du 10 au 30 mars 2007

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Georg Friedrich Haendel
Hercules
, 1745

Le 10 mars 2007 à 20h45
Le 11 mars 2007 à 13h40
Le 20 mars 2007 à 15h45
Le 22 mars 2007 à 3h40
Le 30 mars 2007 à 15h45

Entre oratorio et opéra

L’opéra Hercules date de la période où Haendel a successivement dû abandonner les deux scènes pour lesquelles il s’entêtait à poursuivre son idéal musical fondé sur le modèle de l’opéra italien: L’Académie royale de musique, fermée en 1728, puis le King’s Theatre, en 1741. C’est un homme durement éprouvé qui néanmoins s’obstine habilement à suivre son « idée fixe »: maintenir coûte que coûte l’écriture dramatique, quitte à faire évoluer sa manière et le genre lyrique qu’il sert. Ses efforts le conduiront sous la pression de la concurrence et du goût du public, à passer de l’opéra italien mythologique et historique, à l’oratorio sacré anglais. Hercules appartient encore à l’opéra historique italien, mais la forme en langue anglaise, simplifie l’action tout en l’intensifiant. Exaltée, portée à incandescence, la psychologie des personnages est projetée au devant de la scène.

Vingt après Giulio Cesare, dix ans après Alcina, Haendel, âgé de près de soixante ans, poursuit son travail de dramaturge. A mesure que son style exalte l’expression des passions humaines, il semble se détacher du développement scénique, comme si trop de décorum gênait l’attention du spectateur, l’empêchant de se concentrer sur le chant et la musique. Il tend progressivement vers une épure théâtrale qui a valeur d’exemple, où le choeur tragique commente et oriente les auditeurs, où chaque soliste exacerbe isolément, un sentiment spécifique. Il s’agit souvent, plus de tableaux que d’action continue. Avec Haendel, la langue de Purcell ressuscite, elle retrouve un équilibre remarquable avec la musique. En 1745, à mi chemin entre l’opéra qui n’a plus l’attrait antérieur et l’oratorio, un genre qui a la faveur du public, surtout s’il est chanté en anglais, le compositeur écrit deux drames inspirés par l’histoire antique: Semele, puis Hercules, deux êtres qui se consument.

Déchéance du héros

L’incroyable intensité d’Hercules s’intéresse à la déchéance du héros. Le vainqueur et le conquérant ayant failli et trahi l’honneur de son prestige, après avoir massacré sa famille (son épouse Mégarée et leurs enfants), veut expier, accepte de perdre sa dignité d’essence divine, et de souffrir dans le corps d’un homme ordinaire, terrassé par la faiblesse et la colère: envie, désir, lâcheté. D’ailleurs, il devra quitter non sans souffrance, cette enveloppe et cette peau d’homme honteux, s’il veut rejoindre l’Olympe, la demeure des dieux. L’intrigue dépeint l’embrasement fatal qui s’empare de lui, jusqu’à son incinération en forme d’apothéose. Sur les cendres encore chaudes du feu libérateur, l’union de son fils Hyllus avec Iole peut enfin se réaliser, apportant une conclusion à peine consolatrice, après plusieurs heures de peine et de tension.

Hercules à l’Opéra de Paris
Dans la mise en scène de Luc Bondy, avec les décors d’une simplicité noble et austère de Richard Peduzzi, la tragédie terrifiante s’accomplit. Sur le sable, les êtres se déchirent et se dévorent. A chaque insulte ou à chaque accusation proférée, les victimes et leurs bourreaux impriment la terre, d’une meurtrissure nouvelle. En définitive, Hercules raconte le lot familier de l’espèce humaine, possédée par l’empire de l’instinct, sacrifiant la raison pour la jouissance: traîtrise, lamentations, folie, souffrances, agonie. Théâtre du désenchantement mais scène sublime des passions humaines. Le plateau vocal s’appuie sur des tempéraments complices: virilité qui se consume de William Shimell (Hercules), feu dévoré et délirant de Joyce DiDonato (Déjanire), tendresse stylée de Tobi Spence (Hyllus). Et dans la fosse, « Bill » fait ce qu’il accomplit de mieux: enflammer les cordes, gonfler les arabesques de la rage baroque. La caméra de Vincent Bataillon ne se contente pas de filmer: elle accompagne les protagonistes, les suit dans leur déplacement, prend parti et s’engage du côté d’un personnage ou de l’autre. Le montage et la diversité des plans compensent l’implacable dénuement de l’action. L’un des grands spectacles, denses et noirs de l’ère Mortier. La production, filmée à l’Opéra de Paris en 2004, a été publiée en dvd par l’éditeur Bel Air classiques.

Distribution
Opéra (2h50), réalisation : Vincent Bataillon. Avec William Shimell (Hercules), Joyce DiDonato (Dejanira), Toby Spence (Hyllus), Ingela Bohlin (Iole), Malena Ernman (Lichas), Simon Kirkbride (prêtre de Jupiter). L’Orchestre et le chœur des Arts Florissants sont dirigés par William Christie. Mise en scène : Luc Bondy, décors : Richard Peduzzi

Illustrations

Production Opéra de Paris (DR)
Apothéose d’Hercules (DR)

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