Georg Friedrich Haendel
Ariodante
Nouvelle production
Paris, TCE, du 14 au 22 mars 2007
Haendel ne cessa jamais de maintenir son idéal : implanter l’opéra italien à Londres. Directeur de théâtre, négociateur hors pair pour s’assurer les stars du chant à son époque (dont il Senesino, le castrat célèbre qui à défaut de Farinelli lui sera le plus fidèle), le compositeur émerveilla les londoniens par la magie, l’héroïsme, le pathétique et aussi le comique, magistralement mêlés par exemple dans Serse (1738). Ariodante appartient à la période où il doit intégrer les changements irréversibles du public, moins concerné par le moralisme des épopées en langue italienne, que les drames de langue anglaise, en particulier, le nouveau genre des oratorios. Si Haendel, dès l’été 1733, compose Esther, Deborah et Athalia, trois ouvrages sacrés, exaltant les vertus des Saints, le compositeur poursuit néanmoins sa propre définition de l’opéra seria, lequel reste pour lui, en dépit de tout, le genre noble par excellence.
Christophe Rousset s’attaque à l’un des derniers chefs-d’oeuvre du théâtre lyrique haendélien. Les chanteurs réunis autour du chef français sont prometteurs : en particulier, dans le rôle titre, Angelina Kirchschlager qui vient d’enregistrer un récital Haendel chez Sony Bmg : « Handel arias« . La mezzo autrichienne y interprète quatre airs d’Ariodante dont l’émouvant lamento tragique et suicidaire : « Scherza infida« , morceau anthologique pour tout mezzo actuel, désireux en près de neuf minutes, de démontrer la palette des affects les plus ténus.
La force des évocations chevaleresques, la gravité sombre et tragique du rôle-titre révèle le compositeur, expert depuis ses premières oeuvres italiennes, telle Agrippina (Venise, 1708), dans l’expression de la psychologie musicale des caractères. L’oeuvre approche le thème des illusions et de la fatalité apparente : tout détermine Ariodante à accepter le fatalisme d’un destin contraire (trahison de sa promise Ginevra), mais l’intuition individuelle défait la conspiration du visible.
Ariodante est un chevalier fidèle et loyal qui souffre et se tourmente sur sa condition d’homme et ses aspirations affectives. Haendel n’a jamais touché au plus près de la grandeur morale, des fragilités et des contradictions de la personne. Avec Ariodante, il agrège certes de nouveaux styles et les tendances du goût contemporain (ballet français par exemple), il crée surtout un nouveau type de héros. Dans le cadre des conventions scéniques, il laisse s’épanouir une nouvelle typologie d’individu : faillible, acceptant ses propres doutes, humain, profondément humain. Ariodante est une féerie médiévale où la folie menace l’équilibre mental des protagonistes. Psyché, action, esthétique, dramaturgie : l’opéra de 1735 est une oeuvre charnière dans la carrière lyrique de Haendel.
La discographie de l’oeuvre est dominée par l’interprétation qu’en donna Anne-Sofie Otter chez Archiv. Sur la scène parisienne, Rousset et ses Talens Lyriques, feront-ils tout aussi bien?
Ariodante
Opéra en trois actes
Livret de Antonio Salvi
D’après le Roland furieux de L’Arioste (1516)
Londres, Covent Garden, le 8 janvier 1735
Distribution
Angelika Kirchschlager, Ariodante
Vivica Genaux, Polinesso
Danielle De Niese, Ginevra
Sandrine Piau, Dalinda
Topi Lehtipuu, Lurcanio
Ildebrando D’Arcangelo, Il Re
Lukas Hemleb, mise en scène
Marc Audibet, costumes
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction
Mercredi 14 mars, 19h30, vendredi 16 mars, 19h30, dimanche 18 mars, 17h, mardi 20 mars, 19h30, jeudi 22 mars, 19h30
France Musique enregistre cet opéra. Spectacle chanté en italien, surtitré en français. Durée de l’ouvrage : environ 3h
Illustrations
Haendel (DR)
François Boucher, Renaud et Armide (DR)