jeudi 3 juillet 2025

Haendel: Agrippina. Bilan discographiqueFrance Musique, jardin des critiques, le 27 novembre 2011 à 14h

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Haendel
Agrippina, 1709

En 1709, Haendel achève son séjour italien: le jeune homme de 24 ans, est plus italien qu’aucun autre saxon: à Rome, Florence et surtout Venise, temple de l’art lyrique où Monteverdi a réinventé l’opéra un siècle auparavant, Haendel apprent et maîtrise la langue de l’opéra… Agrippina incarne sa maestrià…

Bilan discographique de l’opéra. Pour nous aucune version enregistrée n’égale la fièvre, l’économie, l’intensité dramatique et le feu vocal de la production enregistrée par John Eliot Gardiner chez Philips…



Haendel: Agrippina, 1709. Bilan discographique

France Musique, dimanche 27 novembre 2011 à 14h



A
partir de 1710, Haendel tente un pari fou: imposer à l’audience
londonienne, l’opéra italien. L’engouement pour le genre venu du
continent l’emporte totalement, lui insufflant même de sévères
faillites. Les chef d’oeuvres sont nombreux (Rinaldo, Giulio Cesare,
Ariodante, Alcina). Pourtant, le compositeur sévèrement concurrencé,
doit se renouveler. Mais tenace, Haendel, toujours en rapport avec la
dramaturgie musicale, réinvente un autre genre: l’oratorio.

L’enfant de Halle

Initié à l’orgue par Zachow à Halle, sa ville natale, le jeune
Haendel ne tarde pas à devenir son assistant organiste en 1697, à 12
ans.
Mais le jeune instrumentiste rejoint Hambourg en 1703 (18 ans)
où il fait partie de l’Orchestre de l’Opéra du Marché aux oies, alors
dirigé par Keiser. Dans la fosse, où il est violoniste puis
claveciniste, Haendel écoute, apprend, médite l’exemple des compositeurs
dont il joue les oeuvres. Très vite, il y présente ses premiers opéras:
Almira, Nero (1705), puis Florinda et Dafne.
Or point de salut ni
d’accomplissement d’un talent ambitieux sans l’apprentissage italien. En
1706, Haendel s’embarque pour la terre des Caccini, Monteverdi,
Cavalli, Cesti: les créateurs du genre opéra. D’ailleurs, l’opéra
italien est unanimement apprécié par toutes les cours d’Europe. En
connaisseur, le jeune homme se rend dans les deux foyers historiques de
l’Opéra italien. Il y laisse une oeuvre personnelle remarquable qui en
dit long malgré sa courte expérience, sur l’ambition qui l’anime et la
maîtrise déjà atteinte.

A Florence, le jeune musicien écrit Rodrigo
(1707); A Venise, Agrippina (1709), première oeuvre d’une étourdissante
maestrià.
A 24 ans, le jeune homme est plus italien qu’aucun autre
auteur lyrique. Sa langue est italienne. Et davantage que la perfection
de la musique, il a contracté le virus du drame.

De retour en
Allemagne en 1709, Haendel se fixe à Londres dès 1710. Le jeune homme de
25 ans s’apprête à acclimater l’opéra italien dans un pays qui
applaudit le genre du masque, idéalement perfectionné par Purcell, qui
plus est, en langue anglaise quand l’étranger Haendel souhaite monter
des productions dans la langue de Monteverdi. Son entreprise paraît
risquée voire déraisonnable. Comment imposer un genre de spectacle
auprès d’un public qui n’a jamais clairement manifesté son engouement?

Londres, 1711: Rinaldo

Rinaldo en 1711 est un coup d’éclat spectaculaire qui impose
immédiatement le musicien dans son pays d’adoption. Les productions
s’enchaînent avec plus ou moins de succès, d’autant plus difficiles ou
improbables après le triomphe de Rinaldo. Ainsi, Il Pastor Fido (1712),
Teseo (1713) d’après la tragédie lyrique en cinq actes de Lully et
Quinault; Silla (1713), Amadigi (1715) qui marque une écriture
renouvelée à l’échelle d’un orchestre de plus en plus participatif,
inventif, coloré.

1719, directeur du King’s theatre

Consécration: Haendel est nommé directeur musical de l’Académie
Royale de musique installée au King’s Theatre. Haendel dispose d’un lieu
flambant neuf qui vient d’être inauguré en 1720. Le compositeur recrute
les plus belles voix en vogue pour son Radamisto (1720). Suivent
plusieurs ouvrages moins spectaculaires: Muzio Scevola (1721) opéra
collectif composé avec Bononcini qui rejoint l’Académie Royale comme
membre permanent en 1720, et Amadei. Seul l’Acte III serait de Haendel;
Floridante (1721) dont on regrette l’incohérence du livret; Ottone
(1723), très classique voire conventionnel; Flavio (1723) au texte lui
aussi peu approfondi. Cependant, peu à peu, le génie de Haendel gagne
l’estime du milieu musical, l’admiration d’un public fidélisé mais
exigent. L’art et la maîtrise de Haendel se concentrent sur le
flamboiement de la musique qui tout en respectant la faveur générale
pour les acrobaties vocales distillées par castrats et prima donna, sait
ne pas céder à la tyrannie capricieuse des chanteurs, surtout si
l’action dramatique doit en pâtir.

Giulio Cesare, 1724

Haendel expérimente toujours. En cela, Giulio Cesare indique une
nouvelle direction pour le spectaculaire: orchestre de fosse étoffé, et
même orchestre sur scène. Tamerlano (1724) enchaîne les récitatifs
accompagnés, aboutissant à la fameuse scène du suicide, composée d’une
succession d’arias et de récitatifs. En maître de la tension et de la
progression dramatique, le feu d’un Haendel passionnel et palpitant,
s’impose indiscutablement. Rodelinda (1725) poursuit la veine
expressionniste.

Saison 1725/1726

Le King’s theatre est devenu une scène incontournable de la vie
musicale londonienne. Haendel a réussi son pari. D’autant que pour
animer les débats, voire le chahut dans la salle, le public aime
s’opposer, soutenant Bononcini contre Haendel, surtout, applaudir à tout
rompre, la soprano vedette Faustina Bordoni contre la Cuzzoni. Joutes
artistiques, clivages passionnés entre les partis d’un public conquis,
montrent la ferveur de l’opéra à l’époque de Haendel lequel est fait
citoyen anglais en février 1726.

Scipione (1726), Alessandro (1726)
qui fit chanter les deux sopranos rivales, Admeto (1727), Riccardo Primo
(1727), Siroe et Tolomeo (1728) prolongent le style de l’opéra seria
selon un système à présent fonctionnel. Malgré les succès remportés,
l’Académie Royale ferme ses portes en 1728.

La Seconde Académie Royale
Haendel
qui n’a jamais baissé les bras, poursuit l’aventure de l’opéra italien
avec l’impresario Heidegger. Les deux hommes produisent de nouveaux
spectacles au King’s theatre mais à leur compte. Le compositeur gagne
l’Italie pour recruter de nouveaux chanteurs. Lotario (1729) qui est un
échec amer; Partenope (1730) comprenant intrigue comique et évocation
spectaculaire d’une bataille; Poro (1731), Ezio (1732, plus faible),
Sosarme (1732, plus inventif), surtout Orlando (1733, l’année où Rameau
crée à Paris, son Hippolyte et Aricie), qui comprend la première mesure à
5/8, entre autres dans l’évocation de la folie du héros, imposent
davantage la maturation critique de Haendel sur l’ouvrage lyrique.

Partition personnelle: Ariodante et Alcina

Face à la rivalité d’un nouveau théâtre, the « Opera of the
Nobility », Heidegger rompt sa collaboration avec Haendel, lequel
s’obstine, loin du King’s theatre laissé à ses rivaux, sur la scène du
théâtre de Lincoln’s Inn fields. Hélas son Arianna (1734) ne parvient
pas à séduire le public.

Ariodante marque son grand retour, sur la
scène du Covent Garden en 1735, grâce entre autre au ballet d’influence
française qui lui permait de compter sur le talent de la danseuse étoile
Marie Sallé. Après Ariodante, Alcina, reproduit le même climat
d’enchantement hypnotique grâce à l’expression de la passion
parfaitement maîtrisée. Pourtant, ni Atalanta (1736), Arminio (1737),
Giutisnio (1737) ne parviennent pas à relever l’entreprise de Haendel.
Pire, les ouvrages montrent une inspiration qui tourne en rond. De même
pour Berenice, Faramondo (1738). Exception faite de Serse (1738)
admirable seria renouvelé sous les feux d’une veine comique inédite.
Imeneo (1740) puis Deidamia (1741) tentent de nouveaux registres
expressifs, à la marge du pur seria, « opérette », comédie ironique et
sentimentale, les partitions montrent l’ampleur d’un genre lyrique qui
dès lors, a épuisé ses ressources.

L’oratorio, genre de l’avenir

Haendel se tourne alors vers une autre forme théâtrale, non
scénique, l’oratorio. Ainsi paraissent, Samson (1743), Semele (1744),
Hercules (1745), surtout Jephtha (1752), composée à l’époque de la
Querelle des Bouffons à Paris. Haendel y montre tout l’éclat d’une
écriture revivifiée. L’absence d’un cadre scénique obligé, la mise à
distance des « stars » du chant, plus soucieux d’effets que de cohérence
scènique et de vedettariat, libèrent le compositeur des conventions
stérilisantes du genre seria. De fait, ses oratorios ont souvent plus de
puissance et de souffle que ses opéras antérieurs, grâce à
l’inspiration des airs, la conviction du choeur, le sens évocatoire du
récit dramatique. Le public ne s’y est pas trompé, qui immédiatement
acclame en Haendel, l’un de ses plus grands compositeurs.

Sur les
partitions de ses oratorios, Haendel a noté des remarques et effets
scéniques: preuve que dramaturge exigent, il n’a cessé de préserver
l’unité et la progression de l’action.

Illustrations
Haendel (DR)

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