Gustave Charpentier
Louise, 1900
France 3
Dimanche 2 novembre 2008 à 00h15
Reprise en guise d’ultime production lyrique de la saison 2007/2008, du roman musical « populaire » de Charpentier: Louise. La nouvelle distribution compte de réels arguments avec pour certaines dates (les 20 juin, puis 2, 5 et 8 juillet), Mireille Delunsch, dans le rôle-titre en remplacement de la star finlandaise Soile Isokoski (soprano lyrique née en 1957, initialement programmée). Davantage qu’un opéra décoratif, Louise est dans l’histoire de la scène lyrique française, un manifeste engagé, oeuvrant pour une esthétique populaire et même sociale. Le spectacle parisien, dans la mise en scène d’André Engel repose essentiellement sur la qualité dramatique des deux protagonistes, Louise (Mireille Delusnch) et surtout Paul Groves qui inarne un Julien, aredent et tendre à l’impeccable français. Soulignons aussi le Père chanté par José Van Dam…
Opéra naturaliste
Louise demeure la grande oeuvre de Charpentier, élève de Massenet, grand prix de Rome en 1887, à l’âge de 27 ans (grâce à sa cantate Didon). Proche du peuple et des petites gens, Charpentier poursuit l’oeuvre d’un Bizet en dépoussiérant tout ce dont souffrait l’opéra vieillissant. Il se concentre sur la dignité des humbles, le sublime chez les pauvres. En peintre et poète naturaliste, il donne sa version du drame symphonique, inspiré par Berlioz (Lelio), dans La vie du poète. Le génie musical confronté à la nature, à la société, choisit ici de s’engager humainement, socialement, politiquement. En 1902, Charpentier fonde le conservatoire Mimi Pinson où les élèves reçoivent une formation musicale gratuite.
Louise semble prolonger l’idéal réaliste et populaire de Zola. Créé sur la scène de l’Opéra-Comique le 2 février 1902, l’ouvrage suscita un vif débat: critiques et conservateurs furent choqués par l’obscénité et la vulgarité du sujet qui mettait en scène des personnages « interdits » jusqu’alors sur les planches lyriques: petites gens du pavé parisien, ouvriers et couturières, … Pire, Charpentier, fidèle à ses convictions socialistes voire anarchiques, souligne sans ambiguité, l’amour libre. Louise, dont la famille misérable mais travailleuse, donne un portrait des humbles soumis et honnêtes, se laisse attendrir et séduire par le Paris tentateur et bohème, celui de Montmartre, des insurgés de la Commune, des amoureux et des artistes. En elle, bat un coeur libre, émancipé, en particulier libéré de l’emprise et de la loi du père.
Ecrit comme une symphonie pour voix, sans air ni duo précisément délimité, l’opéra emprunte à Wagner, comme à Massenet dont la sensualité vibrante s’exprime ici dans le chant langoureux de l’héroïne qui s’ouvre à l’amour, avec une irrésistible innocence. Oeuvre moderne, assumée telle qu’elle par son auteur, Louise fut chantée par Mary Garden, la créatrice du rôle de Mélisande dans le Pelléas et Mélisande de Debussy (créé en 1902 à l’Opéra-Comique aussi) et fut adaptée au cinéma par Abel Ganz en 1939, dans une version qui n’a pas réussi à convaincre Charpentier.
Illustrations: Mireille Delunsch (DR)