Gounod, Charpentier, Enesco…
Un concours lyonnais de 2006 fut aussi l’occasion d’un colloque dédié à la discipline des épreuves: la mélodie accompagnée au piano. Les 8 contributions regroupées ici témoignent de l’activité d’une journée de travail dont l’aboutissement compose ainsi une « contribution à ‘histoire d’un genre entre poésie et musique ». Les démarches abordent la forme voix/piano de façon historique, esthétique, analytique, sociologique. Outre les notions d’écriture spécifique, de relation poésie/musique, les contributeurs savent aussi mettre en avant un pan oublié ou mésestimé de l’histoire musicale, en relation étroite avec la géographie du concours: de l’importante activité musicale à Lyon, entre conservatisme et avant-gardisme, comme l’attestent le corpus des mélodies avec piano laissé par le lyonnais Ennemond Trillat (1890-1980), ou encore les écrits et comptes rendus du critique lyonnais Emile Baux (qui fut aussi compositeur) et dont la prose précise l’activité de la société lyonnaise de la Belle Epoque (entre 1890 et 1910)…
Au coeur du sujet générique, la mélodie française, le lecteur aura bénéfice à lire les articles sur l’écriture de Charles Gounod (« Biondina de Gounod: quelle définition de la mélodie?« ), l’évolution du discours musical chez Gustave Charpentier, compositeur militant, social, engagé, véritable double de Zola et comme lui, acteur du mouvement naturaliste en art, au travers de ses mélodies.
Une mélodie doit sa réussite à cet accord ténu entre le verbe élu et la note qui s’inscrit telle une résonance fraternelle, en un écho dialogué: l’idéal fusionnel est ici analysé au travers du travail de Debussy et de Verlaine, dans les Ariettes oubliées: « deux univers sonores et poétiques en résonnance ». Et pour « constater » la disparité des approches et des sensibilités en réaction à un même poème, rien de plus éloquent que de comparer diverses mises en musique d’un même texte: ainsi « Recueillement » de Charles Baudelaire, mis en musique distinctement par Debussy, Vierne et Malmaison: « les entrelacs du lointain et du proche » (avec un tableau comparatif sur la structure générale des 3 mélodies composées, et les analyses paradigmatiques de leur partie vocale, particulièrement enrichissants).
Le chapitre consacré à la figure du poète René Chalupt (né à Paris en 1885) qui fut aussi l’élève de Ricardo Vines, comme celui sur les mélodies françaises d’Eugène Enesco (« une ars poetica », près d’une trentaine de mélodies), qui souligne aux côtés du violoniste prodigieux, le créateur non moins captivant, sont tout autant passionnants.
Le 3è Concours international de musique de chambre de Lyon, consacré au duo voix et piano dans le répertoire du lied et de la mélodie, s’est tenu à Lyon du 22 au 27 avril 2006. Parmi les 53 duos candidats, cinq ont été primés. Leurs biographies ainsi que celles des membres du jury sont présentées au début de l’ouvrage. Premier prix: Yumiko Tanimura (soprano, Japon) et Jonas Vitaud (piano, France).
Gérard Streletski: Aspects de la mélodie française. Editions Symétrie. 304 pages. Parution: décembre 2008. N°ISBN: 978-2-914373-26-5
Sommaire
Préface: David Pastor
Avant-propos: Gérard Streletski
1. Biondina de Gounod : quelle définition de la mélodie ?, par Isabelle Bretaudeau
2. Les mélodies de Gustave Charpentier : du lyrisme au naturalisme, par Françoise Andrieux
3. La rencontre esthétique Verlaine-Debussy dans les Ariettes oubliées : deux univers sonores et poétiques en résonance, par Denis Le Touzé
4. Recueillement de Baudelaire à Claude Debussy, Louis Vierne et Jean-Yves Malmasson, les entrelacs du lointain et du proche, par Muriel Joubert
5. René Chalupt et ses musiciens, par Guy Sacre
6. Les mélodies françaises d’Enesco : une ars poetica, par Anne Penesco
7. Un corpus lyonnais de mélodies avec piano : regards sur l’œuvre d’Ennemond Trillat, par Pierre Saby
8. Un tout petit monde : mélodies, mondanités et charité, quelques éléments de repérage des pratiques vocales du patriciat lyonnais à la Belle-Époque, par Georges Escoffier