Au Grand Théâtre de Genève, La Khovantchina de Modeste Moussorgski, un opéra au moins aussi saisissant que Boris Godounov et pourtant moins connu, clôt le cycle d’opéras russes mis en scène par le catalan Calixto Bieito. Après Guerre et Paix de Prokofiev (21/22) puis Lady Macbeth de Mtsensk de Chostakovitch (22/23), son imaginaire foisonnant et tourmenté s’empare de La Khovantchina. Laissé inachevé par Moussorgski, La Khovantchina (créée en 1886), qui aborde comme Boris Godounov, le vertige du pouvoir russe à travers une affaire de complot politique mené par le clan Khovansky, est terminé par Rimski-Korsakov. Genève présente la partition dans l’orchestration de Dmitri Chostakovitch, – en cela plus proche du langage âpre, expressionniste de Moussorgski, – mais avec le final d’Igor Stravinsky soit le tableau du suicide collectif ultime, porté dans les strates de la transcendance spirituelle.
La Khovantchina est restée très actuelle : trois tendances politico-sociales s’affrontent : le parti tourné vers l’Europe, inspiré par Pierre le Grand ; incarné par le prince Golyzin, éclairé et cultivé ; le conservatisme des boyards, qui entendent assurer leur pouvoir, représenté par Ivan Khovanski et ses redoutables régiments de streltsy ; et enfin les vieux-croyants, secte religieuse très populaire sectaire et conservatrice, prônant une Russie refermée sur elle-même et protégée de la décadence européenne, une force sociale tout à fait influente, menée par le prêtre Dossifej.
« Khovantchina » ou « affaire Khovansky » désigne d’ailleurs ici le complot fomenté par le boyard Khovanski et réprimé dans le sang par l’homme qui déterminera l’avenir de la Russie : Pierre le Grand. Outre sa lecture crue, violente, juste du pouvoir et des conflits politiques, l’opéra de Moussorgski fascine par ses couleurs mélodiques, sa construction dramatique, la force des tableaux collectifs qui n’écartent pas la très forte caractérisation des portraits de chaque protagoniste.
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Grand Théâtre Genève
Khovantchina de Modeste Moussorgski,
Mise en scène : Calixto Bieito / direction : Alejo Pérez
5 représentations – Nouvelle production
25, 28 mars, 1er et 3 avril 2025 – 19h
30 mars 2025 – 15h
RÉSERVEZ vos places directement sur le site du Grand Théâtre de Genève : https://www.gtg.ch/saison-24-25/khovantchina/
distribution
Au centre de la scène Marfa (Raehann Bryce-Davis, écoutée à Covent Garden en Amneris dans Aïda de Verdi) mais aussi deux grands interprètes slaves : Dmitri Ulyanov, dans le rôle du prince Ivan Khovanski (précédents Général Kouzoumov dans Guerre et Paix, et Boris dans Lady Macbeth de Mtsensk) – et le baryton Vladislav Sulimsky dans le rôle du boyard Chaklovity, (impressionnant Macbeth au Festival de Salzbourg en 2023). Sans omettre dans le rôle de Dossifei, le basse Taras Shtonda, qui endossait le rôle en 2024 à la Staatsoper de Berlin…
Khovantchina / Хованщина
Opéra de Modeste Moussorgski
Livret du compositeur
Version orchestrée de Dimitri Chostakovitch, finale de Igor Stravinsky
Créé le 21 février 1886 (version Nikolaï Rimski-Korsakov) à Saint-Pétersbourg
Dernière fois au Grand Théâtre de Genève en 1981-1982
Chanté en russe avec surtitres en français et anglais
Durée : approx. 4h15 avec deux entractes inclus*
Le Prince Ivan Khovanski : Dmitry Ulyanov
Le Prince Andreï Khovanski : Arnold Rutkowski
Le Prince Vassili Galitsine : Dmitry Golovnin
Dossifeï : Taras Shtonda
Marfa : Raehann Bryce-Davis
Le boyard Chaklovity : Vladislav Sulimsky
Emma : Ekaterina Bakanova
Scribe : Michael J. Scott
Susanna : Liene Kinča
Envoyé de Golitsyne / Streshnev, un jeune héraut : Rémi Garin
Kouzka : Emanuel Tomljenović
1 er Strelets : Vladimir Kazakov
2 e Strelets : Mark Kurmanbayev
Varsonofiev : Igor Gnidii …
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Maîtrise du Conservatoire populaire de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
Direction musicale : Alejo Pérez
Mise en scène : Calixto Bieito