Charles Gounod
Mireille, 1864
Dans le rôle-titre, la soprano albanaise Inva Mula, révélé par le Concours Operalia de Placido Domingo, dont le français pourtant n’est pas le point fort. .. Jeune femme douce mais déterminée, Mireille est un personnage trouble et fascinant qui comme Louise de Charpentier ou Rachel de La Juive de Halévy, « ose » ébranler la voix du père pour vivre telle qu’elle le désire. D’après le poème épique Mirèio de Frédéric Mistral, l’opéra de Gounod offre au compositeur, plusieurs épisodes climatiques où grâce à l’écriture instrumentale, le poète musicien, « impressionniste », qui a vécu sur le motif, les paysages de la Basse Provence (aux côtés de Mistral) offre l’un des portraits les plus inspirés de la Basse Provence: le val d’enfer, les eaux dormantes et inquiétantes sur le Rhône, surtout la longue errance « mystique » de Mireille au désert de la Crau … marquent définitivement l’opéra français le plus atmosphérique jamais écrit. La nouvelle production inaugurale permet de réviser notre connaissance de l’écriture de Gounod. Saluons France 3 de consacrer un prime time à la redécouverte de la partition.
Une oeuvre réhabilitée
Redonner la version enfin définitive de … 1939, celle défendue et rétablie par Reynaldo Hahn, visionnaire partisan de l’ouvrage, est l’événement de la scène parisienne en ce début de saison lyrique 2009-2010. La « maigre » intrigue de Mireille, fille du riche Ramon, éclate sous le feu mordant du soleil provençal (Basse Provence): la douce amoureuse se fait icône mystique, appelée à vivre l’extase spirituelle des ermites dans le désert; et sa traversée dans la plaine dévorée et brûlée par le soleil de la Crau, finit par l’élever en nouvelle martyr d’une foi méridionale que la musique de Gounod, seule, exprime jusqu’au sublime (d’où l’enthousiasme de Hahn). Il y a de l’universel et de la tendresse dans cette action qui se passe d’Arles jusqu’aux Sainte-Marie de la mer. Quiconque n’a pas éprouvé dans sa chair la morsure révélatrice de ce soleil-là (comme le poète Mistral dont est issu l’opéra; comme Gounod lui-même qui en 1863 compose in situ son nouvel ouvrage… à la façon des impressionnistes lorsqu’ils plantaient sur le motif leur chevalet et leurs couleurs…) ne peut mesurer le raffinement de l’orchestre « provençal » et méditerranée de Gounod, sa justesse, sa grandeur, sa vérité…
Autant de défis qui s’offrent en cette rentrée de toutes les promesses, aux spectateurs et aux interprètes de Garnier à partir du 14 septembre 2009: certes il y a bien la fameuse et populaire Farandole de la célébrisime Chanson de Magali, mais l’auditeur avisé saura se délecter des vraies trouvailles du livret, des perles non moins aussi fortes et suggestives de la partition enfin révélée (version en 5 actes): tableau de la Crau bien sûr, -déjà vériste?-, mélodie triste de Mireille (Heureux petit berger), accents hallucinée de la sorcière bienfaitrice Taven; nuages flottants et brumes fantastiques des scènes du Val d’enfer et des esprits sur le Rhône, où le rival de Vincent (l’aimé de Mireille), Ourrias, est définitivement maudit, en particulier sur les eaux du fleuve, devenu dans l’action, passage d’un monde à l’autre, véritable porte des enfers, où règne l’autorité définitive d’un passeur dantesque (Mistral s’est souvenu des Enfers de Dante en écrivant ce passage terrifiant). De son côté, la musique de Gounod est à la hauteur des sommets du texte. Production événement.
France 3
Lundi 14 septembre 2009 à 20h35
En direct du Palais Garnier (en léger différé)
Première de Mireille de Gounod
radio
Opéra diffusé en direct de l’Opéra Garnier
sur France Musique
samedi 26 septembre 2009 à partir de 19h30
Gounod: Mireille. Avec Inva Mula, soprano.

Illustrations: Inva Mula (DR), Inva Mula © D.Triquet France 3, 2009