TOURS, Opéra. GOUNOD : Philémon et Baucis. 16, 18, 20 février 2018. DEUX MORTELS CHEZ JUPITER… C’est assurément l’événement lyrique majeur de ce début d’année 2018 et le temps fort de l’année GOUNOD 2018 (Centenaire de la naissance 1818 – 2018). Comme porté par les succès récents de ses précédents ouvrages Le Médecin malgré lui et Faust, Charles Gounod devenu le nouveau génie de la scène romantique française se voit invité à écrire un nouvel opus d’après La Fontaine (lui-même inspiré d’Ovide) : cela sera un opéra comique, Philémon et Baucis. Commandé en 1859, la partition est en 2 actes.
Pour le rôle de Baucis, le compositeur a pensé à Caroline Miolan-Carvalho, – créatrice de sa Marguerite (Faust), et épouse du directeur de l’Opéra-Comique, Léon Carvalho (lequel pilote la création de Philémon au Théâtre-Lyrique.
Les librettistes Barbier et Carré reprennent quelques vers de La Fontaine, mais savent régénérer le sujet dans le sens d’un drame romantique, … faustéen même, car pour éprouver le couple des vieux sages Baucis et Philémon, ils inventent une jeunesse à l’épouse loyale et fidèle, originellement détentrice de la sagesse de Jupiter dont le couple est le protégé, et en font une coquette ardente et enivrée, d’une piquante légèreté (début du III). Baucis juvélinisée est séduite par Jupiter lui-même dans le palais où il a installé ceux qui ont su l’accueillir et le nourrir… Mais la fidélité amoureuse est la principale vertu de celle que l’on pensait plus légère. Et l’opéra est une œuvre éminemment morale.
Parmi les points forts de cette oeuvre profonde et touchante par sa sincérité : – elle n’a rien de léger et burlesque comme peut l’être Offenbach au même moment et dans le même registre (opéra mythologique), le duo « mozartien », Jupiter / Vulcain qui rappelle celui de Don Giovanni / Leporello ; chez Gounod, Jupiter chante un air à la pulsation mozartienne (quand au I, il invite Vulcain à changer de figure), et emprunte à Faust, la figure de Méphistophelès, à la fin du I toujours, quand il chante un très bel hymne à la nuit, afin que ses protégés accueillants, Philémon et Baucis, s’endorment… Saluons aussi l’Opéra de Tours et Benjamin Pionnier de nous proposer la partition dans son intégralité, avec le fameux acte II : acte choral où la révolte des Bacchantes permet à Gounod de réussir un numéro pour choeur époustouflant, au caractère révolutionnaire, d’un esprit séditieux, contestataire tout à fait surprenant de la part d’un compositeur que l’on dit sage, élégant, tranquille…
_____________________
TOURS, Opéra
Philémon & Baucis de Charles Gounod (1860)
3 représentations événements
Vendredi 16 février – 20h
Dimanche 18 février – 15h
Mardi 20 février – 20h
conférence sur l’ouvrage samedi 10 février 2018, 14h30
RESERVER ICI
http://www.operadetours.fr/philemon-baucis
Grand Théâtre de Tours
34 rue de la Scellerie
37000 Tours
02.47.60.20.00
Contactez-nous
Billetterie
Ouverture du mardi au samedi
10h30 à 13h00 / 14h00 à 17h45
02.47.60.20.20
[email protected]
Opéra-comique en trois actes
Livret de Jules Barbier et Michel Carré,
basé sur la fable éponyme de Jean de la Fontaine, d’après Ovide.
Créé le 18 février 1860 au Théâtre-Lyrique à Paris
Nouvelle production
Première représentation à l’Opéra de Tours
Direction musicale : Benjamin Pionnier
Mise en scène & lumières : Julien Ostini
Décors & costumes : Bruno de Lavenère
Baucis : Norma Nahoun
Philémon : Sébastien Droy
Jupiter : Alexandre Duhamel
Vulcain : Eric Martin-Bonnet
Une Bacchante : Marion Grange
Choeur de l’Opéra de Tours
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours
———————————
Synopsis
ACTE I. Un soir d’orage, les pauvres Philémon et Baucis accueillent dans leur hutte misérable deux mendiants fugitifs dont personne ne veut. Les mortels démunis observent le don d’hospitalité en acueillant le dieu qui en est l’initiateur, Jupiter et Vulcain.
ACTE II. Après une entrée en matière d’une rare sensualité suspendue (Nocturne), le choeur des Bacchantes se rebelle contre les dieux, en une séquence contestataire qui remet en cause l’autorité et tous les pouvoirs… Un épisode surprenant dans l’histoire de l’opéra et aussi dans la carrière lyrique de Gounod…
ACTE III. Pour les remercier d’avoir été charitables, Jupiter installe les deux humains redevenus jeunes dans un palais fastueux où Baucis se laisse séduire par Jupiter. Mais promettant au Dieu de se donner à lui s’il consent à exaucer un seul de ses voeux, Baucis lui demande de lui restituer ses cheveux gris, certaine qu’elle retrouvera ainsi le seul être qu’elle aime vraiment Philémon. Admirateur de cette constance, Jupiter laisse Baucis à Philémon, tout en leur laissant la jeunesse…
Musicalement Gounod sait revitaliser la couleur antique selon la sensibilité romantique pour le timbre et les nuances évocatrices (le triangle dès l’ouverture « attique », indiquant les clochettes des troupeaux et les cymbales grecques, comme le hautbois solo convoque l’esprit des bois primitifs…). A ceux qui l’ont trouvé souvent trop polissé, idéaliste, « classique », Gounod sait exploiter la veine populaire et volontiers « gaillarde » en particulier dans les couplets de Vulcain (« Au bruit des lourds marteaux d’airain »), personnage amer et laid (en mari trompé car sa femme Vénus aime Mars) qui contraste évidemment avec délice avec la noblesse de son patron, Jupiter. D’ailleurs ces deux là fonctionnent comme le duo palpitant, pimenté Don Giovanni / Leporello.
L’entracte et la prélude (Allegro moderato en sol mineur) qui amène au II, révèle ce sens de la couleur (harmonies subtiles) dont a le secret l’orchestrateur Gounod. Puis pour caractériser la Baucis, enivrée par sa propre jeunesse retrouvée, le compositeur n’hésite pas à citer l’esprit de Weber (Agathe dans Der Freischutz / ariette : « Philémon m’aimerait encore…) ; le duo qui suit entre les deux amants comblés par Jupiter (duo n°11 : « Philémon !) rappelle évidemment les plus duos de Romé et Juliette à venir, extase, tendresse, ivresse angélique qui affirme le génie amoureux et voluptueux de Gounod. Jamais en reste d’une culture lyrique savamment recyclée, Gounod cite encore Mozart dans le duo de séduction entre Jupiter et Baucis, à la façon de Don Giovanni / Zerlina : « Relevez-vous, andante non troppo, n°14).
D’une intelligence poétique qui sait régénérer l’enseignement de la fable baroque léguée par La Fontaine, Gounod se montre particulièrement inspiré à l’orchestre : rond, tendre, suave, raffiné. Berlioz qui s’apprête en 1860 (création de Pilémon au Théâtre-Lyrique) à composer Béatrice et Bénédicte, loue chez Gounod, la simplicité et la vérité de sa partition. Bien éloigné des brumes superfétatoires du Wagner de Lohengrin et Tannhäuser. Berlioz souligne la sensibilité de Gounod (regrettant a contrario des autres critiques précédemment explicitées, la rudesse archaïque et un peu vulgaire du personnage repoussoir de Vulcain, si éloigné de la tendresse élégiaque du couple amoureux ici sublimé).
+ d’infos sur le CENTENAIRE GOUNOD 1818 – 2018 :
http://www.classiquenews.com/anniversaires-2018-couperin-gounod-debussy-bernstein/