la tragédie lyrique, un genre très tendance
Gossec
Thésée, 1782
Liège, Philharmonie: le 11 novembre 2012 à 16h
Versailles, le 13 novembre 2013 à 20h
Les Agrémens
Guy Van Waas, direction
En quelques mois et surtout depuis cet été 2012, deux Centres de recherche français dédiés à la musique (Palazzetto Bru Zane et Centre de musique baroque de Versailles) retissent le fil de l’histoire d’un genre qu’on avait oublié (ou que l’on croyait connaître): la tragédie lyrique.
Les œuvres ressuscitées évoquent une période féconde pour l’opéra monarchique; les années 1780, néoclassiques, suivent le choc des ouvrages du chevalier Gluck (décennie précédente) ; après lui (Orphée, Iphigénie en Aulide, Armide…), les compositeurs n’écriront plus de la même façon; et l’attente du public saisi par le théâtre fulgurant, né-antique, du Germanique, espère un dramatisme intense sans dérapage vocal, aux côtés des ballets traditionnels, d’une écriture orchestrale de plus en plus raffinées, d’une vocalité qui prend en compte ce bel canto italien apprécié dans toutes les cours européennes depuis le XVIIè.
Tragédie lyrique, un genre très tendance !
Mais ce qui imprime à la scène française sa marque spécifique, c’est le goût du merveilleux (enchantement ou fantastique déjà préromantique); les ballets bien sûr, et ce goût pour le tragique; l’acuité dramatique et la recherche de livret percutant sont d’autant plus présents que beaucoup d’opéras sont de nouvelles mises en musique de textes littéraires écrits avec intelligence par les auteurs du Grand Siècle dont Philippe Quinault. Ainsi l’opéra du XVIIIè finissant doit sa régénération à la relecture des livrets du XVIIè: mouvement nostalgique d’une curiosité littéraire, qui permet un renouvellement notables des écritures et des formes théâtrales.
Le prochain événement de ce cycle de résurrection est Thésée de Gossec, à Liège (Salle Philharmonique) le 11 novembre puis Versailles (Opéra Royal) le 13 novembre 2012.
Déjà mise en musique par Lully (1675) puis Mondonville (1767), Thésée regorge de scènes et de tableaux propres à l’enchantement d’une tragédie lyrique dont la forme est héritée du XVIIè. Pour autant, fidèle à la sensibilité du XVIIIè, Gossec (portrait ci contre) fait évoluer le genre avec un sens personnel de la continuité dramatique: combats, processions religieuses, invocation infernale… tout œuvre à l’expression des passions: haine et tempérament de Médée dont les vertiges et la hargne vengeresse (à grands coups de trombone et timbales) n’useront pas le lien qui unit Thésée, pourtant éprouvé, à la jeune princesse qu’il aime (Eglée).
L’opéra de Gossec est créé en 1782 : il s’inscrit dans une succession de créations lyriques particulièrement marquées par la présence des compositeurs étrangers à la Cour de France, autant de manières et de regards distincts qui enrichissent considérablement l’évolution du genre tragique sous la règne de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Liste des opéras déjà ressuscitées grâce à l’oeuvre conjointe du Palazzetto Bru Zane et du Centre de musique baroque de Versailles:
le tragique des années 1780
Amadis de Jean Chrétien Bach, 1779
Atys de Piccinni, 1780
Andromaque de Grétry, 1780
Thésée de Gossec, 1782
Renaud de Sacchini, 1783
La Toison d’Or de Vogel, 1786
Chacun selon sa sensiblité se confronte au canevas très contraignant du vers classique français. Après Gluck, JC Bach puis Vogel passent rapidemment sur la scène française; c’est Sacchini, nouveau champion napolitain qui triomphe entre les Gluckistes et les Piccinnistes. Son Renaud confirme la force et l’éclectisme raffinée de son écriture, en particulier son traitement trouble et ambivalent, contradictoire et finalement tendre du personnage de Médée: à la fois guerrière haineuse et amoureuse défaite, d’une fragilité psychique pathétique… La Médée de Sacchini (portrait ci contre) par la richesse et la diversité de son profil émotionnel fixe un type féminin qui annonce les grandes héroïnes romantiques du siècle suivant; elle rejoint la violence de la Médée de Vogel (La Toison d’or, 1786) laquelle annonce directement celle de Cherubini (1797). Que dire alors de la Médée de Gossec de 1782 ? Réponse les 11 puis 13 novembre 2012.
En 1782, Gossec reprend le livret que Philippe Quinault avait rédigé pour Lully: sa coupe, son flux dramatique sont repris et mis au goût du jour par Etienne Morel de Chédeville.
regards sur l’oeuvre: Médée magicienne impuissante
Au début de l’opéra, Médée aide les Athéniens et leur roi Egée à vaincre les ennemis extérieurs; mais à la fin de l’action, c’est Minerve déesse protectrice de la ville qui au grand soulagement de tous, délivre la cité de l’enchanteresse Médée.
Entre temps, combien la magicienne par amour impossible s’est livrée en rage, haine, furie vengeresse… (fin de l’acte II), c’est tout cela que nous racontent la musique et le chant de Gossec, très inspiré alors (1782) par la lyre tragique française.
Au contact des mortels, la déité haineuse, qui vient de quitter malgré elle Jason et s’en venger en tuant ses enfants, s’éprend du jeune Thésée, le fils du roi Egé qu’elle devait épouser. Mais ces derniers aiment la même princesse, Eglé.
L’opéra se concentre donc sur la figure de Médée, impuissante face à l’amour, démunie, maudite, vouée à la barbarie inhumaine… l’acte III lui est totalement dévolu: ses enchantements infernaux torturent et tourmentent Eglée, accablent Thésée; si la déesse feint de protéger les amants sincères, c’est pour mieux s’en venger ensuite. Sa haine ne connaît pas de limites.
Au final, inspirée par l’amour pur qu’elle porte à Thésée, Eglé sauve son couple et défait les sortilèges de Médée. L’amour vainc tout, y compris les machinations de la haine et de la jalousie.
Thésée de Gossec, 1782
Virginie Pochon, Eglée
Jennifer Borghi, Médée
Frédéric Antoun, Thésée
Tassis Christoyamis, Egée
Katia Velletaz, Minerve
Mélodie Ruvio, Cléone
Chœur de chambre de Namur
Les Agrémens
Guy Van Waas, direction
Toutes
les modalités de réservation et les informations sur chaque programme
de la saison musicale 2012 du CMBV Centre de musique baroque de
Versailles sur le site du CMBV Centre de musique baroque de Versailles
(1783), ouvrage redoutablement ciselé qui confirme outre le gluckisme
pleinement assimilé du Napolitain, le triomphe des Italiens à Paris,
dans les années 1780… Clip vidéo exclusif (répétitions, Paris, le 11 octobre 2012)
la reine invite donc de nouveaux compositeurs, en particulier
étrangers, pour renouveler la musique des livrets de Quinault… car le
Grand Siècle et la Cour de Louis XIV, restent au XVIIIè, et quasiment
100 ans après, un âge d’or vénéré et les textes poétiques des opéras
saisissent toujours par leur force expressive. En 1780, après le choc
des oeuvres de Gluck, propre aux années 1770, le napolitain Niccolo
Piccinni compose une nouvelle musique sur le livret d’Atys qu’écrivit
originellement Quinault pour Lully en 1676.
…
Nuremberg, ressuscite son opéra créé à Paris en 1786, La Toison d’or. Vogel
y
concentre et renouvelle le modèle Gluckiste du grand opéra
mythologique et tragique convoquant sur la scène Jason et les
Argonautes, surtout la figure altière et haineuse, vengeresse et barbare
et pourtant si humaine de la magicienne Médée. (superbe engagement de la
mezzo française Marie Kalinine)… entre classicisme et
romantisme, l’ouvrage marque l’évolution de la lyre tragique et furieuse
à Paris, superbe héritage de la fulgurance gluckiste annonçant voire
surpassant la propre Médée de Cherubini (créée après l’opéra de
Vogel)… Clip vidéo exclusif (Nuremberg, le 26 juillet 2012)