samedi 20 avril 2024

Giaocchino Rossini: Ciro in Babilonia (1812). Jean-Claude Malgoire France Musique, Samedi 23 février 2008 à 19h

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Giacchino Rossini
Cyrus à Babylone
, 1812

France Musique
Samedi 23 février 2008 à 19h

Fascination des voix sombres

Sur un livret de Francesco Aventi, Ciro in Babilonia ossia la Caduta di Baldassare, créé à Ferrare le 14 mars 1812, démontre la maestrià brillante du jeune Rossini, âgé d’à peine 20 ans. L’oeuvre dans le sillon tracé par un Vivaldi transporté et inspiré par la voix de son égérie et de sa muse, la contralto Anna Giro, pour laquelle il écrivit parmi les plus beaux rôles de son oeuvre lyrique, démontre un phénomène identique chez le jeune Giacchino, hypnotisé par les ressources vocales de la contralto Maria Marcolini… C’est pour elle qu’il écrit le rôle titre de Ciro. Et la tessiture s’imposera encore à lui pour les rôles principaux de ses opéras à venir, l’Italienne à Alger ou Tancrède… Déjà se précise dans Ciro, le raffinement expressif de l’orchestre en rien accompagnateur passif, mais acteur musical dont les crescendos captivent l’attention de l’audience. Comme Vivaldi avant lui (décidément), Rossini double comme d’un concerto pour doubles instruments obligés, la voix, d’un timbre instrumental désormais emblématique du caractère et de la couleur du personnage ainsi « typé »: violon pour Amira; alto pour Argene, basson pour le choeur, ou encore cor pour Arbace. Les combinaison sont variées, le résultat orfèvré démontre la sensibilité d’un compositeur aussi soucieux des performances de ses solistes que des musiciens de l’orchestre pour porter et déculpler même le relief expressif de l’action. Quant à la verve et le talent mélodique du compositeur, Ciro est un réservoir désormais disponible où il puisera bon nombre de thèmes, développés dans ses opéras à venir, tels Le Siège de Corinthe, Moïse en Egypte…


Le Festin de Balthazar
Comme souvent, l’intrigue amoureuse nuance l’exposition d’une situation politique et martiale. A l’acte I, le roi de Babylone, Balthazar vainqueur de Cyrus, souverain de Perse, fête son triomphe: il a fait prisonnier la femme de son ennemi, la belle Amira à laquelle il fait une cour ardente car il veut l’épouser. Mais survient un ambassadeur de Perse qui n’est autre que Cyrus déguisé, lequel se dévoilant, est finalement emprisonné également par Balthazar. L’acte II permet au festin de Balthazar de déployer un luxe sacrilège: le vin qui est versé aux invités, est contenu dans les vases que Nabuchdonosor a dérobé au Temple de Jérusalem, lieu haï d’une nation scélérate. Un prodige divin surprend les convives: la main de Dieu paraît à Balthazar et inscrit sur le mur du palais, trois mots énigmatiques « Mané, Thécel, Pharès » que le prophète juif Daniel interprète comme les sanctions de Dieu contre les Babyloniens blasphémateurs: Balthazar sera tué, Babylone anéantie, le royaume décimé. Le père de Balthazar, Nabuchodonozor a déplacé plusieurs centaines de juifs jusqu’à Babylone, leur infligeant sévices et humiliations. Terrifié par la prédiction, Balthazar suit les indications des mages de Babylone: les trois mots sont ceux de Ciro, Amira et de leur fils qu’il faut tuer sans délai afin d’éradiquer la menace perse.
Mais, alors que Beltahazar après son festin pantagruélique, se repose et dort, grâce à la complicité d’Arbace, capitaine des armées de Balthazar (qui est d’origine perse et aime la suivante d’Amira, Argene), Ciro, Amira et leur fils parviennent à se libérer. L’armée perse envahit bientôt Babylone et tue Balthazar et sa famille. Ainsi se réalise la prédiction divine. L’honneur des juifs à Babylone est ainsi restauré.

Un Oratorio pour le temps de Carême

Le jeune Rossini a reçu la commande de Ciro in Babilonia du Teatro Communale de Ferrare, pour le temps de Carême: il lui est demandé ainsi de respecter les bienséances, et de mettre en scène une action biblique, tiré des Sainte Ecritures. Il s’agit pour le compositeur de rédiger un oratorio (dramma con cori per musica) dont la scène central à l’acte II, s’inspire du festin de Balthazar, issu du livre de Daniel, dans l’Ancien Testament. Le prophète qui réside à Babylone d’où il a été emmené de force par l’armée de Nabuchodonosor, fustige l’arrogance et la folie prétentieuse des puissants. Comme il a détrôné Nabuchodonosor pour orgueil, Dieu punit de la même façon et pour les mêmes causes, son fils, Balthazar. On sait qu’historiquement, c’est Cyrus qui devint maître de Babylone en 539 avant Jésus Christ, après avoir déposé sans livrer bataille, le roi Nabonide… Le philosophe athénien Xénophon raconte le premier l’exploit de Cyrus, après qu’Hérodote avant lui, fixe la réputation légendaire de Cyrus le Grand.

Aujourd’hui, Cyrus ne semble n’avoir jamais existé. Ce qui donne raison au jeune Rossini et à son librettiste, le dilettante Francesco Aventi. Leur liberté poétique, détournant et remodelant selon des impératifs dramaturgiques logiques, l’action biblique, s’en trouve légitimée. L’histoire d’un Belshazzar/Balthazar, « roi de babylone » dès l’origine, reste peu vraisemblable. Rossini de son côté a pris soin de bouscouler la soi disante légende historique,, en associant à la figure de Balthazar, les rôles autant héroïques que sentimentaux de Cyrus et de son épouse, Amira. Il s’agissait pour les auteurs italiens de créer des caractères envoûtants, chargés de sentiments et de passion. Or rien de plus exaltant qu’un amour conjugal éprouvé par la tyrannie… Quant à l’issue de cet oratorio moral, il suit la convention du seria: la fin fait tomber le tyran et récompense le couple des époux.

En rossinien inspiré et défricheur, le chef de l’atelier Lyrique de Tourcoing, Jean-Claude Malgoire, s’est très tôt intéressé à l’opéra méconnu de Rossini dont il assura la création française dès 1992.

Illustrations:
(1) Rembarandt van Rijn: Le festin de Belshazzar (DR)
(2) Jean-Claude Malgoire (DR)

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