George Balanchine: Joyaux (Jewels, 1967). Corps de ballet de l’Opéra de Paris Mezzo, du 6 janvier au 8 février 2008

A ne pas rater

George Balanchine (1904-1983)
Jewels (Joyaux), 1967


Mezzo
Le 6 janvier 2008 à 20h30
Le 28 janvier 2008 à 17h
Le 4 février 2008 à 10h
Le 8 février 2008 à 10h

Ballet. Corps du Ballet de l’opéra de Paris, 2005. Réalisation: Pierre Cavassilas. Orchestre de l’Opéra de Paris. Paul Connely, direction.

L’élégance Balanchine

Né en 1904, George Balanchine reste l’une des figures les plus novatrices de la danse du XXème siècle. Décédé en 1983, ce produit de l’école classique russe, ayant fait ses classes au conservatoire de Saint-Pétersbourg (cours de composition et de danse), fait déjà la une des magazines par son esprit visionnaire et moderniste, grâce aux soirées du jeune ballet, dès 1922. Trois ans plus tard, il quitte le sol natal pour l’Europe, en particulier pour la France, où devenu maître de ballet de Diaghilev, il se voit proposer un poste permanent à l’Opéra de Paris, alors théâtre privé, dirigé par Jacques Rouché. Mais son intégration sur la scène parisienne ne se fera pas à cause d’une maladie et c’est l’un des ses danseurs, Serge Lifar qui rayonnera sur l’institution parisienne… Fondateur de sa propre compagnie en 1933, Balanchine gagne les Etats-Unis et devient directeur-fondateur du New York City Ballet qu’il pilote jusqu’à sa mort. Balanchine outre une exigence technique phénoménale, entreprend la réforme en profondeur du vocabulaire classique, élargissant sensiblement le répertoire des pas et de la gestuelle, afin d’exprimer au plus près, l’activité rythmique de la musique.


Jewels
ou joyaux est un ballet créé en 1967 à New York, inspiré par les vitrines des joaillers de la Cinquième avenue, en particulier des modèles de la maison Van Cleef & Arpels. Composé en triptyque, la chorégraphie célèbre les trois écoles de danses et les 3 villes qui ont compté dans la carrière et l’expérience musicale du chorégraphe: Emeraudes (Paris, romantisme à la fois tendre et tragique de la grâce française, sur la musique de Fauré), Rubis (New York, vitalité rythmique et parodie jazzy à la façon des comédies musicales américaines sur la partition de Stravinsky), enfin Diamants (Saint-Pétersbourg, hymne à la tradition romantique russe, dans le sillon tracé par Marius Petipa). Balanchine rêvait de produire son ballet en sollicitant pour chaque partie, le corps de ballet des trois maisons d’opéra concernées. Lire aussi notre présentation du ballet Joyaux de Balanchine, lors de sa diffusion sur France 2 en décembre 2006.

Jewels à l’Opéra de Paris

Pas moins de 8 étoiles parisiennes pour faire étinceler le plus éclatant des ballets de Balanchine. L’ouvrage était d’autant plus célébré en 2007 qu’il s’agissait des 40 ans de sa création new yorkaise. Le Royal Ballet au Royal Opera House de Londres fut la seule maison européenne à marquer l’événement, en décembre 2007. A quelques mois de distance, Mezzo diffuse fort opportunément le ballet, entré en 2000 au répertoire du Palais Garnier, filmé ici en 2005, lors de sa reprise sur les planches parisiennes. L’ensemble des gestes et des tableaux ont été validés par le George Balanchine Trust, détenteur actuel du style Balanchine. La réussite est totale et demeure l’une des meilleures productions de la scène française.

1. Emeraudes

Dans les costumes de Christian Lacroix, en vert et blanc, le corps de ballet exprime cette distantiation un rien hiératique et comme suspendu des poses solistes et collectives. Balanchine se distingue par ce port élégant, cette gracilité nerveuse et esthétique qui labellisent chaque tableau. En témoigne en particulier le trio dont le port des mains, l’équilibre des silhouettes, puis le court solo de Matthieu Gano qui ouvre sur le collectif final, sont des manifestes du bon goût, de l’équilibre, miroirs d’une danse réflexive, cherchant toujours la ligne harmonieuse, la tension cursive… La musique de Gabriel Fauré (Pelléas et Mélisande, 1898, et Shyllock, 1889) ajoute cette grandeur tragique, cette douceur nostalgique qui devaient caractériser l’école française pour le génial chorégraphe russo-américain. Ici, la Suite pour orchestre de Pelléas est donnée dans l’orchestration de Fauré lui-même qui reprit celle initiale de Koechlin, son élève. La recréation musicale du climat symboliste de la pièce de Maeterlinck accentue ce caractère d’irréalité et d’onirisme extatique qui transparaît dans le travail de Balanchine. C’est ausi une gestique particulière qui soignant les contours et la ligne des corps s’apparente à la démarche des recréateurs de la danse baroque aujourd’hui…

2. Rubis

Climat à l’opposé du premier volet: voici la vitalité rythmique à son meilleur, d’autant plus rehaussée par la musique d’Igor Stravinsky (Cappricio pour piano et cordes, 1929), ivre et même frénétique, dont les citations jazzy semblent parodier les comédies musicales américaines (accents martelés et syncopés), tout en assurant une dramaturgie serrée et pétillante, continue. L’oeuvre mêle et le genre du Capriccio au sens de Praetorius et aussi Weber, alliance électrisante d’un compositeur éclectique, qui démontre une santé artistique stimulante. Les interprètes semblent électrisés par la fureur musicale de la partition. Le volet central de Joyaux est ainsi superbement porté par un duo d’étoiles mémorables: Aurélie Dupont et Marie-Agnès Gillot, dont chaque silhouette soulignée par le pourpoint rouge écarlate signé Lacroix, exprime la grâce nerveuse et précise de deux magiciennes du mouvement. Le couple formé par Aurélie Dupont et le premier danseur (depuis 2002), Alessio Carbone, visiblement amusé et piquant, donne le meilleur de la soirée. Dupont/Carbone, mais aussi Gillot et ses quatre boys composent une fête du rythme et de la pulsation: la minutie des gestes, la fluidité athlétique des corps créent d’un bout à l’autre de Rubis, un hymne enchanteur, par sa grâce et sa poésie. Inoubliable.

3. Diamants

Christian Lacroix a imaginé un rêve d’une blancheur de neige, constellé de gemmes étincellants: sur une toile bleu roi, sous une brûme de diamants, comme suspendus au-dessus de la scène, le corps de ballet de l’opéra de Ballet abat ses dernières cartes maîtresses: Agnès Letestu et Jean-Guillaume Bart. Exactitude et agilité, nervosité et élégance restituent dans les quatres derniers mouvements de la Symphonie n°3 en ré majeur opus 29 de Tchaïkovski qui phénomène inhabituel en comporte cinq, ce « rêve « russe d’un Balanchine, visiblement ému à l’évocation de la grande école russe de danse: les perspectives et alignements des ballerines en tutu blanc, à la façon du Lac des cygnes, le couple sacro-saint princier, irradiant dans sa blancheur immaculée, soulignent le classicisme des tableaux, et là aussi, l’excellence technique du Ballet de Paris. La troupe sait saisir chaque caractère de la partition composée rapidemment entre juin et août 1875: comme une Suite, Tchaïkovski y libère sa science de la facture, somptueuse, sur les rythmes favorables à la danse: valses ou polonaises… Une autre fête pour les yeux et un nouveau manifeste d’élégance et d’esthétisme.

Crédits photographiques
(1) Aurélie Dupont (DR)
(2) Emeraudes (DR)
(3) Kader Belarbi et Marieclaire Osta dans Emeraudes (DR)
(4) le premier danseur Alessio Carbone
(5) Marie-Agnès Gillot dans Rubis (DR)

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