Georg Friedrich Haendel
(1685-1759)
Les 250 ans de la mort
Poète du sentiment
Haendel vit une adolescence et un début de carrière époustouflant. Il sait adoucir en Saxon, la rigueur du trait luthérien par une connaissance précoce de la langueur et de la fluidité italiennes. Le séjour italien, Rome, Naples, Florence et Venise, entre 20 et 24 ans, se révèle décisif. Le musicien ne sera plus le même après avoir vécu sous la soleil de Méditerranée. A Londres, il offre après Purcell, les ouvrages qu’attendait le public local, suivant aussi ses préférences, en réussissant une reconversion dans l’oratorio sans sacrifier aucun de ses caractères les plus personnels.
Des sentiments exaltés jamais trahis

A contrario, le compositeur d’opéras et d’oratorios laisse une palette de portraits vocaux vertigineux. Observateur des passions humaines comme nul autre, Haendel exprime la vérité la plus intime des caractères. Avec lui, l’ambivalent, la contradiction, la double voire la triple nature des personnages paraissent sur la scène, enrichissant de façon inédite la couleur sentimentale et expressive des héros de la scène. Des individus se font jour (Rinaldo, Cleopatra, Agrippina…) avec leur doute, leur dérisoire grandeur… C’est peut-être pour cela que ses opéras demeurent depuis 30 ans, les plus joués dans les théâtres, devant Rameau et Vivaldi. Autres grands créateurs pour la pulsation du coeur humain.
En guise de solennité, Haendel déploie le plus intime des chants de l’âme: il dévoile plis et replis des intimités jusque là inexistantes avant lui, sauf dans l’opéra vénitien porté à son excellence par Monteverdi au siècle précédent (XVIIème). La lecture psychologique, et la cohérence des personnages d’une scène à l’autre, du début à la fin de l’action, sont désormais possibles. En vrai dramaturge, le compositeur sait préserver l’unité et la vraismeblance de ses partitions.
En outre, comme les vénitiens du XVIIème siècle, Haendel favorise le mélange des genres: sérieux, tragique, sentimental, comique, héroïque… une savante et palpitante alliance qui offre d’inépuisables possibilités expressives, dramatiques, musicales.
Jamais à court d’une idée et de ressource, Haendel après avoir échoué à imposer dans la durée l’opéra seria à Londres, sait se renouveler pour trouver dans le genre de l’oratorio, une profondeur et une sincérité singulières. Qui a mesuré exactement cet éloge de la lenteur méditative dans Theodora? Haendel peut nous surprendre: rentrer dans son univers poétique, c’est découvrir un monde où les sentiments sont exaltés jamais trahis. La justesse s’y accorde avec le souci de l’équilibre et de l’esthétisme.
Dates clés
1685
Naissance à Halle (23 février). Le 31 mars suivant naît Jean-Sébastien Bach
1705
A 20 ans, Haendel qui a commencé ses études musicales à l’orgue et au clavecin, crée son premier opéra Almira à l’opéra de Hambourg
1706
Séjour italien. Voyage décisif pour l’assimilation et l’épanouissement de son écriture propre
1708
Création de l’oratorio La Resurrezione le 8 avril au Palais Bonelli à Rome. En maître du stile drammatico, Haendel s’impose indiscutablement: il n’a que 23 ans.
1711
Haendel exporte l’opéra italien à Londres où est créé son premier opéra conçu pour l’audience locale, Rinaldo, (Queens’Theatre, le 24 février)
1717
Water Music pour une promenade royale sur la Tamise
1720-1727
La décennie glorieuse. Les années 1720, simultanément à l’oeuvre de Vivaldi, voit le triomphe du Saxon, exportateur génial de l’opéra seria italien à Londres: Radamisto, Floridante, Ottone, Flavio... Un sommet est atteint le 20 février 1724 au King’s Theater avec Giulio Cesare (grâce aussi au castrat favori du compositeur: Il Senesino, auquel les jaloux opposent Farinelli, lequel ne participera à aucune des troupe constituée par Haendel)
1727
Haendel compose l’hymne Zadok the Priest pour le couronnement de Georges II (le 11 juin).
1733
Rameau crée son premier opéra, Hippolyte et Aricie: scandale retentissant mais oeuvre majeure dans l’histoire de la tragédie lyrique. Haendel presque quinquagénaire a produit plus de 30 ouvrages lyriques.
1741
Mort de Vivaldi à Vienne, le 28 juillet à 63 ans.
1742
Avec Le Messie, créé à Dublin, Haendel poursuit son exploration dans le genre de l’oratorio. Jusqu’en 1750 (Jephta), le compositeur perfectionne son écriture et atteint des sommets d’inspiration dans le genre contemplatif et sacré.
1750
Décès de Jean-Sébastien Bach, le 28 juillet à Leipzig.
1752
Le goût parisien évolue. Le public applaudit La Serva Padrona de Pergolesi. Au decorum monarchiste qui exalte la grandeur morale des grands, les français préfèrent derrière Jean-Jacques Rousseau, les comédies italiennes légères, comiques voire parodiques, non sans saveur.
1759
Haendel meurt à Londres le 14 avril.
Illustrations: divers portraits de Haendel (DR)