dimanche 27 avril 2025

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) Portrait à l’occasion des 250 ans de sa mort

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Georg Friedrich Haendel
(1685-1759)
Les 250 ans de la mort


Poète du sentiment

Le compositeur officiel a laissé une réputation d’artiste solennel et artificiel, soucieux d’opulence et de faste; en lui, se préciserait le portrait d’un mondain courtisan, familier des princes et des têtes couronnés, arrogant, condescendant, soucieux de faveurs et de privilèges: en un mot « l’anti-Bach », son exact contemporain. Schématisation outrancière. En vérité, rien de tel en écoutant sa musique. Ses opéras, avant Mozart, après Monteverdi, dévoilent un connaisseur subtil du coeur humain et des passions émotionnelles. Haendel a réalisé le rêve de tout compositeur désireux de s’imposer sur les planches, y trouvant gloire, revers (combien de cabales et d’humiliations surmontées), identité (à croire que c’est dans le défi et l’adversité qu’il a montré sa mesure), cherchant et trouvant les solutions musicales et dramatiques dignes des sujets abordés, respectueuses de son exigence esthétique. Sans l’opéra, aurait-il réussi à se tailler un nom désormais mémorable? Certes non. Ses oratorios approfondissent encore son génie du sentiment en musique.

Haendel vit une adolescence et un début de carrière époustouflant. Il sait adoucir en Saxon, la rigueur du trait luthérien par une connaissance précoce de la langueur et de la fluidité italiennes. Le séjour italien, Rome, Naples, Florence et Venise, entre 20 et 24 ans, se révèle décisif. Le musicien ne sera plus le même après avoir vécu sous la soleil de Méditerranée. A Londres, il offre après Purcell, les ouvrages qu’attendait le public local, suivant aussi ses préférences, en réussissant une reconversion dans l’oratorio sans sacrifier aucun de ses caractères les plus personnels.


Des sentiments exaltés jamais trahis

Romain Rolland a laissé une biographie (1911) dépassée bien qu’argumentée et respectable par sa grande culture. Mais l’idée d’un Haendel, avide, ambitieux, garguantesque dérape souvent au risque de caricaturer la réalité de l’homme, de réduire la sensibilité de l’artiste.
A contrario, le compositeur d’opéras et d’oratorios laisse une palette de portraits vocaux vertigineux. Observateur des passions humaines comme nul autre, Haendel exprime la vérité la plus intime des caractères. Avec lui, l’ambivalent, la contradiction, la double voire la triple nature des personnages paraissent sur la scène, enrichissant de façon inédite la couleur sentimentale et expressive des héros de la scène. Des individus se font jour (Rinaldo, Cleopatra, Agrippina…) avec leur doute, leur dérisoire grandeur… C’est peut-être pour cela que ses opéras demeurent depuis 30 ans, les plus joués dans les théâtres, devant Rameau et Vivaldi. Autres grands créateurs pour la pulsation du coeur humain.

En guise de solennité, Haendel déploie le plus intime des chants de l’âme: il dévoile plis et replis des intimités jusque là inexistantes avant lui, sauf dans l’opéra vénitien porté à son excellence par Monteverdi au siècle précédent (XVIIème). La lecture psychologique, et la cohérence des personnages d’une scène à l’autre, du début à la fin de l’action, sont désormais possibles. En vrai dramaturge, le compositeur sait préserver l’unité et la vraismeblance de ses partitions.
En outre, comme les vénitiens du XVIIème siècle, Haendel favorise le mélange des genres: sérieux, tragique, sentimental, comique, héroïque… une savante et palpitante alliance qui offre d’inépuisables possibilités expressives, dramatiques, musicales.
Jamais à court d’une idée et de ressource, Haendel après avoir échoué à imposer dans la durée l’opéra seria à Londres, sait se renouveler pour trouver dans le genre de l’oratorio, une profondeur et une sincérité singulières. Qui a mesuré exactement cet éloge de la lenteur méditative dans Theodora? Haendel peut nous surprendre: rentrer dans son univers poétique, c’est découvrir un monde où les sentiments sont exaltés jamais trahis. La justesse s’y accorde avec le souci de l’équilibre et de l’esthétisme.


Dates clés



1685

Naissance à Halle (23 février). Le 31 mars suivant naît Jean-Sébastien Bach


1705

A 20 ans, Haendel qui a commencé ses études musicales à l’orgue et au clavecin, crée son premier opéra Almira à l’opéra de Hambourg


1706

Séjour italien. Voyage décisif pour l’assimilation et l’épanouissement de son écriture propre


1708

Création de l’oratorio La Resurrezione le 8 avril au Palais Bonelli à Rome. En maître du stile drammatico, Haendel s’impose indiscutablement: il n’a que 23 ans.


1711

Haendel exporte l’opéra italien à Londres où est créé son premier opéra conçu pour l’audience locale, Rinaldo, (Queens’Theatre, le 24 février)


1717

Water Music pour une promenade royale sur la Tamise


1720-1727

La décennie glorieuse. Les années 1720, simultanément à l’oeuvre de Vivaldi, voit le triomphe du Saxon, exportateur génial de l’opéra seria italien à Londres: Radamisto, Floridante, Ottone, Flavio... Un sommet est atteint le 20 février 1724 au King’s Theater avec Giulio Cesare (grâce aussi au castrat favori du compositeur: Il Senesino, auquel les jaloux opposent Farinelli, lequel ne participera à aucune des troupe constituée par Haendel)


1727

Haendel compose l’hymne Zadok the Priest pour le couronnement de Georges II (le 11 juin).


1733

Rameau crée son premier opéra, Hippolyte et Aricie: scandale retentissant mais oeuvre majeure dans l’histoire de la tragédie lyrique. Haendel presque quinquagénaire a produit plus de 30 ouvrages lyriques.


1741

Mort de Vivaldi à Vienne, le 28 juillet à 63 ans.


1742

Avec Le Messie, créé à Dublin, Haendel poursuit son exploration dans le genre de l’oratorio. Jusqu’en 1750 (Jephta), le compositeur perfectionne son écriture et atteint des sommets d’inspiration dans le genre contemplatif et sacré.


1750

Décès de Jean-Sébastien Bach, le 28 juillet à Leipzig.


1752

Le goût parisien évolue. Le public applaudit La Serva Padrona de Pergolesi. Au decorum monarchiste qui exalte la grandeur morale des grands, les français préfèrent derrière Jean-Jacques Rousseau, les comédies italiennes légères, comiques voire parodiques, non sans saveur.


1759

Haendel meurt à Londres le 14 avril.

Illustrations: divers portraits de Haendel (DR)

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