Francesco Cavalli,
L’Ormindo, 1644
Les Paladins,
Tournée en France
Du 9 mars au 15 mai 2007
L’opéra vénitien
Après la mort en 1643 de Claudio Monteverdi, son maître et le fondateur de l’opéra à Venise, Francesco Cavalli, -né Bruni à Crema en 1602-, qui portait le nom de son protecteur (Federigo Cavalli), devint de fait, le plus grand compositeur lyrique d’Europe.
Soprano dans le choeur de Saint-Marc, la chapelle musicale du Doge, alors dirigée par Monteverdi, le jeune Cavalli devint par la suite ténor, second puis premier organiste. Tout en poursuivant son activité pour l’église vénitienne, c’est surtout comme compositeur d’opéras, qu’il imposa son style, bénéficiant d’un renom inégalé alors. Il sera nommé Maître de chapelle de Saint-Marc, distinction enviable qui couronnait une carrière déjà longue et prestigieuse.
Compositeur attitré du Teatro San Cassiano, près de l’Accademia actuelle, Cavalli écrit un opéra chaque année jusqu’en 1646. L’Ormindo y est créé en 1644, poursuivant la perfection théâtrale désormais fixée par les opéras de Monteverdi, dont Le Couronnement de Poppée en 1642, est l’aboutissement. L’homme reste à Venise, jusqu’à ce que Mazarin, l’invite pour écrire en 1660, un opéra à l’occasion du mariage du jeune Louis XIV. Insigne honneur qui montre d’une part, la gloire attachée à son nom, et la volonté du Cardinal de sensibiliser le public et les élites françaises au raffinement de l’opéra italien. Le théâtre de Cavalli incarnait alors la perfection dans ce domaine. Or après son arrivée à Paris, Cavalli eut la déception d’assister aux funérailles de son protecteur. En place avant lui auprès du Souverain français, Lully oeuvra pour faire davantage applaudir les ballets qu’il composa pour l’Ercole Amante de Cavalli, que l’opéra italien lui-même. Dépité, Cavalli repartit définitivement à Venise. Et le voyage de gloire devint la source d’une amère désillusion. La France n’était pas prête à goûter l’élégance de l’opéra italien. Elle préférera rire des comédies-ballets de Molière et de Lully quelques années encore avant que plus de 10 années après, Lully, décidément indétrônable, ne crée pour le Roi Soleil, un opéra national, en langue française, digne de son renom, la tragédie lyrique, à Versailles en 1673, pour la Cour du Roi Soleil.
A Venise, Cavalli poursuit la composition d’opéras et aussi de musique religieuse dont un Requiem pour ses propres funérailles, lesquelles advinrent en janvier 1676.
L’oeuvre lyrique Cavalienne: la place de l’Ormindo
Entre 1636 et 1666, Cavalli compose pas moins de 40 opéras. Son activité redouble, jusqu’en 1651, où il compose jusqu’à quatre ouvrages pour cette seule année!
Pendant sa carrière au théâtre, Cavalli collabore avec plusieurs librettistes plus ou moins exigeants quant à la cohérence dramatique de l’action. Le musicien eut cependant la bonne intuition de travailler avec de grands poètes, tels Busenello (le librettiste de Monteverdi pour Poppée), Minato mais aussi, comme c’est le cas d’Ormindo, de Giovanni Faustini.
Cavalli, en mélodiste virtuose, s’ingénie à combiner récitatif et air, ciselés avec la même rigueur, conférant à la ligne vocale d’un personnage, une exceptionnelle fluidité, d’un épisode à l’autre, d’une forme à l’autre. Il se montre plus enclin à perfectionner l’art de la conversation musicale, du recitar cantando continu, plutôt que de satisfaire le goût du public croissant pour les vedettes et leur agilité technique. La performance contre la continuité de l’action dramatique. A ce jeu là, Cavalli dut s’incliner et constater peu à peu la faveur dont jouissait les acrobaties de l’air, mettant en avant le talent d’un artiste, sur toute autre considération dans l’écriture. Ainsi Naples et son école de chant allaient bientôt s’imposer partout, avec la « tyrannie » de la coupe asséchante: récitatif puis aria, en une mécanique aussi réglée qu’ennuyeuse et répétitive.
Cavalli incarne l’essor de l’opéra vénitien dans sa phase dernière, post montéverdienne, d’une grande liberté formelle mais respectueuse des intentions de l’action et flamboyante quant à la psychologie des personnages.
Le mariage du comique bouffon et du tragique, du langoureux sentimental et du picaresque réaliste voire cynique et même sarcastique, semble avoir été un point de réussite dans son oeuvre lyrique. En mêlant les registres, en aiguisant le relief des contrastes des situations et des personnes, Cavalli révèle son génie de dramaturge dont le théâtre de Mozart par exemple, est un écho fraternel. Les genres mêlés renforcent le caractère de vraisemblance. Après Cavalli, l’opéra italien ira en se systématisant, se cloisonnant, bridant l’inventivité des auteurs, imposant la séparation du buffa et du seria.
Une carte du tendre à l’orientale
L’action se passe en Afrique du Nord, dans un Orient proche, à Fès. Le Maroc offre un décor orientalisant qui sert de faire-valoir à la véritable évasion, celle qui fait voyager le spectateur dans le coeur des personnages. Deux princes, Ormindo et Amida aiment Erisbe, jeune épouse du vieux roi du Maroc, Ariadeno. Au travers d’une intrigue complexe qui fait intervenir la magie et les passions les plus extrêmes, Cavalli et Faustini peignent un tableau affûté de la nature humaine: ses défaillances, ses contradictions, sa fragilité irrépressible. Et même s’ils imaginent une fin heureuse (lieto finale), l’aventure n’est qu’un prétexte pour exprimer la tentation permanente des êtres, à tromper, à trahir, tout en affirmant la force de l’amour, incarné par le couple Erisbe/Ormindo.
L’opéra des métamorphoses
Chacun des personnages évolue, se transforme, selon le concept de métamorphose, propre à l’opéra baroque. La jeune Reine Erisbe change de caractère: de l’insouciance du début jusqu’à la femme passionnée prête à mourir pour son aimé, Ormindo, à la fin. Sur un autre registre, Sicle, Princesse d’Egypte est sombre et exaltée quand Amida qu’elle poursuit, se montre d’une nature secrète. Ici, en dehors des travestissements, la parole exprime la puissance du coeur et des intentions, masquée par l’obligation des apparences. Commençant comme une comédie légère, Ormindo se déroule ensuite en un chemin parsemé de découvertes et de surprises de plus en plus sombres: la joie du sentiment amoureux n’est jamais éloignée des épines de la désillusion, et l’exaltation n’empêche pas l’amertume la plus blessante. Ce parcours du désenchantement, chacun des personnages l’éprouve à sa mesure. Cavalli poursuit en cela l’oeuvre de Monteverdi, en particulier son cynisme à l’oeuvre dans Poppée. Ils ont élevés l’opéra italien, en particulier vénitien jusqu’à une profondeur poétique inégalée.
Raymond Leppard dans un enregistrement paru chez Decca avait montré la voie, en soulignant les vertus d’une partition aussi méconnue que géniale. En 2007, Les Paladins dirigés par le baryton Jérôme Corréas abordent l’oeuvre de Cavalli, au cours d’une tournée hexagonale, du 9 mars au 15 avril 2007. Après Ercole Amante interprété en 2006 par le Festival d’Ambronay dans le cadre de son Académie Européenne, nous voici aux origines de l’Opéra italien, à l’époque de ses manifestations premières, à Venise, sous la tutelle de Cavalli, l’un des disciples les plus doués de Monteverdi.
Francesco Cavalli (1602-1676)
L’Ormindo
Créé à Venise, au Carnaval 1644
Teatro San Cassiano
Livret de Giovanni Faustini
Ormindo: Thierry Grégoire, contre-ténor
Amida: Romain Champion, ténor
Nerillo: Arnaud Raffarin, contre-ténor
Sicle: Anne Rodier, soprano
Erice: Jean-François Lombard, ténor
Erisbe: Stéphanie Révidat, soprano
Mirinda: Patricia Gonzalez, soprano
Ariadeno: Jacques Bona, baryton-basse
Osman: Pierrick Boisseau, baryton
Les Paladins
direction: Jérôme Correas
mise en scène: Dan Jemmett
Agenda de la tournée
Les 9 et 10 mars 2007
Nanterre, maison de la musique. Création
Le 20 à Quimper
Le 24 à Maisons-Alfort (94)
Du 27 au 30 à Rennes
Le 5 avril à Orléans
Le 12 à Charleville-Mézières
Le 27 à Massy (91)
Du 3 au 5 mai, à Paris, théâtre Sylvia Monfort
Les 12 et 13 à Reims
Le 15 mai 2007 à Troyes
Toutes les infos sur le site de l’Arcal, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical, producteur du spectacle: www.arcal-lyrique.fr
Illustrations
Bernardo Strozzi, portrait de femme musicienne: Bernarda Strozzi (DR)
Simon Vouet, la reine Sophonisbe (DR)