Thomas Adès,
invité d’honneur
Vous ne connaissez pas ? C’est pourtant l’un des compositeurs contemporains les plus doués de sa génération. Né en 1971, pianiste et chef d’orchestre, le compositeur britannique a d’emblée suscité un enthousiasme unanime quant à son inspiration et son écriture, en particulier avec son opéra « La Tempête » d’après Shakespeare (créé à Londres au théâtre Almeida en 2000).
Le créateur a confirmé qu’il aimait provoquer pour faire réagir, en témoigne le personnage de la duchesse dans son opéra « Powder her face » (1995), une nymphomane, amatrice de fellation, qui ne se prive pas d’évoquer ses talents sur scène. Mais la liberté du ton est surtout défendue par un style original et convaincant. Lui-même élabore son langage à partir d’un imaginaire personnel qui emprunte à de nombreuses traditions antérieures, de toutes les époques : musique élizabéthaine, jazz et tango… mais il ne s’agit jamais de simples citations : la présence des formes préexistantes (Passacaille, sonates, scherzos, mélodies…) suscite un travail de reconstruction savante, pour une dramaturgie très efficace et redoutable sur le plan expressif. A cela se mêle une recherche attentive sur la texture, sur l’amplitude sonore (aigus éthérés et murmurés, graves profonds…), sur la multiplicité d’un discours pluriel qui se joue d’allusions et de références, suscitant une relation permanente avec le public qui est invité à reconnaître les clins d’oeil et nombreuses réminiscences, plus ou moins explicites qui lui sont offerts. Soulignons la permanente actualité Adès au théâtre, avec, après Présences 2007, la reprise de son opéra majeur « La tempête« , à Londres au mois de mars 2007 (Royal Opera House, Covent Garden, du 12 au 26 mars 2007).
L’homme cultive son mystère. Il sait être silencieux, refusant les entretiens. C’est certainement le propre des grands auteurs: prendre du recul sur le tempo infligé par les medias de plus en plus zappeurs. Outre ses coups de provocations, la musique d’Adès révèle une assimilation géniale des compositeurs anciens: Beethoven et Liszt, mais aussi Franck (dont il aimait, enfant, écouter en boucle la Symphonie en ré mineur) et Fauré. Le pianiste qui donne encore quelques concerts de musique de chambre, aime jouer Schubert, Strawinsly, Janacek avec une aisance maîtrisée, qui dévoile l’interprète intime et sensible. Depuis 1999, le compositeur dirige le Festival d’Aldeburgh, fondé par son compatriote Benjamin Britten, qui fut comme lui, compositeur et pianiste.
On peut donc se féliciter que le festival Présences 2007 consacre au musicien la majorité de sa 17 ème programmation. Un événement d’autant plus attendu que c’est la dernière année où les concerts auront lieu dans l’enceinte de la maison de Radio France puisqu’en 2008, le festival voyagera dans les capitales de province, le temps que soit réaménagé un nouvel auditorium ; 2007 sera aussi l’occasion d’accueillir la prestigieuse Philharmonie de Berlin qui sous la direction de Simon Rattle, un fervent défenseur de la musique d’Adès (spécialiste d’Asyla, depuis 1997) créera en France, sa nouvelle oeuvre symphonique, « Tevot », Salle Pleyel, le 5 mars 2007, (auparavant créée à Berlin, le 21 février 2007), sorte de conclusion magistrale aux concerts qui se seront déroulés du 9 février au 4 mars 2007, à la Maison de Radio France. Au cours de ce « festival Adès », « Violon concerto, Concentric Paths », « January Writ », « Brahms », « three premises are alarmed », « America (a prophecy) » seront joués en « création française ».
Fidèle à sa ligne artistique, Présences 2007 permettra aussi la création de nombreuses oeuvres d’autres compositeurs contemporains, souvent des commandes de la Maison ronde : « La plus forte » de Barry (9 février), « filigranes » de Fourgon (16 février), « Vague de pierre » de Pécou (17 février), « Partitas et quatuor » de Bancquart (2 mars), « concerto pour cor » de Decoust (4 mars 2007)… Un programme des plus alléchants pour les amateurs de musique contemporaine. Au total, 23 oeuvres du compositeur britannique seront jouées dont 7 en création française.
Festival Présences 2007. 4 week ends, du 9 février au 4 mars 2007, Maison de la Radio. Le 5 mars, salle Pleyel. Informations : www.concerts.radiofrance.fr
DVD
Powder her face : l’opéra créé à Londres en 1995, fait d’un sujet scabreux voire pornographique, une partition facétieuse et subtile, satirique mais surtout humaine. La Duchesse d’Argyll, qui a réellement existé, est une débauchée émouvante. La musique d’une inspiration virtuose, toujours juste, éblouit du début à la fin des 7 actes. La version filmée ici pour la télévision est particulièrement réussie. Sous la baguette du compositeur, chacun des accents dramatiques est rehaussé par la complicité de l’effectif instrumental. Bonus : un documentaire de 50 mn sur Thomas Adès. Version anglaise. Pas de traduction ni sous-titre en français. 1 dvd Digitalclassicsdvd.
Crédit photographique
Thomas Adès 2001 © Emi/D.Thompson