lundi 28 avril 2025

Festival Du Second Empire à la Troisième RépubliqueVenise. Palazzetto Bru Zane. Entretien avec Alexandre Dratwicki

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Festival
Du Second Empire
à la Troisième République
Palazzetto Bru Zane

Centre de musique romantique française
Du 12 avril au 5 juin 2011

Velléda, Didon… nouvelles figures du romantisme français? Sans omettre la Symphonie Romantique de… Joncières…. ou les Motets de Théodore Dubois… C’est désormais tout l’apport, entre autres révélations de ce cru 2011, du nouveau festival organisé à Venise par le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française à partir du 12 avril 2011 et jusqu’au 5 juin… Défricheur, explorateur, découvreur, le Centre poursuit ses investigations musicales révélant les sensibilités diverses des compositeurs français, du Second Empire à la IIIè République. L’éclectisme y défend sa prééminence, favorisant l’éclosion des personnalités, dans tous les genres. Car aux côtés de l’opéra florissant alors à Paris, se développent aussi les spécificités hexagonales sur le mode chambriste et symphonique. Le nouveau Festival annonce ainsi un cycle de découvertes incontournables. Entretien avec Alexandre Dratwicki, directeur scientifique du Palazzetto Bru Zane.

Vous intitulez votre prochain festival “Du Second Empire à la IIIè République”, quelles sont dans cette période les relations entre musiciens et pouvoir? Les régimes politiques concernés ont-ils été mélomanes, voire soucieux d’avancée dans le domaine de la création musicale, lyrique ou symphonique?

Alexandre Dratwicki: L’intérêt artistique de cette vaste période politique est lié à la grande liberté dont ont bénéficié les musiciens (notamment) pour s’exprimer. Et il est à noter que lorsque musique et politique nouent des liens étroits, c’est en partie du côté des artistes que vient la démarche, et non pas – seulement – par le biais de commandes d’Etat. Le meilleur exemple est sans doute la naissance de la Société nationale de musique, après la défaite de 1870, qui semble autant une réaction épidermique profondément ressentie par les compositeurs, qu’une démarche superficiellement symbolique d’un ministère. Il faut également noter – mais cette fois les gouvernements en sont les premiers responsables – un rapport nouveau à la « personnalité » artistique, notion qui commence à être reconnue comme l’élément décisif dans l’intérêt du style d’un compositeur. Il reste sans doute des « refusés » mais ceux-ci ont désormais les moyens de s’exprimer néanmoins, fusse sur des scènes « corollaires ». A l’époque de Méhul ou du premier Berlioz, la tâche était bien plus ardue pour ne pas dire impossible. Pour ne citer qu’un exemple, entre 1880 et 1890, le très conservateur « Prix de Rome », géré par l’Académie des Beaux-Arts (elle-même manœuvrée en partie par le gouvernement) va encourager et récompenser des natures aussi diverses et radicales que Bruneau, Pierné, Debussy, Leroux, Charpentier, Dukas… C’est reconnaître officiellement toutes les influences (y compris le wagnérisme), et c’est encourager l’artiste à être lui-même. Nous aurons deux splendides exemples de ces cantates en concert lors du Festival : Velléda de Dukas (1888) le 12 avril, et Didon de Charpentier (1887) le 17 avril 2011.


En marge de l’Opéra, vous mettez l’accent sur les symphonistes français. Quels en sont les acteurs clés, qui sont les Beethoven, Schumann, Brahms français? En quoi l’écriture des Français égale-t-elle l’apport des Viennois, en quoi ce symphonisme à la française est il singulier et mérite l’éclairage que vous lui portez?

Alexandre Dratwicki: Une réponse simple suffit : on ne connait rien de la symphonie française entre 1830 et 1880, si ce n’est les « monstres » berlioziens, la Symphonie de Franck et celle avec orgue de Saint-Saëns. Ajoutons la Symphonie en ut de Bizet. Avant même de tirer des conclusions et de répondre plus en détail à la question que vous posez, il nous semble – à toute l’équipe du Palazzetto – primordial de pouvoir d’abord entendre dans de bonnes conditions (comprendre ni « à la table », ni dans des réductions à 4 mains déchiffrées hâtivement) ce répertoire. Quelques exemples ? D’abord, écoutez les 10 symphonies de Gouvy. C’est splendide [elles sortent actuellement chez CPO]. Ensuite, il existe (notamment) 3 symphonies de Félicien David (2 en manuscrits), 4 symphonies de Reber, 2 symphonies de Gounod, 3 symphonies de Lacombe, 3 symphonies de Théodore Dubois, les symphonies de jeunesse (un peu mieux connues) de Saint-Saëns, la Symphonie de Lalo, celles d’Allary, de Rabaud, etc.. Et puis – titre sublime pour notre cause – la Symphonie romantique de Victorin Joncières (1870) qui sera donnée le 15 avril à Bruxelles et le 17 avril à Venise. Il y a là un peu de Schumann, un peu de Brahms mais surtout – tout simplement – du Joncières. C’est donc dans 4 ou 5 ans que nous pourrons prendre un ton un peu plus affirmatif pour vous parler de « symphonisme français » et éviter les clichés réducteurs qu’il aurait été facile de reproduire dans les lignes précédentes, mais dont les approximations auraient « maintenu » sous cloche ce répertoire extraordinairement varié.


Vous dédiez un focus complémentaire à l’évolution des interprètes à l’opéra de la fin du XIXè au début du XX ème siècle. Quels sont les personnalités, les compositeurs et les oeuvres concernés?

Alexandre Dratwicki: Derrière les interprètes (au piano Diémer ou Pugno, au chant Viardot ou Sanderson, au violon Marteau ou Ysaÿe, à la baguette Colonne, Lamoureux, Pierné, etc…), c’est la question de « l’interprétation » qui nous intéresse. Depuis quelques années, des musiciens comme François-Xavier Roth (avec Les Siècles) ou Jérémie Rohrer (avec le Cercle de l’Harmonie) ou encore Hervé Niquet (qu’il soit avec le Concert spirituel ou à la tête de phalanges « modernes ») ont radicalisés cette évidence : une grande partie de la musique romantique n’est « valable » qu’à certaines conditions. Le tempo en est une. On « allait vite » au XIXe siècle, et on écrivait de la musique en rapport. C’est le wagnérisme, généralisé à la musique de concert (même instrumentale), qui a poussé les chanteurs, les chefs puis les musiciens à rechercher une « maximalité » sonore qui passait (passe ?) souvent par un principe qu’on peut résumer à un écrasement de la ligne et à une écoute verticale de « la note pour la note », du « son pour le son ». Partant de là, la conduite musicale ne disparaît pas, mais elle est repensée à l’aune d’une lourdeur qui condamne immédiatement tout ouvrage écrit dans un style « massif ». Et c’est tout l’opéra français de Spontini à Saint-Saëns qui sombre dans une torpeur insupportable. Ecoutez des « Vestale » ou des « Médée » d’il y a 20 ou 30 ans. Personnellement, en moins de 4 minutes, je suis le premier à considérer que l’œuvre, sa logique, son style (et de fait son intérêt) sont exterminés. La musique allemande, et une certaine musique italienne (Verdi), non seulement résistent bien à ces interprétations, mais y gagnent même en spectaculaire (le Trouvère par exemple). Ce n’est quasiment jamais le cas de la musique française…



D’une façon générale, quels sont les enjeux de ce nouveau festival? En quoi précise-t-il les volets abordés à travers les autres cycles présentés et à venir?

Alexandre Dratwicki: Ce festival, moins ciblé thématiquement que celui de l’automne dernier (« Cherubini et les premiers romantiques »), espère ouvrir des portes pour montrer que le répertoire que défendent le Palazzetto Bru Zane et ses partenaires est presque infini. Pour cette fois, le thème retenu ne « précise » pas, il ouvre une sorte de caverne d’Ali Baba que nous allons explorer dans les années qui viennent. Nous ne voulons pas effrayer dès notre deuxième année d’existence, ni passer pour un Centre de spécialistes s’adressant à des spécialistes. Mais, dès la saison 2011-2012, le festival de printemps reviendra sur cette période avec cette fois une démarche ciblée et exigeante, qui semblera peut-être « difficiles » à certains, qui en fera sourire d’autres. Mais assurément, ce n’est pas ce bon Debussy que le Palazzetto souhaite mettre prioritairement à l’honneur en 2012. Rendez-vous au mois de juin 2011 pour lever ensemble le voile de notre nouvelle saison 2011-2012.

Propos recueillis par Alexandre Pham

Festival Du Second Empire à la Troisième République, présenté par le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française, à Venise (du 12 avril au 5 juin 2011).

Réservez dès à présent vos places pour les concerts du festival Du Second Empire à la Troisième République: plus de 20 dates incontournables du 12 avril au 5 juin 2011:

Quelques temps forts
Velléda de Dukas (1888), Venise, Scuola Grande di San Rocco, le 12 avril 2011
Didon de Charpentier (1887) le 17 avril 2011
Symphonie romantique de Victorin Joncières (1870) le 15 avril à Bruxelles et le 17 avril à Venise (Scuola Grande di San Rocco)
Rossini: Petite Messe Solennelle, Les Solistes de Lyon Bernard Tétu. Venise, Scuola Grande di San Giovanni Evangelista, le 16 avril 2011 à 20h
Mirages de l’eau: récital du pianiste Billy Eidi, Venise, Palazzetto Bru Zane, le 8 mai 2011 à 17h
De Saint Sulpice à la Madeleine (Saint-Saëns, Chausson, Gounod,Massenet, Paladilhe… : motets), Choeur de la Radio Flamande, Hervé Niquet, Venise, Basilique des Frari, le 12 mai 2011 à 20h
Rêverie et caprice: Berlioz (Rêverie et caprice pour violon et orchestre), Chausson (Poème pour violon et orchestre), Franck (Symphonie en ré mineur). La Chambre Philharmonique. Emmanuel Krivine, direction. Venise, Scuola Grande di San Rocco, le 4 juin 2011 à 20h
Scènes d’opéras. Joncières (Dimitri), Lalo (Le Roi d’Ys), Mermet: Roland à Roncevaux… Natacha Constantin, soprano. Valerio Contaldo, ténor. Stéphane Jamin, piano. Venise, Palazzetto Bru Zane, l e5 juin 2011 à 17h
vidéos

A Venise, le Palazzetto Bru Zane dévoile les joyaux du romantisme français… Ainsi les motets de Théodore Dubois remarquablement
ressuscités lors d’un concert événement en la Basilique des Frari à
Venise, sous la direction d’Hervé Niquet (12 mai 2011) Premières images
vidéo (avant le reportage complet à venir…)

Le festival Du Second Empire à la Troisième République présenté à Venise
par le Palazzetto Bru Zane jusqu’au 5 juin 2011 dévoile les joyaux de
la musique romantique française. Au programme des premiers concerts
d’avril 2011, plusieurs oeuvres maîtresses méconnues ou inédites:
Symphonie Romantique de Joncières, Cantates Didon de Gustave Chapentier
(1887), Velléda de Paul Dukas (1888), cette dernière révélée en création
mondiale dans sa version originale pour voix et orchestre… l’édition
2011 du festival de printemps du Palazetto Bru Zane à Venise est
exceptionnelle. A vivre à Venise, jusqu’au 5 juin 2011 (premières images & temps forts des concerts d’avril 2011)
A Venise, Les Solistes de Lyon et Bernard Tétu interprètent La Petite Messe Solennelle de Rossini
(1864), oeuvre majeure et inclassable de la fin dont les chanteurs
s’ingénient à exprimer la virtuosité facétieuse… Reportage réalisé le
16 avril 2011 dans le cadre du Festival Du Second Empire à la Troisième
République, présenté par le Palazzetto Bru Zane, jusqu’au 5 juin 2011

voir la vidéo du dernier festival du Palazzetto Bru Zane à Venise: Festival Cherubini, octobre et novembre 2011

Palazzetto Bru Zane, festival Cherubini 2010. A l’affiche de son festival d’automne 2010, le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française à Venise célèbre l’oeuvre en France du florentin Luigi Cherubini
(1760-1842) dont 2010 a marqué les 250 ans de la naissance. Directeur
du Conservatoire, « statufié » par Berlioz, Cherubini favorise l’éclosion
d’un romantisme à la française à la fin du XVIIIè et au début du XIXè.
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