samedi 3 mai 2025

Festival des Nuits Musicales d’Uzès (30)Du 19 au 29 juillet 2007

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Nuits Musicales d’Uzès (30)
du 19 au 29 juillet 2007

Une ville-duché où le jeune Racine…
« Vous verriez un tas de moissonneurs rôtis de soleil, qui travaillent comme des démons ; et quand ils sont hors d’haleine, ils se jettent à terre au soleil même, dorment un miserere et se relèvent aussitôt. Je ne vois cela que de nos fenêtres,car je ne pourrais pas être un moment dehors sans mourir, l’air est à peu près aussi chaud qu’un four allumé, et cette chaleur continue autant la nuit que le jour. » De qui est ce bulletin météo local, disponible pour un 13 juin 1661, avec « température ressentie » sur uzesgard.com, de surcroît bien écrit ? Un certain Jean Racine, jeune « exilé parisien » de 22 ans dans cette ville-duché où il est venu chercher du bénéfice ecclésiastique et plus discrètement un temps d’inspiration pour une carrière littéraire qui se profile. Du côté de la peine des hommes, on n’en tirera rien qui ressemble à du La Bruyère dénonçant la condition paysanne, et plutôt le genre Sévigné variant le thème sur la douceur de faner. Le tendre et cruel Racine s’intéresse aux profondeurs individuelles de la passion, et ne néglige pas de faire ses gammes de galanterie par correspondance, à moins que ce ne soit par geste et parole auprès des beautés languedociennes. Et il écoute les voix intérieures, « tout le jour étourdi d’une infinité de cigales qui ne font que chanter de tous côtés, mais d’un chant le plus perçant et le plus importun du monde ».
Spectateur des Nuits musicales d’Uzès, évoquerez-vous Racine en vous promenant sous les arcades de la conviviale Place aux Herbes ou sur les terrasses dominant la garrigue ? Le tendre et cruel devait tout de même goûter certains aspects du charme de la petite ville, et rien ne vous empêche d’y songer autour de la fontaine, parmi les promenades amoureuses, les conversations futiles ou sérieuses et les jeux d’enfants.

Du jazz à la danse
Le charme en été, ce sont aussi bien sûr les concerts de ce festival des Nuits, institution – la 37e session ! -, qui autour d’un noyau baroque initial, sait se faire généraliste pour confier au jazz son concert de clôture : « it’s all right with me » (and us : le chant élégant de Sara Lazarus, le tourbillon de Biréli Lagrène, l’énergie d’André Ceccarelli et de leur Gypsy Project). L’ensemble propose aussi du moderne, centré sur instrument et géographie culturelle. L’Espagne du XXe rassemble sous la baguette de Mark Foster (ex-directeur de l’Orchestre de Savoie et contemporanéiste valeureux) un « tube » comme le Concerto d’Aranjuez (avec Emmanuel Rossfelder) et du moins connu puisé chez Turina et Evangelista. Il y a aussi de la danse ibérique avec les Folias de Flamenca, que le toujours plein de curiosité Doulce Mémoire ( « la famille » groupée autour du joyeux père, Denis Raisin-Dadre) va chercher dans la Renaissance (son domaine) d’Espagne, et dans les questionnements adressés à des artistes cubains d’aujourd’hui (et aujourd’hui interdits de sortie : le spectacle est dédié à leur liberté douloureuse). Et danse encore avec le trio de Laurent Korcia (violon), Dominique Plancade (piano) et Iurie Morar (cymbalum), tirant du romantisme (Schumann, Brahms, Dvorak) et du modernisme ( Granados, Debussy, Ravel, Bartok) les accents de l’authenticité d’enracinement et de poésie.

L’inachèvement pour Constance
Autre romantisme, soliste celui-là, et russe absolument : la « nouvelle étoile de la légendaire école russe de piano » Valentina Igoshina (prix Rachmaninov et Reine Elisabeth) force dans l’ombre les secrets ultimes de Brahms (op.116) après avoir soulevé les masques apparemment joueurs du jeune Schumann Carnaval), et déploie les âpres splendeurs des Tableaux de Moussorgski. En remontant au classico-baroque, et dans la tradition uzétienne des concerts à la cathédrale, voici l’inspiration et la solidité de Michel Corboz qui avec son Ensemble vocal-instrumental de Lausanne interroge une fois encore Mozart , et l’œuvre de carrefour stylistique par excellence, la Grande Messe en u (K.427). Dédiée à la jeune femme Constance – et inachevée, comme tout ce que Woilfgang a composé pour elle : curieux , non ? – cette Grande Messe de 1782, sans la fin du Credo, Agnus Dei et Dona nobis pacem, correspond à la relecture passionnées que fait alors Mozart des anciens maîtres, Haendel, Bach et ses fils. On y lit l’héritage du baroque, la solennité décorative de « la cantate napolitaine », mais aussi un style sévère – contrapuntique – qui, combiné avec la rigueur de Bach – se mêlera aux angoisses ultimes du Requiem. Le lieu le plus original est sans doute, au cœur du Credo, un Et incarnatus est qu’on a longtemps pris avec son tourbillon de vocalises pour une dorure de plus, mais que les spécialistes de Mozart nous ont appris à regarder en moment de vertige amoureux et mystique. Nul doute que Michel Corboz a beaucoup réfléchi sur ces dimensions de l’œuvre et sait en donner toute les résonances, fussent-elles contradictoires. En miroir, le Dixit Dominus de Haendel, « une des merveilleuses machines musicales du jeune et fougueux Saxon en Italie », si proche du jumeau Domenico Scarlatti. Le meilleur commentaire serait d’aller (re)lire le merveilleux Concert Baroque d’Alejo Carpentier, où Haendel, Vivaldi et Scarlatti disputent un match de virtuosité instrumentale…et (re)fréquenter donc, au coin de la Place des Herbes, l’excellente librairie du Parefeuille (éditrice des lettres de Racine uzétien)…Le quatuor vocal soliste est composé des sopranos Ana Quintans et Brigitte Desnoues, du ténor Christophe Einhorn et bde la basse Vincent Pignat.

Domenico, Marin, Antonio, Carl Philip…
Et justement, Scarlatti, Domenico : il n’est pas seulement l’auteur des 555 Sonates pour clavier où s’exprime une fantaisie totalement imaginante. C’est un compositeur d’opéras et d’œuvres sacrées (comme l’était son père, Alessandro), qui va passer une très large partie de sa vie musicienne au Portugal puis en Espagne, au service de la Cour. Un Miserere, un Salve Regina et surtout un Stabat Mater proclament la grandeur de son art, parfois tourné vers le style sévère de naguère : la Venexiana, hyper-spécialiste du baroque italien, est chargée de cette profération, sous la direction de Claudio Cavina. Enfin, c’est encore Vivaldi mais aussi Marin Marais et Bach père et fils (Carl-Philip) qui enchanteront avec l’Orchestre Français des Jeunes, conduit avec pédagogie et éclat par Christophe Rousset.

Jeudi 19, 21h30 ; vendredi 20, 21h30 ; samedi 21, 22h ; dimanche 22, 22h ; mardi 24, 22h ; jeudi 26, 22h ; samedi 28, 22h ; dimanche 29 2007, 22h. Information, réservation : Tél.: 04 66 62 20 00 ou http://nuitsmusicalesuzes.org

Crédit photographique
Valentina Igoshina (DR)

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