vendredi 19 avril 2024

Emmanuel Chabrier: L’Etoile, 1877 Arte. Lundi 16 février 2009 à 22h30

A lire aussi

Emmanuel Chabrier
L’Etoile
, 1877


Arte

Lundi 16 février 2009 à 22h30

Découvrir un opéra. Documentaire: réalisation: François Roussillon (2008, 52 mn).

Chabrier visionnaire

Excellent documentaire sur une oeuvre méconnue, pourtant essentielle dans l’histoire de l’opéra français. Créé aux Bouffes-Parisiens le 28 novembre 1877, L’Etoile de Chabrier « ose » développer une partition raffinée et harmoniquement audacieuse, dans un genre – l’opéra bouffe, forme héritée d’Offenbach, alors directeur des Bouffes-, qui se contentait d’un accompagnement sommaire et de mélodies faciles à mémoriser.
Or l’autodidacte Emmanuel Chabrier, alors fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur, révolutionne la fosse par une ligne mélodique lumineuse et délicate, ciselée et même sublimée par une orchestration préravélienne, chatoyante et scintillante.

Les musiciens de l’époque sont déconcertés parce que le compositeur change d’accompagnement à chaque strophe, pour chaque couplet. Autant de raffinement ne s’était jamais vu jusque là.
L’opéra gagne un joyau facétieux et singulier; et la musique, un compositeur original.
La rencontre de Chabrier avec la scène s’était déjà produite avec 2 opérettes précédentes, dont le livret est rédigé par Paul Verlaine. Ce dernier écrit le refrain du pal, tableaux séditieux (censuré à l’époque!), vantant les délices du supplice ainsi porté à la scène…
Le film offre la parole aux metteurs en scène, Jérôme Deschamps et Mascha Makeïef, dont le choix s’est porté sur l’oeuvre, désormais emblématique de l’Opéra-Comique qu’ils dirigent à deux têtes. Par son délire surréaliste, cet absurde désopilant et dénonciateur, L’Etoile ressuscite dans cette production parisienne (dirigée par John Eliot Gardiner, dont on connaît l’amour de la musique française: c’est lui qui avait redonné vie à la partition à l’Opéra de Lyon, il y a quelques décennies…)…

L’intrigue est analysée avec soin et… clarté. Ce qui n’est pas un luxe au regard de sa complexité: le roi Ouf Ier cherche un condamné apte à être exécuté pour sa fête. Bien que gâté par la destinée, il s’ennuie ferme. Son mariage avec la princesse Laoula devrait mettre un terme à une guerre imminente. Mais celle-ci a déjà pénétré dans le royaume, déguisée en marchande de nouveautés et de plaisirs (référence aux Grands Magasins alors en plein essor, que Zola décrira aussi dans Au bonheur des dames). Conduite incognito, accompagnée par le diplomate Hérisson de Porc Epic et de son épouse Aloès, la jeune femme tombe sur le simple colporteur (nouvelle référence au monde du commerce), Lazuli. Ils s’éprennent l’un de l’autre. Dans le fameux air « Petite étoile du destin, réponds moi, dis moi l’avenir… », Lazuli (chanté par la mezzo Stéphanie d’Oustrac) évoque sa pauvreté mais aussi son désir de vaincre le monde. Il gifle deux fois le roi Ouf Ier qui reconnaît alors l’homme qu’il recherche pour son exécution. Le supplice du pal allait être réalisé quand l’astrologue Siroco annonce que les étoiles du colporteur et du souverain sont liées: si Lazuli meurt, Ouf aussi.
Renversement: le pauvre colporteur est élevé au rang de prince héritier… mais il n’a de pensée que pour la belle princesse Laoula.
Le film décrypte la modernité poétique d’une oeuvre visionnaire dont la musique annonce déjà le raffinement des impressionnistes, de Ravel à Debussy. C’est une scène délirante qui regarde du côté des dadaïstes et de Jarry, précise Mascha Makeïef. La drôlerie n’est jamais éloignée d’une gravité qui touche et saisit.

La production avait inauguré l’Opéra Comique flambant neuf (décembre 2007), à nouveau mis sur les rails, en présentant un répertoire lyrique qui le distingue des autres scènes parisiennes. Il est vrai que L’Etoile est l’aboutissement du genre de l’Opéra Bouffe, développé sous le Second Empire par Offenbach. Mais en 1877, sous la IIIè République, Chabrier offre une nouvelle dimension à ce spectacle divertissant: le délire poétique rencontre une parure musicale renouvelée qui renforce le pouvoir critique et trouble de l’oeuvre.

Illustrations: Emmanuel Chabrier. John Eliot Gardiner. La production de l’Etoile présentée à l’Opéra Comique (DR)

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img