DVD, critique. BRITTEN : BILLY BUDD (Bolton / D. Wagner, Madrid fevrier 2017 – 2 dvd BelAir classiques). Au cœur du théâtre de Britten, règne le cynisme et la haine jalouse qui manipule et s’entend à sacrifier l’innocence. Sur cette trame originelle, première dans le projet lyrique et poétique de Britten, ont été conçus Peter Grimes, The Turn of the Screw, … Cette nouvelle production madrilène de février 2017, méritait absolument sa gravure en dvd, dévoilant le travail très théâtral et intimiste de Deborah Wagner. D’après Melville, l’ouvrage de 1951 – mis en scène en 1964, plonge dans l’univers masculin étouffant de l’Indomptable, navire britannique en 1797. Jeune homme sacrifié, Billy, âme positive et lumineuse, est bientôt pris dans les rêts de l’abject Claggart, possédé par une attraction vicieuse et impuissante pour le beau Billy. Témoin lui aussi impuissant et subjugué, le Capitaine Vere qui ne peut empêcher la catastrophe et la pendaison finale du jeune Billy que son bégaiement a empêché de clairement se disculper. Au final, c’est une passion à mots couverts qui est emportée par la brutalité et cruauté d’un système social inhumain et manichéen. Britten développe ici une réflexion sur le bien et le mal, et au final, les victimes sacrifiées au nom d’une lutte perdue d’avance. Britten montre avec raison combien la société des hommes détruit le bien, par haine et perversité, d’un accord tacite collectif.
Le chef d’oeuvre, sorte de labyrinthe viril élaboré par Britten, fait une entrée remarquée et réussie au Real de Madrid. On relève la finesse avec laquelle Wagner décrit chaque caractère : la loi (Vere), le pervers manipulateur (Claggart), l’ange démuni (Budd). D’autant que chaque chanteur est un acteur, jouant des éclairages esthétiques et des mouvements ciselés d’une grande direction d’acteurs. L’art du suggestif et du non dit enveloppe chaque relation avec une justesse cinématographique (surtout la relation lumineuse qui rapproche Vere et Billy).
Jacques Imbrailo incarne l’innocence de Billy avec un évidence désarmante, instillant la fragilité dans des phrasés d’une très juste tendresse. Le Vere de Toby Spence déploie un timbre inchangé, d’une claire autorité et pourtant d’une certaine distance (très articulée) qui le pose en témoin (et en narrateur, récitant, dès le début de l’action puisqu’il s’agit de son récit) : même s’il a décelé le diable sous Claggart, a-t-il réellement mesuré l’enjeu du drame ? Et le sacrifice du pauvre Billy ? Sa voix expose, raconte, presque froidement sans porter jugement, sans parti prendre. Avec un recul qui approche l’injustice de l’autorité. Simple, juste, fin, Brindley Sherratt incarne un Claggart aussi passionnant que terrifiant, épaississant peu à peu sa perversion dévorée, sa force diabolique qui prend appui sur l’angélisme insupportable de Billy. Le reste du cast suscite le même enthousiasme, car ici, renforçant la hideuse splendeur à l’oeuvre, les seconds rôles sont très bien tenus : entre autres, Thomas Oliemans (Mr Redburn), Duncan Rock (Donald) …
Le chef Ivor Bolton réalise un écrin instrumental à la hauteur de ce huis clos sordide et sauvage : il éclaire et articule la machinerie / machination jusqu’à son dénouement tragique et sacrificiel. Le geste semble parfois atténué, recherchant l’indicible et le mystère, plutôt que la sauvagerie et le cynisme le plus âpre. De ce fait, vents et cuivres peuvent paraître sousexposés, mais l’intention poétique orientée vers le silence et le murmure font une différence qui se révèlent étrangement persuasive. Excellente nouvelle production à Madrid. CLIC de CLASSIQUENEWS.COM de septembre 2018.
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DVD, critique. BRITTEN : BILLY BUDD (Bolton / D. Wagner, Madrid février 2017 – 2 dvd BelAir classiques) / CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2018. Parution annoncée le 13 septembre 2018.
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BRITTEN : BILLY BUDD [DVD & BLU-RAY]
Opéra en deux actes (composé en 1951, création scénique en 1964)
Musique : Benjamin Britten (1913-1976)
Livret : Edward Morgan Foster et Eric Crozier, d’après Billy Budd de Herman Melville
Billy Budd : Jacques Imbrailo
Edward Fairfax Vere : Toby Spence
John Claggart : Brindley Sherratt
Mr. Redburn : Thomas Oliemans
Mr. Flint : David Soar
Lieutenant Ratcliffe : Torben Jürgens
Red Whiskers : Christopher Gillet
Donald : Duncan Rock
Orchestre et Choeurs du Teatro Real – Madrid
Pequeños Cantores de la ORCAM
Direction musicale : Ivor Bolton
Mise en scène : Deborah Warner
Décors : Michael Levine
Costumes : Chloe Obolensky
Lumières : Jean Kalman
Chorégraphie : Kim Brandstrup
Chef du choeur : Andrés Maspero
Cheffe du choeur d’enfants : Ana Gonzalez
FICHE TECHNIQUE
Enregistrement HD : Teatro Real – Madrid | 02/2017
Réalisation : Jérémie Cuvillier
Date de parution : 14 septembre 2018
Distribution : Outhere Distribution France
2 DVD
Référence : BAC154
Code-barre : 3760115301542
Durée : 173 min.
Livret : FR / ANG / ALL / ESP
Sous-titres : FR / ANG / ALL / ESP / ITA / JAP / KOR
Image : Couleur, 16/9, NTSC
Son : PCM 2.0, Dolby Digital 5.1
Code région : 0
1 BLU-RAY
Référence : BAC554
Code-barre : 3760115305540
Durée : 173 min.
Livret : FR / ANG / ALL / ESP
Sous-titres : FR / ANG / ALL / ESP / ITA / JAP / KOR
Image : Couleur, 16/9, Full HD
Son : PCM 2.0, DTS HD Master audio 5.1
Code région : A, B, C
Présentation sur le site de l’éditeur BEL AIR CLASSIQUES :
https://belairclassiques.com/film/britten-billy-budd-deborah-warner-madrid-dvd-blu-ray
« Qu’ai-je fait ? » se demande avec horreur le Capitaine Edward Fairfax Vere au lever du rideau, avant de se remémorer les événements tragiques qui se déroulèrent en 1797, à bord du navire de guerre britannique H.M.S Indomitable. On y rencontre Billy Budd, jeune matelot exemplaire, et John Claggart, maître d’armes peu scrupuleux que la beauté angélique de Billy obsède et affole : s’ensuivra une plongée infernale au plus profond de la perversion et de la psychose, explorant les thèmes de l’innocence, de la culpabilité, de la responsabilité individuelle et de la justice. Dans ce conte symbolique et ambigu, inspiré du dernier chef d’oeuvre d’Herman Melville, c’est toute la complexité de l’expérience humaine que donne à voir Britten, qui renoue à cette occasion avec l’opéra symphonique et à ses infinies possibilités pour déstabiliser et déranger son auditoire. Résistant à la tentation de faire des personnages principaux des allégories du Bien et du Mal, l’opéra nous montre plutôt avec quelle logique de mort déferlent les aspirations, les angoisses et les désirs les plus enfouis dans le coeur des hommes. Mais dans cet opéra entièrement masculin, Deborah Warner a su voir au-delà de la violence, des rivalités et de la haine, soulignant au contraire toute la beauté insolite de la camaraderie, de l’amitié et du pardon…
Le baryton Jacques Imbrailo, habitué du rôle, livre une interprétation magistrale du jeune matelot sacrifié, tandis que les britanniques Toby Spence et Brindley Sherratt assurent ceux du capitaine « Starry » Vere et de John Claggart. Dans la fosse, Ivor Bolton déploie d’une main de maître, avec l’Orchestre du Teatro Real, toute la force et l’énergie contenue dans la partition de Britten. Un spectacle de référence, en coproduction avec le Royal Opera House et l’Opéra de Rome. Illustrations : © Javier del Real | Teatro del Real
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