jeudi 28 mars 2024

DVD, compte rendu critique. SALIERI : Europa riconosciuta. Muti, Ronconi (1 dvd Erato)

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salieri europa riconosciuta dvd riccardo muti alla scala ERATO diana damrau classiquenews review dvd critique CLIC de classiquenews 1507-1DVD, compte rendu critique. SALIERI : Europa riconosciuta. Muti, Ronconi (1 dvd Erato). Jeune compositeur frais moulu arrivé à Vienne, depuis son Italie natale, Antonio Salieri (1750-1825), est d’abord formé par Gassmann, dans la capitale autrichienne dès ses 16 ans, puis lui succède comme compositeur de la Cour. Le compositeur italien s’inscrit donc dans la réforme de l’opéra seria telle que l’a accéléré Gluck à Vienne et plus récemment à Paris. Enfin en 1778, déjà très expérimenté en matière de drames lyriques, Salieri livre pour l’Archiduc Ferdinand, grand duc de Toscane, un nouvel opéra destiné à inaugurer le nouveau théâtre milanais alla Scala : il s’agit d’Europa riconosciuta, c’est à dire Europe reconnue. Le sujet est un labyrinthe des coeurs contrariés : Semele a choisi son futur époux, Isseo, auquel elle propose le trône de Tyr. Mais le jeune homme aime Europa, elle-même ancienne prenicessede Tyr, qui est pourtant mariée au crétois Asterio. Or Semele est désiré par Egisto qui est prêt à tout, pour faire empêcher Semele de s’unir à Isseo… Au terme d’avatars et d’épisodes à rebondissements, Isseo tue Egisto, l’agent de la discorde et de la haine, puis grâce à Europa devenue reine de Tyr (en somme la juste réparation de son malheur), peut épouser pour sa plus grande félicité, Semele…

Europe scaligène

Ne vous trompez pas : ce n’est pas un ouvrage sur le continent européen mais l’illustration des amours rocambolesques de la fable amoureuse, entre princes et reines, guerriers et belles féminités, le tout dans des décors et palais somptueux. Pour l’occasion inaugurale, le Teatro scaligène déploie un faste de décors et machineries jamais vus jusque là (conçus par les frères Galliari), composant un écrin destiné à accueillir une action qui déjà renouvelle sensiblement la forme immuable du genre seria : Salieri ose une liberté formelle inédite qui tend à assouplir l’orthodoxie métastasienne, en mêlant sens du drame (avec choeur très dynamique, c’est à dire mouvant et mobile, a contrario du statisme inspiré par le choeur antique-, danses, grandiose héroïque dans le style français) et pure virtuosité vocale à la napolitaine (selon le modèle des Traetta et Jommelli entre autres, cumulant des cascades vocales parfois ahurissantes).
De fait, sur un livret relâché et en manque de cohérence signé Mattia Verazi, le jeune Salieri – pas encore trentenaire, développe en digne gluckiste, une énergie dramatique réelle, souvent irrésistible (à commencer par l’ouverture, véritable tempête qui emporte les spectateurs immédiatement dans le coeur de l’action et du drame : le naufrage des princes crétois Asterio et son épouse Europa), très efficace dans sa coupe plutôt rapide, enchaînant sans temps morts, les séquences de plus en plus expressives et spectaculaires : 2h de durée globale dont presque 25 mn de ballet!
Enfant de son époque, soit musicien des Lumières à l’époque où Mozart redéfinit la grâce opératique, Salieri fourmille d’idées (mais à la manière d’un catalogue, car l’urgence et l’esprit de séquence priment cependant sur un tout unitaire cohérent) ; ici on relève des rapprochements avec Les Nozze di Figaro (où Semele est sœur de la Comtesse) ou Don Giovanni de son génial contemporain…
En place des deux castrats créateurs en 1778 (Isséo et Asterio), Muti préfère ici deux chanteuses agiles et aux timbres caractérisés plutôt que deux contre-ténors : c’est que l’agilité et l’abattage à vocalises sont requis. Percutantes et engagées : Daniela Barcelona et Genia Kühmeier… Aigus présents et couverts, énergique mais parfois imprécise, la Semele de Désirée Rancatore tire son épingle du jeu.
Dans le rôle-titre, Diana Damrau fait le travail : agilité (vocalises inouïes), tension, expression, mais comme l’écriture tend à le privilégier, la pure virtuosité supplante la profondeur et la finesse.
Défenseur redoublé du répertoire napolitain européen, Riccardo Muti s’enflamme, s’embrase, avec un réel sens des contrastes pour un opéra qui rétablit la princesse légitime Europa sur le trône de Tyr: soit une direction vive, affûtée qui s’inscrit telle la meilleure argumentation en faveur de Salieri. Mais, tant de virtuosité démonstrative, reste positivement certes, dans le périmètre de l’artifice : on est quand même bien loin des vertiges émotionnels plus justes, intimes, allusifs et si bouleversants d’un Mozart divinement introspectif (qui a déjà montré son génie du coeur humain et du drame amoureux dans Lucio Silla de 1774, par exemple…). En bonus, Muti rétablit la place du ballet intercalaire à la fin du I : à partir de morceaux du catalogue Salieri, en place de la partition originelle perdue ; s’y distinguent les danseurs scaligènes en grande élégance musclée, nerveuse dont l’Etoile, désormais mémorable de la Scala, Roberto Bolle et sa plasticité d’éphèbe assoupli, acrobatique, ici dans une chorégraphie du splendide chorégraphe Heinz Spörli. Scénographiquement, Luca Ronconi sait exploiter parfois en exagérant, la veine spectaculaire de la production avec toujours des effets collectifs, des mouvements de foule (et de choeur), plutôt surprenants, donc réussis. Les salieristes ne pouvaient trouver meilleurs ambassadeurs de leur cause dans cette captation scaligène de 2004.

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DVD, compte-rendu critique. SALIERI : Europa Riconosciuta, 1778. Riccardo Muti (Scala, décembre 2004). 1 DVD ERATO (parution : février 2017).

SALIERI : EUROPA RICONOSCIUTA
Opéra en 2 actes d’Antonio Salieri
Livret de Mattia Verazi

Mise en scène : Luca Ronconi
Décors et costumes : Pier Luigi Pizzi
Chorégraphie : Heinz Spörli

Europa : Diana Damrau
Semele : Désirée Rancatore
Asterio : Genia Kühmeier
Isseo : Daniela Barcellona
Egisto : Giuseppe Sabbatini

Ballet du Teatro alla Scala
Solistes : Alessandra Ferri et Roberto Bolle
Choeurs et orchestre du Teatro alla Scala
Direction : Riccardo Muti
Milan, Teatro alla Scala, 7 décembre 2004

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