lundi 28 avril 2025

DVD, compte rendu critique. Offenbach : Les contes d’Hoffmann, nouvelle version Fritz Oser (Christoph Marthaler,Teatro Real de Madrid, mai 2014)

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offenbach-contes-d-hoffmann-madrid-marthaler-cambreling-dvd-belair-classiquenews-review-compte-rendu-critique-CLASSIQUENEWS-home-dvd-livres-cd-actualites-musique-classique-operaDVD, compte rendu critique. Offenbach : Les contes d’Hoffmann, nouvelle version Fritz Oser (Christoph Marthaler,Teatro Real de Madrid, mai 2014)… Il est des productions qui ne méritent pas d’être fixer par la vidéo : ce spectacle, l’un des derniers programmés par le regretté Gérard Mortier pour le Teatro real de Madrid, porte tous les critères de sa direction artistique si affûtée : sens du théâtre, parfois trop excessive, modernisation des livrets et des situations, rationalisation de la réalisation scénique ; disons que les amateurs pour lesquels l’opéra est surtout du théâtre, seront évidemment comblés ; les amateurs d’un opéra théâtral seront satisfaits : le suisse Christoph Marthaler fait du… Marthaler c’est à dire du théâtre désenchanté, désincarné à l’extrême où percent sans discontinuité le cynisme barbare, la cruauté glaçante des situations où l’on compte toujours et systématiquement les coups des oppresseurs manipulateurs au détriment de leurs victimes. Ici, le dispositif en trois actes rétablit heureusement l’importance de l’acte vénitien de Giuletta, égale figure amoureuse pour Hoffmann, aux côtés d’Olympia et d’Antonia. La réalisation et le jeu d’acteurs citent continûment le regie theater, scène froide, distanciés, grimaçante (au sens strict du terme, où les corps se bousculent, s’entrechoquent, s’exacerbent ou s’hytérisent (Prologue) à la façon des gestes et attitudes des fous d’un asile psychiatrique, convoquant une galerie de silhouettes décalées, handicapées passablement triviales aux tics irrépressibles (les choeurs comptant leur lot de femmes à barbes), d’où le cadre de la scène primordiale qui présente une salle de dessin dans un sanatorium ou une pension de soins : au début Hoffmann paraît en pensionnaire (peignoir blanc, le plus souvent en proie au délire manifeste). Ecueil, comme toujours, le personnage protecteur de la Muse / Niklaus, manque de clarté : faisant le lien entre réalité et songe, la figure de la mezzo Anne Sofie von Otter, en poivrotte déjantée, manque son emploi : gestes caricaturaux et répétitif et comme toute la production, français en bouillie inintelligible.
offenbach marthaler christoph-hoffmann2_madrid_javier_del_realUn trait reste commun entre tous les tableaux : leur manque (assumé) de poésie et d’onirisme. Le fantastique convoqué sur la scène par Marthaler reste continûment glacial à la façon d’un tableau de Beckmann ou de Kirchner, et des expressionnistes allemands des années 1930, – on pense évidemment à Otto Dix, et son hyperréalisme sordide et grinçant… c’est cependant un expressionnisme assagi, plus grisâtre sous des éclairages froids. Le metteur en scène aime l’agitation simultanée sur la scène au risque de rendre confuse une action déjà compliquée. Les interprètes qui travaillent avec lui savent que jusqu’aux dernières minutes avant la première, Marthaler laissent chacun aller jusqu’à ses limites : pas de cadre, pas de ligne… l’idée d’une performance sur scène. Mais scrupuleux sur le rythme et la succession des épisodes, Marthaler sait parfaitement jusqu’où le théâtre peut investir l’opéra. Ce qui permet de digérer malgré ses excès, toutes ses mises en scène.

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Las, cette proposition reste trop théâtrale, d’autant que côté voix, l’imprécision et l’intelligibilité sont hélas de mise. Aucun chanteur ne maîtrisant le français, à l’exception de l’Olympia de la piquante macédonienne Ana Durlovski (la seule qui ait vraiment l’aisance et le style requis, et qui chante la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée de Mozart), le spectateur perd 90% du texte. Vive les surtitres. Measha Brueggergosman qui gagne en Antonia puis Giuletta, deux rôles importants, a un organe trop épais, une articulation engorgée et basse qui manque singulièrement de finesse… et le géant américain Eric Cutler campe un Hoffmann sans réelle conviction : il chante, guère plus, sans vraiment donner l’impression de comprendre ce qu’il dit.

otter anne sofie von niklausse la muse offenbach les contes d hoffmannDans la fosse, la direction de Cambreling, d’abord dur et martiale (Prologue puis acte d’Olympia) s’assagit et s’affine avec Antonia… Il serait temps enfin que les théâtre d’opéras investissent dans des orchestres sur instruments d’époque pour restituer toutes les nuances de partitions qui mériteraient meilleure interprétation. Au final, qu’avons nous ? Un spectacle surinvesti par l’homme de théâtre Christoph Marthaler dont le système connotant tout le cycle des symboles et références au Regietheater germanique finit par rendre confus la force onirique des trois portraits de femme, le portrait d’Hoffmann en déçu, désabusé de l’amour, la complicité pendant les actes d’illusion, de sa protectrice la Muse/Niklaus (Anne Sofie von Otter a constamment l’air d’une sdf échappé d’un bar qui traverse la scène sans s’intégrer réellement à l’action). Les connaisseurs de Marthler applaudiront ; les autres seront plus réservés. Reste que voir Anne-Sofie von Otter incarnant Niklaus en clocahrde alcoolisé aux attitudes délirantes est un grand moment de théâtre plus déconcertant que passionnant (la voix elle, demeure inaudible).

DVD, compte rendu critique. Offenbach : Les contes d’Hoffmann (1881), nouvelle version Fritz Oser. Eric Cutler (Hoffmann), Anne Sofie von Otter (La muse/Niklaus), Vito Priante (Lindorf, Coppelius, Dr Miracle, Dapertutto), Ana Durlovski (Alympia), Measha Brueggergosman (Antonia, Giuletta), Jean-Philippe Lafont (Luther, Crespel)… Choeurs et orchestre du Teatro Real de Madrid. Sylvain Cambreling, direction. Chrisotph Marthaler, mise en scène. Enregistrement réalisé en mai 2014. 1 dvd Belair classiques BAC 124 / BAC 424.

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