jeudi 28 mars 2024

DVD, coffret MOZART, critique : The DA PONTE operas : OPUS ARTE (3 dvd Opus Arte).

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da ponte mozart trilogy cosi nozze giovanni opus arte dvd review critique dvd par classiquenews 0809478012757DVD, coffret MOZART : The DA PONTE operas : OPUS ARTE (3 dvd Opus Arte). En un somptueux coffret intelligemment édité, OPUS ARTE ressemble le meilleur du chant mozartien récemment remarqué à Covent Garden. L’homogénéité des plateaux, le sens du théâtre, la direction souvent très affûté concourent à faire de cette trilogie filmée l’un des meilleurs coffret OPUS ARTE.

COSI FAN TUTTE (2016)
Malgré ses intentions pavées de sincères motivations, le metteur en scène Jan Philipp Gloger ne réussit pas vraiment à explorer et démonter la fine machinerie des cœurs amoureux : cette école des amants qui a inspiré Mozart et Da Ponte. Le scénographe se parodie lui-même en Alfonso, affûblé de son assistante, Despina : ainsi l’action se déroule dans divers lieux du théâtre (loge, rideau, parterre, bar…). C’est à dire que l’on visite les lieux d’un théâtre où la science de la représentation indique l’illusion de l’action qui se trame ici. Cependant l’effet tourne à la foire aux idées, et dans cette grille de lecture qui aurait fonctionner avec plus d’économie et de synthèse, Gogler se noie à force d’entassements gadgets et d’élucubrations qui s’écartent de la fine intelligence, désespérée, du duo Mozart / Da Ponte. Sexe à tous les étages, jusqu’au trop plein. Rayonne dans ce bain des désirs lubriques : la gourgandine délurée Despina.
Plus cohérent et d’une belle couleur juvénile dans son ensemble, le cast rehausse l’intérêt de la nouvelle production de 2016 : Fiordiligi (Corinne Winter) tendue comme un roc (Come scoglio) ; Dorabella plus onctueuse (Angela Browers) mais moins percutante ; servante déjantée et initiatrice irrésistible, la Despina de Sabina Puértolas ; Alfonso souverain et dramatiquement très juste de Johannes Martin Kränzle. Enfin les deux fiancés parieurs, pris à leur propre piège sont tout autant bien caractérisés :
le baryton séducteur Alessio Arduini fait un Gugliemo bien présent parfois trop lisse et linéiare ; rien à voir et à écouter avec le Ferrando magistral de Daniel Behle, tout en nuances et finesse. C’est peut-être lui qui maîtrise le mieux et avec le plus de naturel le bel canto mozartien : son « Un’ aura amorosa » est bouleversant de suggestion pudique, de touchante sincérité. Rien à dire à la baguette ciselée de Semyon Bychkov, ex assistant de Karajan, et doué de toutes les finesses lui aussi mozartiennes. Le legato de l’orchestre s’entend ici du début à la fin, amoureusement énoncé, puissant mais tendre.

DON GIOVANNI (2014)
Diffusée en direct au cinéma en février 2014, ce nouveau Don Giovanni au Royal Opera House de Londres impose la vision labyrinthique de Kasper Holten pour lequel le plus grand séducteur des Lumières, évolue symboliquement dans une maison unique dont pièces, escaliers, terrasse, balcons… représentent autant de situations et de lieux qui lui permettent de piéger ses victimes, consentantes ou non. Le dispositif permet au théâtre de reprendre ses droits dans un ouvrage où la musique risque toujours de dominer, et avec raison, car le génie de Mozart s’y déploie dans chaque situation.
Le duo Leporello / Giovanni est renforcé et comme sublimé par leur complicité égal à égal grâce à l’excellent acteur qu’est Alex Esposito (Leporello) qui joue le double de son maître, plutôt que son serviteur. Le jeu de miroir de l‘un à l’autre, leur duplicité interchangeable, l’un apprenant de l’autre, quand l’autre est stimulé et regaillardi par la ténacité de l’un… Le duo fonctionne à merveille et renforce la haute tenue de cette version londonienne. Humain tiraillé (la présence démultipliée du Commandeur assassiné ensanglanté), coupable et meurtrier à la façon de Caravage, le Don Giovanni de Mariusz Kwiecien saisit par sa férocité cynique, son intensité bestiale et animale, sa sauvagerie à la fois blessée et lâche… dont les nuances épousent là encore toutes les intentions d’un texte musical et dramatique, d’une sidérante vérité.
Digne et touchante par sa sincérité elle aussi, Donna Anna de Malin Byström ; tendue, presque criarde et peu à l’aise, l’Elvira de la française Véronique Gens déçoit : manque de naturel et de fluidité, la diva ne maîtrise pas le legato mozartien, et cherche souvent le portrait admirable de cette amoureuse attendrie, éternelle compatissante à l’égard d’un Don Giovanni qui l’a pourtant trahie et abandonnée. Autre tempérament à en vouloir découdre, la Zerlina autodéterminée d’Elizabeth Watts : elle aussi veut sa part de plaisir et de jouissance. Aussi nuancé et caractérisé demeure le Masetto du Sud-africain Dawid Kimberg, lui aussi bon acteur. Plus limité et en dessous du niveau de ses remarquables partenaires, l’Ottavio dépassé de Antonio Poli. Continuo allégé expressif, ou orchestre rugissant, furieux ou murmuré, la direction de Nicola Luisotti (au pianoforte) se distingue elle-aussi par sa finesse et son éloquence.

LE NOZZE DI FIGARO
Autre réussite pour ces Noces / Nozze à la fois homogènes et naturelles réunissant un plateau de chanteurs qui sont aussi de bons acteurs. Chant et théâtre se réalisent au diapason d’un orchestre lui aussi idéalement articulé, animé par la progression dramatique. C’est donc un succès global, un beau travail d’équipe canalisé et façonné par Davd McVicar dont l’esthétisme et la clarté de conception font merveille. Les deux Comte / Comtesse, Figaro / Susana sont très bien incarnés, ajoutant à l’équilibre expressif et la caractérisation de chacun. Les récitatifs sont vifs, nerveux, jamais épais : une leçon de piquante éloquence. Bientôt Don Giovanni de poids et de charme, le Figaro alors de Erwin Schrott fait mouche par sa virilité souple et bien chantante, une force canalisée, parfaitement adaptée pour résister et vaincre l’autorité du Comte. Belle ivresse et séduction sensuelle chez la Susanna de la suédoise Miah Persson. Exemplaire depuis ses débuts baroques, à la fois profonde, sincère et économe, la bouleversante Comtesse de Dorotha Röschmann éblouit par sa grâce intérieure, sa noblesse d’âme qui éclaire cette tendresse de Mozart pour les femmes. Subtil sans grossièreté, le Comte de Gerald Finley apporte au personnage ailleurs, rustre et caricatural, une finesse d’intention qui épaissit considérablement le personnage. Le piège et la bascule qui se retournent contre lui en fin d’action, gagnent une nouvelle profondeur. Saluons la tendresse juvénile très juste du Chérubino de Rinat Shahan, la Barbarina toute en sensualité piquante d’Ana James. Même maîtrise vocale et dramatique pour le très drôle Basilio de Philippe Langridge : une classe mémorable.
En fosse, pas moins que le directeur musical du Royal Opera House, Antonio Pappano, qui joue aussi du clavecin avec vivacité et entrain. La direction détaillée et nerveuse ajoute à cette remarquable approche de la Folle Journée mozartienne, frappée du sceau de la trépidante pulsation humaine, inconstante et douloureuse. Superbe production.

CLIC_macaron_2014LE NOZZE DI FIGARO : McVicar / Pappano
DON GIOVANNI : Holten / Luisotti
COSI FAN TUTTE : Gloger / Bychkov
Royal Opera Chorus and Orchestra – 3 dvd OPUS ARTE

Plus d’infos sur le site d’OPUS ARTE

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