samedi 20 avril 2024

Duo. Hélène Grimaud, Sol Gabetta1 cd Deutsche Grammphon (2011)

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Duo élégant, allusif, élégiaque… Rien n’accroche dans ce superbe duo scellé par la complicité, l’attente, l’écoute et certainement aussi, une proximité d’approche entre simplicité et articulation. Hélène Grimaud a rencontré Sol Gabetta au festival de Gstaad à l’été 2011: une amitié et une estime se sont nouées aussitôt: le présent disque en témoigne admirablement. Le programme qui parle quatre langues différentes a déjà été présenté à Gstaad: l’enregistrement y a d’ailleurs été réalisé.
Les Schumann de l’opus 73, tendres et caressants, et aussi graves voire désespérés bercent par leur balancement enivré; la fusion des deux artistes féminines se révèle d’une langueur souple et ondoyante, d’une luminosité dont on apprécie le flexibilité nuancée très subtilement articulée (amusée à l’innocence reconquise; deuxième pièce: Lebhaft, leicht). Au diapason d’une même respiration, les deux instrumentistes empruntent le même chemin semé de pudeur et d’exaltation dans le même temps, mais dans le même tempo et dans la même mesure. L’évidence de leur rencontre se révèle dans chaque mesure d’une cohérence stylistique exceptionnelle.


Duo d’enchanteresses

La Sonate de Brahms (1865) enracinée dans un magma tellurique d’une gravité saisissante sait aussi enchanter par ses vertiges angéliques, brusquement scintillants de cette même ivresse innocente qui faisait les délices des 3 Schumann. D’ailleurs, faire suivre les Schumann par la Sonate de Brahms est d’une totale intelligence artistique; et l’on voit comment Brahms, de la même étoffe/eau que son aîné/mentor Robert, cultive comme lui l’imminence tragique et tout autant l’élévation tendre: versatilité souvent magicienne et donc  » pastorale  » (comme on le dit souvent du caractère des trois mouvements de cette première Sonate brahmsienne), sous les doigts des deux fées, connectées sans effets ni épaisseur à la nécessité intérieure, le souffle ardent de la partition. Légèreté, mélancolie… la liberté et la puissance de la fantaisie (surtout dans l’Allegro final) distillent le plus séduisant des chants à deux voix.

La Sonate de Debussy (1915) met en avant chaque tempérament: structuré, viscéralement équilibré de Grimaud; aérien, et presque évanescent de Gabetta: voici à nouveau une équation … miraculeuse dans ce triptyque totalement singulier, aux climats à la fois mordant (cyniques? Voir la Sérénade. Chostakovitch n’est pas loin… justement il paraît après Debussy dans le programme) et aussi mélancolique (vertiges et émois du Pierrot songeur, désespéré dans Sérénade). Mais les deux interprètes ajoutent la couleur du rêve, à moitié torpeur et interrogation, qui circule à travers toute la partition.

Très peu glaçante et ambiguë comme plus tard, la Sonate de Chosta est une oeuvre de relative jeunesse écrite en 1934 où des éclairs Tchaïkovskiens et aussi propres à Rachmaninov s’épanchent (quelle tact au violoncelle). Comme une mécanique entêtante presque brûlée, à la trépidation rythmique accentuée, le second Allegro assume pleinement son caractère de Scherzo endiablé versant même du côté de Prokofiev en fin d’énoncé. La versatilité millimétrée, l’intelligence des passages d’un climat l’autre sont prodigieux d’inventivité libre et chatoyante (intensité hallucinée du dernier mouvement, flottant, inquiet, crépusculaire… et même mystéreux): tout le mérite en revient aux qualités du Duo d’enchanteresses.

L’élégance coulante, discrète et pudique d’Hélène, mise au diapason de Sol, à la fois lumière et note: l’alchimie est hypnotique. Superbe récital, éclectique, révélateur d’une belle complicité artistique. Bientôt de nouveaux jalons discographiques ? Nous le souhaitons. Nous les attendons !


Duo. Hélène Grimaud, piano. Sol Gabetta, violoncelle.
Oeuvres pour violoncelle et piano de Schumann (Fantasiestücke op. 73), Brahms (Sonate n°1 opus 38), Debussy (Sonate pour violoncelle et piano), Chostakovitch (Sonate pour violoncelle et piano opus 40). Enregistré à Gstaad, été 2011. 1 cd Deutsche Grammophon 00289 479 0090.

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